• Aucun résultat trouvé

Eléctrocorticographie : intérêt du couplage à la stimulation électrique directe

Anatomopathologie selon la classification de l'OMS

V. Comment se déroule la procédure ?

2. Cartographie fonctionnelle peropératoire :

2.2. Eléctrocorticographie : intérêt du couplage à la stimulation électrique directe

L’électrocorticographie peropératoire est un outil innovant et potentiellement intéressant dans les chirurgies réalisées en condition vigile.

Georges Ojemann explique dans sa publication princeps, la variabilité des réponses aux stimulations électriques directes en fonction de la nature des cortex stimulés, primaires ou associatifs, mais aussi par un effet différent induit par la stimulation. L’ensemble des mécanismes physiopathologiques expliquant l’effet de la stimulation au niveau des structures testées est encore mal connu. Il existe de manière certaine une dépolarisation des cellules pyramidales, objectivée par la post-décharge pouvant suivre une stimulation. Le seuil d’excitabilité s’est révélé différent d’une région corticale à l’autre grâce à ce paramètre électrophysiologique [172], expliquant l’importance de cette notion de seuil ou d’intensité optimale à appliquer sur une aire corticale donnée et dans des conditions pathologiques particulières (épilepsie, tumeurs. . .). Par ailleurs, comme vu dans le chapitre précédent, la SED ( stimulation électrique directe) peut également entraîner une post-décharge à distance en raison

de l’existence d’importantes connexions cortico-corticales [173], du fait de l’existence de nombreuses connexions de fibres blanches cortico-sous corticales tel que le faisceau arqué dans les cortex associatifs [174,175].

Il apparaît ainsi fondamental de pouvoir bénéficier, lors d’une stimulation électrique directe, d’un dispositif qui permette de fournir en temps réel l’information concernant non seulement la désorganisation locale, mais aussi régionale de l’activité électrique cérébrale afin de mieux interpréter la présence ou l’absence d’une erreur clinique. C’est dans ce contexte qu’une étude, menée par le Professeur Metellus et son équipe en 2012, propose un couplage de la stimulation électrique directe à un dispositif d’enregistrement électrocorticographique [172]. L’utilisation de l’électrophysiologie peropératoire a ainsi été jugée utile à plusieurs égards. Les informations fournies ont permis d’affiner l’interprétation des modifications cliniques obtenues par la SED, et de ce fait d’en augmenter à fois la sensibilité et la spécificité.

En effet, grâce à la visualisation d’une post-décharge locorégionale ou à distance, traduisant la désorganisation d’une région différente de la zone stimulée, la spécificité spatiale est augmentée, et de faux positifs potentiels sont évités. Par ailleurs, la possibilité d’objectiver, en temps réel, la désorganisation focale de l’activité électrique cérébrale a permis de mieux adapter les paramètres de stimulations (intensité et durée) à chacune des régions testées et de valider la réponse clinique associée. Etant donné que toutes les régions corticales n’ayant pas le même seuil de dépolarisation, une stimulation de trop faible intensité pourrait induire de faux négatifs potentiels. L’enregistrement d’une courte post-décharge focale suivant la stimulation permet de s’assurer d’un authentique effet sur la région testée.

L’enregistrement de l’activité électrique corticale conjoint à la stimulation permet également de diagnostiquer ou de prévenir la survenue de crise au cours du geste chirurgical ainsi que de définir le moment à partir duquel le cerveau retrouve une électrogène normale pour que le neurochirurgien puisse à nouveau stimuler le cortex sans risque accru de nouvel épisode comitial.

L’activité électrique corticale étant évidemment différente au niveau de la lésion par rapport au cortex sain, les agents anesthésiques, même à très faible dose chez un patient éveillé, modifient cette activité dans les zones lésées qui semblent être particulièrement sensibles leur effet dépresseur. Il y a potentiellement là l’explication de la constatation clinique de la résurgence de déficits neurologiques compensés liée à l’administration de très faibles doses d’hypnotique ou de morphinique [176,177,178]. L’effet résiduel des agents anesthésiques ou la perfusion de morphiniques en cas de douleur pourrait donc avoir des effets non négligeables sur l’interprétation des données neurophysiologiques mais aussi cliniques.

Pour finir, le dispositif d’enregistrement éléctrocorticographique permet une étude de la connectivité cérébrale électrophysiologique et pourrait ainsi participer à la validation de modèles neurocognitifs qui ne reposent, à ce jour, que sur des données de corrélation anatomo- lésionnelles, d’imagerie fonctionnelle ou de SED. L’analyse des données électrophysiologiques obtenues lors des phases de réveil et d’endormissement devraient également contribuer à une meilleure compréhension des mécanismes neurophysiologiques d’action des agents anesthésiques et leur action sur le cortex cérébral altéré.

3. Incidents peropératoires :

Des crises convulsives surviennent dans 5 à 20 % des cas. Malgré l’ensemble des précautions, une crise partielle ou généralisée peut survenir durant les stimulations. Une irrigation de sérum froid, notamment en regard de la zone corticale génératrice de l’épilepsie, permet le plus souvent la cessation de la crise dans les 10 à 15 secondes. Ces manifestations cèdent presque toujours après irrigation du cortex avec du sérum physiologique froid [179]. Le mécanisme correspondrait à une diminution du métabolisme cérébral et de la diffusion électrique, induite par l’hypothermie [179]. Cette méthode évite l’administration d’antiépileptique susceptible de fausser la cartographie électrique. Il est également recommandé de ne pas restimuler immédiatement à la suite d’une crise convulsive, du fait du risque de

générer une nouvelle crise, mais aussi du fait que l’hypothermie puisse engendrer des faux- négatifs.

Dans de rares cas, chaque stimulation induit une crise, et ce malgré une intensité minimale « efficace », chez des patients présentant le plus souvent un déficit préopératoire et/ou une infiltration tumorale massive des aires éloquentes primaires. Les cartographies peuvent donc être amenées à être interrompues sous anesthésie locale. Néanmoins, il est envisageable de continuer la résection sous-corticale sous anesthésie générale, par stimulations de la substance blanche, n’induisant en effet pas de crise et permettant de bénéficier d’une cartographie motrice qui reste fiable [126].

Les complications graves nécessitant l’interruption de l’intervention sont exceptionnelles. Une dépression respiratoire par surdosage en morphinique peut surgir, ou bien un œdème peropératoire majeur constaté uniquement au cours de l’exérèse de gliomes malins [180].

En dehors de véritables complications, un surdosage anesthésique peut être responsable de la persistance d’un état de somnolence au moment de la cartographie, ce qui la rend peu fiable.

Au cours de notre étude, 7 patients ont présenté des incidents per-opératoires, tous à type de crises convulsives. Aucun n’était lié à l’anesthésie. Un seul cas de fatigue intense, nuisant à la coopération de l’opéré, a été noté.

Malgré ces risques, ces interventions sont, en pratique, bien tolérées, et plus anxiogènes pour l’équipe médicale que pour le patient [180].