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La r` egle d’or de Fermi

Dans le document II.1 L’invariance de jauge locale (Page 32-38)

Sous ce titre ´evocateur, je vais faire un rappel f´ebrile de la th´eorie des perturbations d´ependant du temps. Nonobstant l’usage tr`es lib´eral du mot “th´eorie” par les physiciens, il s’agit en fait d’une m´ethode de r´esolution approch´ee de l’´equation d’´evolution

i¯hd

dt|ψ(t)=

H0+Hint(t)

|ψ(t) (II.53)

d’un syst`eme conservatif (hamiltonien H0 ind´ependant du temps) soumis `a une perturbation d´ependant du temps Hint(t). La question est trait´ee dans tous les cours de th´eorie quantique ´el´ementaire26. Le recours que nous allons avoir `a ses premiers r´esultats en justifie un bref rappel. Le traitement, pour simple qu’il soit, rec`ele quelques subtilit´es, et puis n’est-il pas agr´eable parfois de lire des choses que l’on connaˆıt d´ej`a?

En adoptant une base d’´etats stationnaires deH0— autrement dit ´etats propres du mˆeme, H0|I=EI|I— dont la suppos´ee discr´etion all`ege l’´ecriture, on peut d´evelopper tout ´etat|ψ(t)du syst`eme perturb´e, avec des coefficients qui d´ependront

26Entre autres, sous une forme particuli`ement commode, dans G. Baym, ref.[9].

II.6 La r`egle d’or de Fermi 43 g´en´eralement du temps:

|ψ(t)=

I

cI(t)eiE¯hIt|I.

On extrait les facteurs exponentiels des coefficients pour une simple raison de confort ult´erieur: en l’absence de perturbation, les coefficients (ouamplitudes) cI seront constants. Le report de ce d´eveloppement dans l’´equation de Schr¨odinger (II.53) et le produit `a gauche par un bra propre B| de l’hamiltonien non perturb´e nous donnent les ´equations des amplitudes coupl´ees:

i¯h˙cB(t) =

I

e¯hi(EBEI)tB|Hint(t)|IcI(t). (II.54) Dans le cas, important en pratique parce que facile `a traiter formellement, o`u l’´etat initial est un ´etat propre de l’hamiltonien non perturb´e, soit|ψ(0)=|A, on acI(0) =δIA. Dans la mesure o`u il ne s’est pas encore ´ecoul´e beaucoup de temps, lescI(t) n’ont gu`ere vieilli et on ne devrait pas trop se tromper en rempla¸cant les cI(t), sources dans les deuxi`emes membres des ´equations d’´evolution (II.54), par leurs valeurs initialescI(0). La r´esolution des ´equations coupl´ees est alors ramen´ee

`

a une simple quadrature qui nous donne l’approximation, dite du premier ordre, i¯hcB(t)≈i¯hc(1)B (t)df=

t 0

dt1e¯hi(EBEA)t1B|Hint(t1)|A. (II.55) Les crit`eres de validit´e d’une telle approximation sont loins d’ˆetre ´evidents.

L’´evaluation de l’approximation du deuxi`eme ordre, obtenue en prenant l’estimation du premier ordre (II.55) comme source dans les ´equations d’´evolution (II.54) est trop coˆuteuse (sauf lorsqu’elle est n´ecessaire pour cause de nullit´e de l’´el´ement de matriceB|Hint(t1)|A), et pas totalement convaincante car la suite perturbative n’est g´en´eralement pas convergente. Heureusement, les premiers termes peuvent quand mˆeme fournir une estimation car il y a certainement convergence asympto-tique, lorsque la perturbation est nulle! Contentons nous d’esp´erer heuristiquement que l’approximation est satisfaisante tant que l’amplitude de l’´etat initial|Adans l’´etat|ψ(t)ne s’est pas trop vid´ee au profit des autres ´etats de base.

