CHAPITRE III. F LUAGE EN TORSION DE LA GLACE MONOCRISTALLINE
III.4. Modèle 1D simplifié pour le fluage en torsion
III.4.5. Effets de taille
III.4.5.1. Effet de taille du rayon en torsion directe
Le modèle 1D étant calibré, nous nous intéressons maintenant aux effets de taille dus à la
variation du rayon observés lors du fluage primaire en torsion directe. Pour chacune des
courbes de fluage tracées sur la figure III.13, nous adaptons la vitesse des dislocations en
fonction de la contrainte appliquée ainsi que la valeur initiale des densités de dislocations de
façon à obtenir la vitesse de déformation initiale observée expérimentalement. Le modèle 1D
permet de reproduire l’ensemble des courbes et il confirme donc la tendance qui a été
observée lors des essais : l’échantillon s’adoucit plus rapidement quand son rayon est réduit.
Les résultats numériques et expérimentaux sont très proches, comme on peut le voir sur la
figure ci-dessous.
Figure III.23. Effet de taille du rayon : temps normalisé pour atteindre une déformation de 3.5%.
Comparaison du modèle 1D avec l’expérience.
Ces résultats reçoivent une interprétation dans le cadre du modèle. La réduction du rayon du
spécimen, à moment de torsion égal, augmente les gradients de contrainte et donc les
gradients sont forts, plus la production de dislocations vis en excès est importante (voir figure
III.24). En conséquence, la mobilité augmente quand le rayon est réduit. Par ailleurs, une
création plus importante de dislocations vis en excès implique une contrainte interne plus
forte, qui tend donc à réduire la vitesse des dislocations et à s’opposer à l’effet de taille
observé. Cependant, en fluage primaire et pour les valeurs des rayons traités ici, il est apparu
que l’effet accélérateur de la création des dislocations vis en excès l’emportait sur l’effet
décélérateur de la diminution de vitesse. Il serait intéressant de vérifier si cette tendance reste
identique ou si elle s’inverse pour des rayons plus faibles (de l’ordre du micromètre), mais la
glace est malheureusement trop fragile pour que l’on puisse réaliser des échantillons de cette
taille. Nous verrons ci-dessous qu’une telle situation peut se produire dans le cas des métaux.
Figure III.24. Densité de dislocations vis en excès à 3.5% de déformation, en fonction du diamètre
de l’échantillon.
III.4.5.2. Effets de taille du rayon en torsion inverse
Des effets de taille peuvent aussi être mis en évidence au changement de sens de la torsion
inverse lorsque le rayon est réduit. Dans un premier temps en effet, l’asymétrie de la courbe
de fluage entre la fin de la torsion directe et le début de la torsion retour est significative d’un
certain niveau de contrainte interne. En conséquence, comme la densité des dislocations vis
en excès en torsion directe augmente plus rapidement quand le rayon est réduit, la contrainte
interne associée croît aussi plus vite. Il en résulte une asymétrie plus forte de la courbe de
fluage au changement de sens de torsion lorsque le rayon est réduit. Une façon de caractériser
cet effet de taille est de tracer la variation relative de la vitesse de déformation entre le début
de la torsion inverse et la fin de la torsion directe, en fonction du rayon (Figure III.25).
Dans un deuxième temps, nous pouvons tracer la variation relative de la vitesse de
déformation entre le point d’inflexion, qui correspond au moment ou la densité de
dislocations vis en excès est nulle ou presque, et le début de la torsion inverse, en fonction du
rayon (Figure III.25). Comme la vitesse de déformation au changement de sens de la torsion
est d’autant plus forte que la densité de dislocations vis en excès est plus élevée, alors que la
vitesse au point d’inflexion n’est pratiquement assurée que par des dislocations statistiques,
une variation plus importante est représentative d’une génération de dislocation vis en excès
plus forte. La figure ci-dessous met en évidence les deux effets de taille mentionnés, et
compare les résultats expérimentaux aux simulations avec le modèle 1D.
Figure III.25. Effets de taille du rayon en torsion inverse : variation normalisée de la vitesse de
fluage au début de la torsion inverse et à l’inflexion.
Un échantillon de diamètre 22mm a présenté un durcissement qui semble durer indéfiniment
lors de la torsion inverse, et qui n’a pas pu être reproduit par le modèle. Nous pensons que ce
dévié plus important en raison de très fortes contraintes internes. En effet, le rayon étant
faible, la création des dislocations vis en excès et des contraintes internes qui en résultent est
considérablement accrue.
III.4.5.3. Effet de taille de la hauteur en torsion directe
Au voisinage des bords de l’échantillon, le champ de contraintes est, par continuité, proche de
celui qui est imposé aux limites. Lorsque la hauteur du spécimen devient faible, les
contraintes internes liées aux dislocations vis basales en excès ne peuvent donc plus se
développer, comme elles le feraient si le volume était suffisant. En réduisant la hauteur, on
limite ainsi l’adoucissement provenant des dislocations vis. Cet effet de taille a effectivement
été observé expérimentalement, comme le montre la figure III.26. Quand la hauteur est
réduite, le temps (normalisé) nécessaire pour atteindre une déformation de 4% est plus long,
et l’échantillon est donc plus dur. Le modèle 3D a permis de retrouver cette tendance.
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6 30 35 40 45 50 55
Height (mm)
N
o
rm
a
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e
d
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im
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4
%
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Figure III.26. Effet de taille de la hauteur. Temps normalisé pour atteindre une déformation de 4%,
en fonction de la hauteur de l’échantillon.
Dans le document
Incompatibilité du réseau cristallin et organisation collective des dislocations
(Page 96-99)