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Dans cette partie, nous énumérerons les différentes altérations de l’EGFR dans les

cancers bronchiques et leur impact sur la carcinogenèse bronchique.

1. Les mutations de l’EGFR

L’EGFR peut présenter des mutations au niveau de son domaine tyrosine kinase dans

sa partie intracellulaire et des mutations sur son domaine extracellulaire.

Les mutations du domaine tyrosine kinase de l’EGFR sont présentes dans 10 à 20%

des CBNPC selon les populations et les sous-types histologiques étudiés.

Les mutations les plus fréquentes sont les mutations activatrices de l’EGFR. Elles ont

lieu principalement sur les exons 18 à 21 au niveau du domaine tyrosine kinase de l’EGFR.

La substitution d’une leucine en arginine au niveau du codon 858 (mutation L858R)

représente environ 40% de ces mutations et les délétions au niveau de l’exon 19 (Del19) d’au

moins cinq codons 746 à 750 comptent pour 40 à 45% d’entre elles. Elles sont retrouvées

dans 60 à 80% des cas chez des femmes, non fumeuses, d’origine asiatiques et ayant un

adénocarcinome (Rosell, 2009). D’autres mutations activatrices plus rares ont été décrites

comme des substitutions au niveau de l’exon 18 dans 5% des cas (G719C, G719S, G719A,

V689M…) ou au niveau de l’exon 20 dans moins de 1% des cas. Ces mutations induisent

l’activation constitutive de l’EGFR et de ses voies d’aval ce qui permet la prolifération et la

survie des cellules tumorales. D’autre part, du fait de ces mutations activatrices, l’EGFR a une

meilleure affinité pour les EGFR-TKI (inhibiteurs de l’activité tyrosine kinase de l’EGFR)

que pour l’ATP lui-même au niveau de sa poche à ATP. Ainsi, les cellules tumorales avec ces

mutations auront une plus grande sensibilité à ces traitements que les cellules sans mutation.

Dans moins de 5% des cas, des mutations ponctuelles (T790M…) ou des insertions au

niveau de l’exon 20 du domaine tyrosine kinase de l’EGFR sont associées à la résistance

primaire aux EGFR-TKI. La mutation T790M favorise la fixation de l’ATP à celle de

l’EGFR-TKI ce qui a pour conséquence l’activation du récepteur (Soria, 2012).

L’EGFR peut aussi être muté sur son domaine extracellulaire. Le mutant le plus

Introduction II. L’EGFR dans les CBNPC –B. Les altérations de l’EGFR dans les CBNPC

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et 8 est réalisée grâce à l’ajout d’une nouvelle glycine. Cette mutation entraine une perte de

267 acides aminés et un variant muté de 145kDa, et a pour conséquence la perte du domaine

de fixation du ligand et l’activation du récepteur en l’absence de ligand. Cette mutation est

présente chez 5% des carcinomes squameux et très rare dans les adénocarcinomes (Langer,

2010).

2. Haut niveau de copies du gène et surexpression protéique de l’EGFR

Une augmentation du niveau d’expression de l’EGFR a été observée dans de

nombreux cancers tels que les cancers de la tête et du cou, de l’ovaire, du col de l’utérus, du

sein, de l’estomac, du colon et du poumon. Elle est fréquemment liée à un pronostic

défavorable. Dans le cas des CBNPC, l’EGFR est surexprimé dans 62% des cas et son

expression est associée à un mauvais pronostic (Sharma, 2007). Cette surexpression est plus

fréquente dans les cancers squameux que dans les adénocarcinomes (Hirsch, 2003).

L’amplification du gène de l’EGFR est présente dans un quart des cancers du poumon.

L’augmentation du nombre de copies du gène est due soit à une amplification génique, soit à

une polysomie du chromosome 7 porteur du gène de l’EGFR. Il existe une augmentation du

nombre de copies dans 42% des adénocarcinomes. (Hirsch, 2003 ; Liang, 2010).

L’amplification induit une surexpression de la protéine et est souvent présente en même temps

qu’une mutation de l’EGFR.

La surexpression et le haut niveau de copies du gène sont associés à un meilleur taux

de réponse aux EGFR-TKI (Hirsch, 2007). A l’inverse, une autre étude a montré que

l’amplification génique n’était pas un marqueur prédictif de réponse aux EGFR-TKI (Fiala,

2016). Ces différences peuvent être expliquées par la différence de technique utilisée dans ces

deux études. De plus, l’influence d’un haut niveau de copie du gène sur le pronostic reste

aussi très controversée. Il semble qu’un haut niveau de copie du gène soit davantage en faveur

d’un marqueur de bon pronostic pour les patients traités aux EGFR-TKI (Hirsch, 2007 ;

Dahabreh, 2010). Cependant, dans les populations asiatiques, bien que 41% des CBNPC

présentent un haut niveau de copies, il n’est pas associé à un bénéfice sur la survie (De Cunha

Santos, 2011).

Les ligands de l’EGFR sont aussi fréquemment surexprimés dans les CBNPC. L’EGF,

le TGFα et l’Areg établissent une boucle autocrine qui conduit à une hyperactivation du

récepteur. Ceci est plutôt associé à un mauvais pronostic. (Salomon, 1995)

Introduction II. L’EGFR dans les CBNPC –B. Les altérations de l’EGFR dans les CBNPC

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3. La localisation nucléaire de l’EGFR

Dans les CBNPC, une seule étude a mis en évidence l’impact de l’expression

nucléaire de l’EGFR sur le pronostic des patients (Traynor, 2013). Cette étude a porté sur 88

échantillons de patients réséqués de stades I et II. La localisation nucléaire de l’EGFR est

davantage présente dans les cancers squameux (40%) que dans les adénocarcinomes (17%).

Elle est associée à un stade plus avancé de la maladie. La survie sans progression en présence

d’EGFR nucléaire est plus courte (8,7 mois) que lorsqu’il n’y a pas d’EGFR nucléaire (14,5

mois). De même, pour la survie globale qui est de 14,1 mois en présence de marquage

nucléaire de l’EGFR au lieu de 23,4 mois lorsqu’il n’a pas de marquage.

D’autre part, dans les CBNPC, l’EGFR nucléaire a été observé dans un modèle de

lignées de tumeurs pulmonaires rendues résistantes au cetuximab. Il a été démontré que son

accumulation nucléaire, activée par les kinases Yes et Lyn (famille des Src), contribue à la

résistance au cetuximab. L’utilisation d’un inhibiteur des kinases de la famille des Src, le

dasatinib, induit une diminution de l’expression nucléaire de l’EGFR, l’augmentation de son

expression à la membrane plasmique et la resensibilisation au cetuximab. (Li, 2009 et Iida,

2012)

Introduction II. L’EGFR dans les CBNPC –C. L’EGFR : cible thérapeutique dans les CBNPC

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C. L’EGFR : une cible thérapeutique privilégiée dans la