Pour les mˆemes raisons pratiques et th´eoriques, consid´erons le cas o`u la d´epen-dance temporelle de la perturbation Hint(t) est purement harmonique, avec une pulsationω, soit

Hint(t) =W eiωt+W+eiωt,

l’hermiticit´e de l’hamiltonien du syst`eme,H0+Hint, requ´erant celle de Hint. Le calcul de l’approximation du premier ordre (II.55) est alors un jeu d’enfant, avec pour r´esultat:

i¯hc(1)B (t) =B|W|Ae¯hi(EBEA¯hω)t1

i

¯

h(EBEA¯hω) +B|W+|Aeh¯i(EBEAhω)t1

i

¯

h(EBEAhω) .

Figure II.3: Le graphe de

sinEB−EA−¯

h t

EBEA¯ 2

2

.

A pulsation de la perturbation ω et ´etat initial A donn´es, le module de cette ex-pression va pr´esenter des maximums notables pour les ´etats B singularis´es par un des deux d´enominateurs, c’est-`a-dire tels queEB≈EA±¯hω.

Pour ceux de ces ´etats dont l’´energie est proche de EA+ ¯ par exemple, la lectrice v´erifiera facilement que le module du deuxi`eme terme du deuxi`eme membre reste alors inf´erieur `aB|W+|A/ω, ce qui sera loin d’ˆetre le cas du premier terme.

Lorsqu’on n´eglige ce deuxi`eme terme (ce que l’on appelle parfois l’approximation de l’onde tournante), on obtient pour la probabilit´e d’avoir l’´etat |B dans l’´etat

|ψ(t), ´evolu´e de|A, `a un instant donn´et:

B|ψ(t)2 = cB(t)2

c(1)B (t)2

B|W|A2 sinE

B−EA−¯ h t

EB−EA−¯ 2

2

.

Cetteprobabilit´e de transitionest le produit du module carr´e de l’´el´ement de ma-trice de la transition et d’une quantit´e qui, consid´er´ee comme fonction de l’´energie EB de l’´etat de base dont nous cherchons l’amplitude, m´erite notre attention.

L’allure de son graphe est facile `a tracer (fig. II.3) et nous r´ev`ele que l’aire totale comprise entre la courbe repr´esentative et l’axe des abscisses est proportionnelle `a (t2/¯h2)(2π¯h/t), soit 2πt/¯h. Explicitons ce facteur en ´ecrivant plutˆot

B|ψ(t)22πt

¯

h B|W|A2f(EB),

II.6 La r`egle d’or de Fermi 45

Figure II.4: Le graphe de π1sin

2

(EB−EA−¯hω)t

¯ h

(EBEAhω)¯ 2 t h

.

avec

f(EB)df= 1 π

sin2

(EB−EA¯hω)th

(EB−EA¯hω)2th . (II.56) Toutes choses ´egales par ailleurs, ce sont les probabilit´es des divers ´etats B que nous analysons, d’o`u l’int´erˆet d’´etudier le facteurf en tant que fonction de la variableEB, d´ependant param´etriquement det et deEA+ ¯hω. L’allure du graphe de cette fonction est non moins facile `a ´etablir (fig. II.4). La croissance det effile le pic et correspond `a modifier en proportions inverses les ´echelles des abscisses et des ordonn´ees. On en d´eduit que l’aire totale sous cette courbe reste constante.

L’argument dimensionnel est confirm´e lorsqu’on ´ecrit l’int´egrale correspondante, Adf=

−∞dEBf(EB)

qui, au moyen du changement de variablexdf= (EB−EA¯hω)t/2¯h, se r´eduit `a A= 1

π

−∞dx sin2x x2 .

La limite d’un pic dont l’acuit´e croˆıt ind´efiniment en gardant une aireA con-stante porte un nom; au facteurApr`es, c’est la “fonction” de Dirac:

f(EB)

t→∞Aδ(EB−EA¯hω).

Figure II.5: Les contours d’int´egration pour ´evaluer

−∞dz 1ze2iz. Reste `a calculer la constanteA, c’est `a dire l’int´egrale

apr`es passage dans le plan z complexe, selon les diff´erents contours d’int´egration indiqu´es (fig. II.5).

