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Effets de la substitution des farines et des huiles de poissons par des végétaux

On utilise de la lécithine et des matières grasses de végétaux (et occasionnellement de volailles) à la place des huiles de poissons, à cause de leur coût. Commençons par quelques considérations économiques : 140 millions de tonnes de lécithine sont produites annuellement. Leur coût est situé entre 0,30 et 0,44$/kg, ce qui est moins cher que les huiles de poissons à 0,50$/kg. Les matières grasses de volaille sont encore moins chères avec 0,22$/kg. La lécithine possède une densité énergétique inférieure aux deux autres huiles, et apporte plus de cendres (8,3g/100g au lieu de <0,005) et de phosphore.

a) Effet métabolique

La diminution des teneurs en lipides des poissons nourris avec des aliments à base de lécithine est sans doute liée à la modification des proportions en acides gras, en phospholipides et en triglycérides dans l’aliment, ainsi qu’à la diminution du ratio n-3/n-6, de la quantité de DHA et à une teneur plus élevée en acide linoléique. De plus, avec un aliment contenant 15% de lécithine de soja et 5% d’huile de menhaden, les poissons présentent plus de gras dans les viscères, ce qui tend à diminuer l’efficacité de l’aliment car les viscères sont une partie perdue lors de l’abattage des poissons (Liu Kenneth et al (2004)).

Les aliments riches en farines de soja crues et entières diminuent nettement les performances de croissance. Le soja cru contient des inhibiteurs des protéases. Il diminue la digestibilité des protéines par les interactions avec les glucides. Même cuit, il engendre des lésions de l’intestin. Cet effet n’est plus observé lorsque les teneurs en soja dans l’aliment sont basses.

figure 36: d'après Opstvedt et al 2003, effet de la teneur en protéines d'origine végétale sur la croissance de saumons

1,35 1,4 1,45 1,5 1,55 89 65 40 % de protéines issues de la farine de poisson SGR 380 400 420 440 460 gain de poids (g) SGR gain de poids

- une réduction de la croissance dose dépendante, (figure 36) : pour chaque % de farine de poisson substituée, la croissance diminue de 1,5g. Des substitutions inférieures à 20% de la farine de poisson ne semblent pas dégrader la croissance, alors qu’au-delà de 30% la croissance est fortement réduite.

- une diminution du facteur k,

- la digestibilité apparente des protéines diminue également linéairement, - la digestibilité des glucides reste faible pour tous les aliments,

- la fixation des protéines (g/poisson) est légèrement réduite, mais la fixation des protéines/g de protéines consommées reste la même,

- le ratio d’efficacité protéique (gain de poids/ consommation de protéines) ainsi que la valeur nette des protéines (gain de protéines carcasse/consommation de protéines) diminuent,

- la substitution des farines de poisson n’a , dans cette expérience, pas eu d’effet sur la composition des poissons en humidité, protéines ou en cendres alors que la teneur en gras diminue linéairement,

- l’utilisation d’énergie pour la croissance baisse ainsi que le dépôt d’énergie.

Les poissons nourris avec des aliments contenant des protéines d’origine végétale sont plus gras, avec plus de dépôts lipidiques dans les viscères et un foie plus gros. D’autres études ont abouti aux mêmes résultats avec des aliments contenant 30% de farine de soja. Les différences de croissance observées avec des aliments contenant des végétaux ou non sont donc amplifiées si l’on considère les poissons éviscérés plutôt que les poissons entiers (Mundheim et al (2004)).

b) Effet pathologique

Comme nous l’avons évoqué précédemment, les coûts élevés des protéines d’origine animale ainsi que la raréfaction des ressources marines ont amené à l’incorporation de protéines d’origine végétale telles que le soja dans les rations de poissons carnivores. Chez les poissons nourris avec un aliment contenant de la farine de soja, la capacité d’absorption des nutriments dans l’intestin distal est diminuée. En effet, l’absorption des nutriments via des transporteurs est diminuée et l’épithélium intestinal distal est plus perméable (Nordrum et al (2000)).

De plus, les farines de soja entraînent chez les saumons une entérite de la région distale de l’intestin, similaire à une réaction d’hypersensibilité. Cette entérite est caractérisée par les

lésions suivantes :

- un raccourcissement des replis/ villosités primaires et secondaires de la muqueuse, - un élargissement de la lamina propria qui est infiltrée par des cellules inflammatoires

telles que des lymphocytes, des polynucléaires, des macrophages et des éosinophiles, - une diminution, parfois jusqu’à la disparition, des vacuoles supra nucléaires et

formation de vésicules microvillaires,

- une diminution de l’activité des enzymes de la bordure en brosse.

En conséquence, les digestibilités des protéines et des matières grasses sont diminuées, d’une part, à cause de l’inflammation et, d’autre part, par la présence de facteurs résiduels anti- trypsines du soja ou d’autres composés présents dans la fraction soluble dans l’alcool de la farine de soja. L’augmentation de l’absorption de différents acides aminés dans la portion distale du tube digestif chez les poissons nourris avec de la farine de soja ainsi que la diminution de l’activité des transporteurs suggèrent que cette modification de l’absorption serait liée à une inflammation entraînant une élévation de la perméabilité dans cette zone. Une

entérite de l’intestin distal peut, en effet, augmenter la perméabilité de la muqueuse via une augmentation de l’absorption passive (sans transporteur ).

L’entérite distale induite par l’apport de soja dans la ration ne semble en général pas affecter la croissance bien que ces lésions anatomopathologiques soient accompagnées de diarrhées, de perturbations de la digestion et d’une légère réduction de la teneur musculaire en protéines. Cette entérite, induite par des apports de farine de soja dans l’alimentation, peut également être induite par l’apport des fractions osidiques du soja : 1 kg de soja cru contient 100 g d’oligosaccharides (sucrose, raffinose et stachyose) et 200 g de polysaccharides indigestibles solubles et insolubles. Ces composés entraînent un appel d’eau dans le tube digestif, à l’origine d’une diarrhée. Dans ce cas, l’entérite distale se manifeste par l’absence totale de vacuoles d’absorption et par une diminution de l’absorption des lipides (Refstie et al (2000)). De plus, les lectines présentes dans le soja sont connues pour se lier à la membrane de la

bordure en brosse du TD distal du saumon. Elles bloquent ainsi certains sites récepteurs.