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Eléments de problématique communs aux recherches développées dans ces réseaux

5.1 PROJETS DE RECHERCHES EUROPEENS OU INTERNATIONAUX : CARACTERISTIQUES ET POINTS COMMUNS

5.1.1 Eléments de problématique communs aux recherches développées dans ces réseaux

5.1.1.1 Une éducation technologique pour tous

Depuis plus de vingt ans, de nombreux pays mettent en place des curricula d’éducation technologique pour tous, conformément aux recommandations de l’UNESCO. Comme toute éducation, l’éducation technologique s’inscrit dans la perspective d’éduquer les enfants pour qu’ils deviennent des citoyens (Benson, De Vries, Ginestié, et al., 2001). Cette éducation technologique ne procède pas de créations ex-nihilo mais bien sûr à partir d’héritages de différentes formes d’enseignement telles que les travaux manuels, les techniques professionnelles, les éducations domestiques ou encore les applications des sciences. Les évolutions culturelles, sociales et politiques conduisent à confier à l’école de plus en plus de responsabilités en matière d’éducation. Les missions de l’école s’élargissent ainsi à un nouveau champ de savoirs qui concernent notre rapport aux techniques, au mode d’existence des artefacts et aux organisations sociales qui les produisent que ce soit dans un but d’éducation générale ou dans celui de former des professionnels.

Le développement d’une éducation technologique pour tous est essentiel pour tenter d’apporter des réponses à cette désaffection d’orientation vers les voies scientifiques ou technologique. Il l’est également, pour inscrire la culture technologique comme une des composantes incontournables de la culture générale (Deforge, 1970 ; Ginestié, 1998, 2001a, 2005a ; Simondon, 1989). Dans cette perspective, il s’agit, complémentairement à l’éducation scientifique, de permettre à des élèves de comprendre le monde des objets et des systèmes techniques dans lequel ils évoluent, d’en comprendre l’existence et d’entendre

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les organisations sociales par et pour lesquelles ces objets et ces systèmes existent. Cette démarche est à la fois globale (comprendre l’évolution du monde d’un point de vue de nos rapports au progrès technique) et locale (comprendre comment tel produit a été conçu, fabriqué, comment il peut être utilisé, ou comment telle entreprise est organisée pour le produire (Ginestié, 2001c, 2002).

Cette évolution est souvent présentée de manière positive, comme une réconciliation entre le geste et la pensée, entre l’outil et le symbole. La modernité devient une référence incontournable dans cette perspective positiviste. Elle est ancrée dans un processus de continuité historique et les changements évoqués ne sont que des réajustements conjoncturels du système éducatif (Amigues, Ginestié, Johsua, 1995). On peut noter par exemple que pratiquement tous les curricula contemporains commencent par quelque chose du style « vivre dans une société hautement technologique… ». La fédération autour de l’appellation d’éducation technologique cache des formes et des organisations très différentes d’un pays à l’autre (même au sein de l’Europe) et nous sommes encore loin d’une identité disciplinaire forte, indépendante des cultures nationales ou locales comme le sont les sciences par exemple. La massification de l’accès à l’école et l’allongement de la scolarité portent en elle un principe d’égalité, notamment l’égalité des chances. Une des déclinaisons de ce principe considère que l’intégration sociale d’un jeune repose sur son intégration professionnelle et donc sur la possibilité qui lui est offerte d’acquérir une qualification professionnelle reconnue et reconnaissable. La description des différentes formes d’éducation technologique ne peut donc se faire que par des approches comparatives sur les organisations, les activités, les références et les savoirs mis en jeu bien avant d’envisager toute forme de comparaison des performances ou de l’efficacité (Ginestié, 2001).

5.1.1.2 Une formation professionnelle pour chacun

Penser la formation professionnelle, c’est penser le développement d’une société (Ginestié, 2005a). Tous les pays, sous une forme ou sur autre, s’intéressent à cette question et ont mis en place des systèmes de formation professionnelle qui se sont développés et étendus à une très large couverture de l’ensemble des métiers et à tous les niveaux de qualification (Ginestié, 2000a). Le principe social qui consiste à proposer à chaque élève une voie professionnelle à un moment de son cursus scolaire, n’a rien d’évident dans sa mise en œuvre. Il pose directement la question de la gestion des flux d’élèves et se traduit par la mise en place d’infrastructures de formation souvent très lourdes en équipements matériels, en mobilisation de compétences… Il pose également la question de l’adéquation entre, d’une part, la structuration de ces voies professionnelles, exprimées en terme de capacité d’accueil

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des établissements offrant ces formations, et, d’autre part, les possibilités d’emplois effectivement disponibles pour telle ou telle qualification dans telle ou telle branche professionnelle. Loin d’être une science exacte, ce genre d’exercice revient à anticiper sur plusieurs années les besoins pour chacune de ces qualifications et à faire fonctionner les structures de formation. Offrir le choix aux élèves apparaît comme une des conditions fondamentales de la mise en œuvre du principe d’égalité des chances même si ce choix reste conditionné par les capacités de l’élève mais également par les capacités d’accueil dans une structure qui lui permettra de concrétiser ce choix. Cette rencontre entre des stratégies individuelles de choix d’élèves, plus ou moins conditionnés et des organisations sociales rend encore plus périlleux les exercices d’anticipation (Ginestié, 2005a). C’est pourtant ordinairement ce que font toutes les institutions de formation lorsqu’elles affichent un parcours de formation, s’appuyant sur un curricula, organisé dans le temps et débouchant sur une qualification (Chatoney & Ginestié, 2010).