L’int´egrale sur Γ est nulle par absence de pˆole int´erieur, tandis que le lemme de Jordan nous garantit que l’int´egrale surCtend vers z´ero. Reste l’int´egrale surcqui se calcule facilement en posantz= e, soit dz= ei dθ=iz dθ. Il vient alors

d’o`uA= 1. On a ainsi retrouv´e une repr´esentation connue de la fonction de Dirac:

1 π

sin2tx tx2

t→∞δ(x). (II.57)

En ce qui nous concerne, l’aire sous la courbe repr´esentative def reste, en tous temps, ´egale `a un et, lorsque le temps ´ecoul´e est assez grand, la probabilit´e de trouver l’´etat |Best donc donn´ee par lar`egle d’or de Fermi:

B|ψ(t)2=2πt

¯

h B|W|A2δ(EB−EA¯hω). (II.58) La pudeur me retient de pr´eciser qu’il s’agit d’une limite lorsquettend vers l’infini.

Les crit`eres de validit´e de cette expression sont ambigus, car contradictoires entre

II.6 La r`egle d’or de Fermi 47 les exigences de l’approximation du premier ordre et de l’aiguisage du pic pour en faire une fonction de Dirac.

La raison du succ`es de cette formule r´eside dans le fait qu’en pratique on ne mesure ´evidemment jamais une fonction de Dirac mais plutˆot son int´egrale. La probabilit´e de trouver tous les ´etats B est une quantit´e plus r´ealiste. Dans la mesure o`u ceux-ci font partie d’un continuum, ou tout au moins ont des ´energies assez voisines par rapport `a la largeur 2π¯h/t du pic, on peut remplacer la somme discr`ete par une int´egration dont l’´el´ement diff´erentiel est un nombre d’´etats,dnB. La pr´esence de la fonctionδ(EB−EA−¯hω) sugg`ere alors d’adopter plutˆot l’´energie comme variable d’int´egration, ce qui fait apparaˆıtre ladensit´e d’´etats finals, ρ, du syst`eme:

dnB = dnB

dEB

dEB

= ρ(EB)dEB.

On obtient ainsi la r`egle d’or de Fermi sous sa forme int´egr´ee, plus habituelle, qui donne la probabilit´e de transition totale

A→BPr =2πt

¯

h B|W|A2ρ(EB), (II.59)

o`uEB =EA+ ¯hω.

Je n’´epiloguerai pas sur les quelques raffinements techniques, sans difficult´e, mais n´ecessaires, lorsque le niveauEB est d´eg´en´er´e. D’un autre cˆot´e, on comprend maintenant que l’approximation par une fonctionδ(´equation (II.58), ou (II.59) sous forme int´egr´ee) est valide dans la mesure o`u la largeur du pic 2π¯h/test assez faible pour que les variations du module de l’´el´ement de matriceB|W|Aet de la densit´e ρen fonction de l’´energieEB y soient n´egligeables.

La simplicit´e de la d´ependance temporelle dans la r`egle d’or permet de d´efinir untaux de transition

ΓABdf

= B|ψ(t)2

t ,

soit, pour la forme que nous utiliserons, ΓAB =2π

¯

h B|W|A2δ(EB−EA¯hω). (II.60) Attention! En d´epit de sa dimension (l’inverse d’un temps) et de sa d´enomina-tion courante, cette quantit´e n’a en aucune fa¸con la signification physique d’une

“probabilit´e de transition par unit´e de temps”. Ce n’est pas la transition qui est par unit´e de temps, comme si apr`es deux unit´es (par exemple deux heures!) on devait n´ecessairement avoir une probabilit´e deux fois plus grande. C’est parce qu’elle est ind´ependante du temps que cette expression est si commode, mais ce n’est pas vrai

tout le temps: celui-ci ne doit ˆetre ni trop court (la pr´esum´ee fonction de Dirac se r´epand), ni trop long (tout peut arriver au-del`a du premier ordre). Le temps est ici un param`etre. A l’instant tl’´etat est|ψ(t), et c’est l’instant choisi pour l’analyse du syst`eme qui conditionne la probabilit´e de transition `a l’´etat |B selon la r`egle orthodoxe (sinon coh´erente) de la mesure en th´eorie quantique. . . mais ceci est une autre histoire abondamment glos´ee, `a d´efaut d’ˆetre ´elucid´ee.27

Dans le document II.1 L’invariance de jauge locale (Page 32-38)

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