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a. Le système nerveux autonome

4. Effets du stress sur le cerveau

Des récepteurs du CRH ont été mis en évidence dans les régions du cerveau impliquées dans les émotions et dans la régulation du SNA. En 1968, les chercheurs ont fait une découverte importante : les glucocorticoïdes sécrétés au cours d’un stress aigu, en se liant à des récepteurs situés dans l’hippocampe et dans d’autres structures du cerveau comme l’amygdale, modulent les processus mis en jeu dans la réponse au stress (Mc Ewen et al., 1968). Ceci a conduit à avancer l’hypothèse que cette sécrétion de glucocorticoïdes pourrait être négative pour le cerveau et responsable de troubles anxieux et dépressif (Mc Ewen, 1998 ; Mc Ewen, 2006 ; Chrousos et Gold, 1992). L’hyperactivité de l’axe corticotrope est l’un des changements neurobiologiques les plus courants chez les patients dépressifs. Un dysfonctionnement de cet axe se manifeste chez environ 70% des patients dépressifs (Holsboer, 2000), ce qui pourrait expliquer le lien entre stress et dépression. Le stress perturbe également les fonctions métaboliques. La surproduction de CRH et par conséquent la perturbation de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien a été rapportée dans l'obésité, le développement du syndrome métabolique et l'hypertension artérielle (Chrousos, 2009) (Figure 2).

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Figure 2. Stress et développement du syndrome métabolique (Chrousos,

2009).

Abréviations. ABP : tension artérielle ; ACTH : Hormone corticotrope ; APr : réactifs en phase aiguë ; AvP : Vasopressine arginine ; CrH : corticolibérine ; iCrH : CrH immunitaire ; E : épinéphrine ; e2 : oestradiol ; GH : hormone de croissance ; HPA : hypothalamo-hypophyso-surrénalienne ; iGF-i : facteur de croissance analogue à l’insuline ; IL-6 : interleukine-6 ; LC : Locus Coeruleus ; LH : Hormone Lutéinisante ; Ne : norépinéphrine ; T : testostérone ; TG : triglycérides.

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Le cerveau subit un remodelage fonctionnel et structurel en réponse au stress d'une manière qui s'adapte dans des circonstances normales mais peut entraîner des dommages lorsque le stress est excessif (McEwen et Morrison, 2013). Des études récentes d’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf) chez l’homme ont mis en évidence les zones du cerveau qui s’activent lors d’un stress (et qui sont donc vulnérables à la plasticité cérébrale induite par le stress) : le cortex préfrontal (CPF), l’hippocampe, l’amygdale, et d'autres régions associées aux souvenirs liés à la peur et aux comportements d'autorégulation (McEwen & Morrison, 2013 ; McEwen & Gianaros, 2011). Les interactions entre ces régions du cerveau sont déterminantes concernant l’adaptation ou l’inadaptation, et donc l’altération ou non de la santé physique et mentale (McEwen & Gianaros, 2011). Une étude chez l’animal a mis en évidence qu’un stress chronique engendre une rétraction des dendrites apicales des neurones de la région CA3 de l’hippocampe. Cette réduction des dendrites apparaît aussi dans les neurones du cortex préfrontal médian et est associée à une altération de l’attention. Quelques mois après l’arrêt des stresseurs, les neurones reviennent à leur conformation d’origine, ce qui montre la plasticité de ces phénomènes (Liston et al., 2009). Le cortex préfrontal, l’hippocampe et l’amygdale sont interconnectés et s’influencent mutuellement à travers des activités neurales directes et indirectes. Des études ont aussi mis en évidence qu’un stress modéré à sévère semble augmenter le volume de l’amygdale et réduire le volume du CPF et de l’hippocampe (Davidson & McEwen, 2012), et en conséquence des troubles des fonctions cognitivo-émotionnelles (Figure 3). Le facteur neurotrophique issu du cerveau (BDNF) est lié à de nombreux aspects de la plasticité du cerveau. Le stress induisant un remodelage du cortex-préfrontal, de l’hippocampe et de l’amygdale coïncide avec l’évolution des niveaux de BDNF, soutenant son rôle de facteur trophique modulant la survie neuronale et régulant la plasticité synaptique (Grey et al., 2013).

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Cependant, les glucocorticoïdes et autres molécules ont montré qu’ils agissaient conjointement avec le BDNF pour faciliter à la fois les changements moléculaires et morphologiques. Certaines formes de méditation de pleine conscience, ou Mindfulness ont démontré une réduction de la sécrétion de cortisol induit par le stress. Cette réduction de cortisol pourrait avoir des effets neuro-protecteurs en augmentant les niveaux de BDNF (Fan et al., 2013 ; Jung et al., 2012 ; Xiong et al., 2009).

Figure 3. Effet du stress sur le cerveau. Stress au travail et santé : situation

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La vision récente de la biologie du stress a conduit au développement du concept d’« allostase » et de « charge/surcharge allostatique ». Mc Ewen, en 2020, propose un modèle (Figure 4) selon lequel l’allostase fait référence au processus actif d’adaptation et de maintien de la stabilité (ou homéostasie), par la production de médiateurs, comme le cortisol, qui favorisent l'adaptation. Cependant, si les perturbations de l'environnement sont trop importantes et inflexibles, le point d'équilibre doit être modifié à une « nouvelle norme », et cela peut être coûteux pour l'organisme. « La charge allostatique » se réfère au prix que le corps paie pour être contraint de s'adapter à des situations psychosociales ou physiques défavorables » (McEwen, 2000). Ces concepts mettent en évidence les effets protecteurs des multiples médiateurs de l'adaptation, ainsi que les dommages qui surviennent lorsque les mêmes médiateurs sont surutilisés ou dérégulés. Ce concept large et évolutif de la biologie du stress place le cerveau au centre de la réponse, car il intègre des informations sur l'environnement interne et externe et façonne les réponses aux niveaux systémique et comportemental (McEwen, 1998). Le cerveau est un organe vulnérable qui peut être endommagé par le stress toxique, mais il est également capable de plasticité adaptative et de résilience. Cette plasticité existe tout au long de la vie. Certaines périodes sont moins propices à la plasticité adaptative telles que le début de la vie et l'adolescence. Les adaptations neuronales à l'environnement sont cumulatives tout au long de la vie. Selon Mc Ewen, les troubles psychiatriques, addictifs et neurologiques sont souvent déclenchés ou aggravés par des facteurs de stress.

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Figure 4. La charge allostatique (Mc Ewen, 2020).