L’adéquation entre cette offre de formation et les demandes des jeunes ne fonctionne pas simplement. La désaffection pour les voies scientifiques et technologiques par exemple, est une réalité préoccupante pour de nombreux pays. Cette question prend tout son sens si on la pose en regard des organisations de la formation professionnelle initiale. Les formes d’organisation de la formation professionnelle, de par le monde, sont très diverses car elles relèvent des organisations socioprofessionnelles et des choix politiques. Elles peuvent être prises en charge par les secteurs professionnels, par les entreprises ou par les états. Cette diversité se traduit dans une diversité de curricula de formation, de statut des formateurs et des institutions de formation. En revanche, l’organisation d’une école pour tous procède de la même volonté de transmettre à une même classe d’âge un corpus de savoirs identifiés identiques pour tous ces enfants. Nous allons ainsi retrouver des constantes qui prennent forme dans des curricula établis, d’organisations scolaires plutôt stables avec des enseignants qui composent un corps plus ou moins homogène, tout au moins au niveau d’un État donné. Il y aura des variations inter-états mais des constantes nationales.

5.1.1.3 Lien entre éducation technologique et formation professionnelle

Le lien entre éducation technologique et formation professionnelle ne va pas de soi, selon les pays. La conception de l’éducation technologique dans un pays donné est fortement dépendante de l’environnement économique, social, politique et culturel de ce pays. Toutefois, assez généralement, une des causes de la désaffection des élèves vers les voies scientifiques et technologiques provient de leur méconnaissance de ces mondes. La distance entre, d’une part, les savoirs communs socialement partagés dans la famille ou l’environnement quotidien des enfants et, d’autre part, les savoirs scientifiques et

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technologiques reste un facteur déterminant sur la viabilité des systèmes d’orientation. Ces systèmes sont d’autant plus fragiles que cette distance est grande. Ainsi, des élèves, issus d’un milieu socioculturel très éloigné des organisations de savoirs scientifiques et technologiques, ne choisissent pas spontanément une orientation vers des filières scientifiques ou technologiques. Or, pour de nombreux pays, les enseignements technologiques ont largement à voir avec la proximité domestique de l’environnement familier des élèves. Les objets sont pris dans l’espace domestique avec les distances d’usage que ce domestique induit. Si le magnétoscope, le micro-ordinateur, la voiture, sont des objets de proximité pour les enfants des milieux socialement aisés, cette notion de proximité renvoie souvent à la bicyclette, la pompe à eau, la charrue, le moulin pour d’autres enfants dans d’autres milieux sociaux. Cette distinction sur la nature des objets induit une distinction forte sur la nature des activités (Andreucci, Ginestié, 2002).

Pour les premiers, les activités relèvent soit de l’utilisation de ces objets (éduquer les enfants pour en faire des utilisateurs avertis), soit de la production industrielle de ces objets (comprendre les mécanismes des modes d’existence des objets). Les élèves doivent plus comprendre que savoir-faire. Pour les seconds, l'activité se réfère aux artisanats locaux avec une connotation forte visant l’intégration sociale directe des élèves dans le tissu économique local. Dans cette perspective, la compréhension est minorée au bénéfice du savoir-faire empruntés aux métiers environnants. Bien sûr, les choses ne sont pas aussi tranchées, chaque école va avoir à cœur d’élever le niveau de référence de ses enfants et donc de gommer ces différences qui pourraient apparaître entre milieux sociaux ou entre pays. On le voit, il y a oscillation entre des références aux pratiques socioprofessionnelles de l’environnement des élèves ou aux objets qu’ils peuvent manipuler dans un milieu socioculturel donné. En tout état de cause, les différentes formes que revêtent ces enseignements accréditent l’idée d’enseignements technologiques au pluriel beaucoup plus que celle d’un enseignement des technologies (Ginestié, Balonzi, Kohowalla, 2005). L’un des enjeux de la mise en place d’une éducation scientifique et technologique dès les premières années de l’école primaire est ainsi de modifier et d’établir les rapports aux savoirs scientifiques et technologiques des élèves (Chatoney, 2005) de tout horizon.

L’accès aux savoirs scientifiques et technologiques relève du double objectif d’accès à la culture scientifique et technique pour tous et de développement des compétences scientifiques et technologiques nécessaires pour accompagner le développement socioéconomique des pays. Sans enseignants de qualité, bien formés, il est difficile d’imaginer une implantation durable, pertinente d’un enseignement technologique qui contribue à une éducation générale de tous (telle qu’elle est préconisée par l’UNESCO depuis 1982).

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