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C. L’EGFR : une cible thérapeutique privilégiée dans la prise en charge des CBNP

1) Les différents EGFR-TKI

Les premiers EGFR-TKI qui ont été développés sont le gefitinib (Iressa®) et l’erlotinib

(Tarceva®).

A la suite de deux essais cliniques de phase II montrant l’activité clinique antitumorale

du gefitinib chez des patients atteints de CBNPC non répondeurs à une ou plusieurs lignes de

chimiothérapie, la FDA a autorisé l’utilisation du gefitinib en 2003 en tant que traitement de

troisième ligne des CBNPC avancés en progression après échec de deux lignes de

chimiothérapie. Cependant, les essais cliniques suivants de phase III (ISEL) n’ont pas permis

de confirmer l’avantage du gefitinib face à la chimiothérapie et ont contraint la FDA à

restreindre l’utilisation aux seuls patients déjà sous traitement (Cataldo, 2011). Même si ISEL

n’a pas montré un bénéfice sur la survie du gefitinib, l’analyse de sous-groupes de patients a

montré une amélioration de la survie chez les femmes, les individus non-fumeurs et les

patients porteurs d’un adénocarcinome ou d’origine asiatique. Ces observations ont conduit à

l’essai clinique de phase III IPASS (Iressa pan-Asia study) comparant le gefitinib à la

chimiothérapie (carboplatine/paclitaxel) en première ligne pour des CBNPC

sélectionnés (patients avec un adénocarcinome et non-fumeurs). Cette étude a permis de

mettre en évidence que les patients porteurs d’une mutation activatrice de l’EGFR avaient un

meilleur taux de réponse au gefitinib (71,2% vs 1,1%) et une meilleure survie sans

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progression (9,5 mois vs 6,3 mois) comparativement aux patients avec un EGFR sauvage. A

l’inverse, les patients avec un EGFR sauvage ont montré une meilleure survie sans

progression sous chimiothérapie (5,5 mois vs 1,5 mois pour le gefitinib). (Mok, 2009).

De même pour l’erlotinib, plusieurs essais cliniques de phase III (dont TITAN) n’ont

pas montré de bénéfice de la thérapie ciblée comparativement à une chimiothérapie dans un

groupe de patients atteints de CBNPC (non sélectionnés). Cependant, l’essai OPTIMAL a mis

en évidence que l’erlotinib en première ligne de traitement améliorait de manière significative

le taux de réponse et la survie sans progression chez des patients chinois porteurs de

mutations activatrices de l’EGFR (en comparaison avec un traitement

carboplatine/gemcitabine) (Zhou, 2011).

Ces études ont amené l’EMA à autoriser la mise sur le marché du gefitinib et de

l’erlotinib en première ligne de traitement pour les patients ayant un CBNPC, localement

avancé ou métastatique, et porteurs d’une mutation activatrice de l’EGFR.

Cependant, il a été montré que chez les patients répondeurs, les EGFR-TKI ne

stabilisent la maladie que 6 à 12 mois (Stella, 2012). En effet, les patients finissent par

développer une résistance au traitement. Le mécanisme de résistance acquise le plus commun

est la mutation T790M sur l’exon 20 présente chez 50 à 60% des patients.

Pour pallier à ce problème, des EGFR-TKI de seconde et de troisième générations ont

été développés. Les EGFR-TKI de seconde génération sont capables de cibler plusieurs

membres de la famille HER et sont irréversibles. Ils forment une liaison covalente avec le

récepteur. On compte parmi les TKI de seconde génération le dacomitinib (PF-00299804) et

l’afatinib (Giotrif®).

Le dacomitinib inhibe de manière irréversible EGFR, HER2 et HER4 et est capable de

bloquer les signalisations des différents homo- et hétérodimères de la famille (Carpenter,

2012). Les études précliniques ont rapporté qu’il était capable d’inhiber l’EGFR muté y

compris la mutation T790M. En clinique, un essai de phase II a montré que le dacomitinib en

seconde ligne de traitement prolongeait la survie sans progression comparativement à

l’erlotinib (12,4 mois vs 8,3 mois). Un essai de phase III est actuellement en cours avec le

gefitinib dans les mêmes conditions. Le dacomitinib a montré des effets prometteurs chez les

patients non-fumeurs qui ont une mutation activatrice de l’EGFR et un gène K-RAS sauvage

(Ou, 2012). (Hirsh, 2015)

L’afatinib se lie de manière covalente à l’EGFR, à HER2 et à HER4 et inhibe les

signalisations des différents dimères de la famille HER. LUX-lung 3, un essai de phase III, a

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mis en évidence que l’afatinib avait un bénéfice sur la survie sans progression chez des

patients avec un adénocarcinome et une mutation de l’EGFR en comparaison avec la

chimiothérapie. En effet, elle est de 11,1 mois sous afatinib contre 6,9 mois sous

cisplatine/pemetrexed (Sequist, 2013). De même, au cours de l’essai LUX-lung 6, les patients

possédant une mutation de l’EGFR ont montré une progression sans survie de 11 mois avec

l’afatinib et de 5,5 mois avec le traitement gemcitabine/cisplatine. Ces études ont alors mené

l’EMA à autoriser la mise sur le marché de l’afatinib pour une indication en monothérapie

dans le traitement des patients naïfs pour les EGFR-TKI avec un CBNPC localement avancé

ou métastatique et porteurs d’une mutation activatrice de l’EGFR (HAS, 2014). (Hirsh, 2015

et Lopes, 2015)

La troisième génération d’EGFR-TKI se fixent de manière irréversible à l’EGFR muté

T790M. On trouve notamment l’AZD9291 (osimertinib, Tagrisso®) et le rociletinib

(CO-1686). (Brosseau, 2015)

L’AZD9291 se lie au domaine tyrosine kinase de l’EGFR de façon irréversible en

ciblant le résidu cystéine Cys797 du site de liaison à l’ATP via la formation d’une liaison

covalente (Cross, 2014). Il montre des effets secondaires peu fréquents et de faible grade

comparativement aux EGFR-TKI de première génération. Les patients avec un EGFR muté

T790M présentent un meilleur taux de réponse (61%) et de survie sans progression (9,6 mois)

que les patients non mutés (21% et 4,3 mois) (Jänne, 2015). Il a reçu une AMM

conditionnelle de l’EMA en février 2016 pour le traitement des patients atteints d’un CBNPC

de stade avancé ou métastatique avec un EGFR muté T790M.

Le rociletinib cible sélectivement les formes mutées de l’EGFR. Ses effets secondaires

sont essentiellement les diarrhées et l’hyperglycémie retrouvée chez plus de la moitié des

patients. Ceci est dû à un métabolite actif du rociletinib qui bloque le récepteur de l’insuline et

de l’IGF-1. Au cours d’une phase II comptant 130 patients présentant un CBNPC en

progression après traitement par un EGFR-TKI de première génération, le taux de réponse

était de 59% chez les patients porteurs de la mutation T790M contre 29% chez les patients

n’ayant pas la mutation. Il permet aussi une meilleure survie sans progression chez les

patients mutés (13,1 mois contre 5,6 mois chez les patients non mutés) (Sequist, 2015).

Des essais de phase III sont en cours pour ces deux molécules. Ils permettront

certainement de définir une nouvelle approche thérapeutique.

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