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IV. Résultats : Stress de pH

V.2. Effets sur les paramètres fonctionnels

V.2.1 Effets sur la phagocytose

La phagocytose constitue le principal mécanisme de défense contre les pathogènes mais ce mécanisme est également d’une importance majeure dans la physiologie des mollusques pour son rôle dans les phénomènes de remaniements tissulaires, etc. Lors de nos expérimentations, ce mécanisme s’avère n’avoir été que très peu affecté par les différentes conditions de température et de pH. Le seul effet notable apparait lors du stress thermique à T7, 4°C pour lequel le nombre moyen de billes phagocytées est inférieur. Cependant il correspond à la condition pour laquelle la viabilité hémocytaire est affectée ce qui justifie la moindre performance des cellules pour réaliser la phagocytose. Dans la littérature, plusieurs références font état d’une augmentation de la phagocytose chez les mollusques avec l’augmentation de la température in vivo, jusqu’à un certain point à partir duquel la température entraine une diminution de cette activité (Chu & La Peyre 1993 ; Hégaret et al., 2003 ; Monari et al., 2007 ; Malham et al., 2009 ;

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Perrigault et al., 2011 ; Mackenzie et al., 2014). Ceci suggère qu’au-delà ou en dessous d’un certain seuil, pouvant différer selon l’espèce, la température peut constituer un facteur de stress pour les hémocytes. Concernant les effets du pH, des études font état d’une réduction de l’activité de phagocytose et de l’action cytotoxique des hémocytes lors d’une acidification du milieu (Malagoli et al., 2005 ; Bibby et al., 2009). Les auteurs avancent comme hypothèse que l’acidification du milieu engendre une dissolution plus importante de la coquille des moules, résultant en une élévation des niveaux de calcium dans l’hémolymphe. Cette plus forte concentration en calcium pourrait affecter le métabolisme cellulaire en perturbant la signalisation intracellulaire dépendantes du calcium et aboutir à une modulation des fonctions cellulaires d’adhésion ou de phagocytose (Gazeau et al., 2007 ; Bibby et al., 2008 ; Matozzo et al., 2011). Cette hypothèse est appuyée par les récents travaux de Li et al., 2015 qui ont mis en évidence un plus fort taux de calcium dans l’hémolymphe d’huîtres perlières Pinctada fucata ayant subis une acidification du milieu de maintien. Dans notre étude, l’absence de modulation du mécanisme de phagocytose dans le cas d’une acidification ne permet pas d’appuyer ces hypothèses. Ceci peut possiblement être lié à une plus forte tolérance de l’espèce à l’augmentation du calcium dans le milieu. En effet, il a été décrit que la moule zébrée était absente des écosystèmes dont l’eau présente une faible concentration calcique (Neary & Leach, 1991 ; Sprung 1993). Nos résultats indiquent que la dreissène est capable de maintenir l’activité phagocytaire des hémocytes sur une large gamme de conditions environnementales, pour des températures comprises entre 4°C et 25°C et pour un pH compris entre 6.4 à 8, ce qui lui permet de maintenir ses défenses immunitaires aussi bien en saison chaude qu’en saison froide.

V.2.2. Effets sur l’activité oxydative

A l’issue de la phagocytose, l’activité oxydative des hémocytes permet l’élimination des pathogènes. Les résultats obtenus lors de nos expérimentations indiquent que l’acidification de l’eau n’induit pas de modulation de cette fonction ce qui est similaire aux résultats obtenus par Bibby et al., 2008 chez la moule bleue Mytilus edulis. Bien que la variabilité de réponses mesurée pour ce marqueur soit importante, les données

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obtenues à l’issue du stress thermique indiquent que l’activité oxydative des hémocytes est plus forte à 4 et 15°C. Ces observations vont dans le sens des travaux de Perrigault

et al., 2011 qui observent une activité oxydative hémocytaire plus forte chez la palourde Mercenaria mercenaria, après 2 et 4 mois d’exposition à la température de 13°C

comparé aux températures de 21 et 27°C. Il est possible qu’aux faibles températures, la concentration en oxygène dissous soit plus forte ce qui expose les individus à un stress oxydant plus important (Camus et al., 2000). Cependant, des effets opposés ont également été observés dans d’autres données de la littérature, révélant généralement une activité oxydative cellulaire plus faible aux basses températures (Abele et al., 2002 ; Hégaret et al., 2003 ; Cheng et al., 2004 ; Chen et al., 2007 ; Mackenzie et al., 2014). Les effets observés dans notre étude pourraient signaler un stress oxydant plus important des cellules lié à une perturbation des régulations par le système antioxydant, par exemple de l’activité SOD qui s’avère être modulée par la température (Chen et al., 2007 ; Monari et al., 2007).

V.2.3. Effets sur le système lysosomal

Les lysosomes jouent un rôle clef dans les défenses à médiation cellulaire en permettant la séquestration de pathogènes et d’enzymes hydrolytiques impliquées dans la dégradation intracellulaire. L’étude du système lysosomale hémocytaire lors de notre expérience indique que dans le cas du stress de température pour la condition témoin, on observe une augmentation dans le temps du contenu en lysosomes. Dans les autres conditions thermiques, on observe dans l’ensemble, une diminution transitoire du contenu en lysosomes que ce soit pour l’augmentation ou la diminution de température. Des effets transitoires similaires sont observables chez les hyalinocytes dans le cas de l’effet de l’acidification. Ces résultats suggèrent que les deux types de stress testés peuvent entraîner une réduction du nombre de lysosomes cellulaires ou une déstabilisation des membranes lysosomales, empêchant le maintien d’un pH intralysosomal bas, ce qui va influencer l’accumulation de la sonde fluorescente utilisée (Lysotracker). Ce phénomène peut être lié aux remaniements de lipides membranaires induits par les changements de température et qui vont influencer la fluidité

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membranaire (Pernet et al., 2007). Il faut souligner que la population de dreissène utilisée est issue d’un site subissant d’importantes gelées hivernales auxquelles ces moules survivent. L’effet transitoire observé dans notre étude peut donc s’apparenter à une acclimatation des individus à ces nouvelles conditions auxquelles elles peuvent être confrontées en hiver. Plusieurs travaux utilisant le test de rétention du rouge neutre ont étudié les effets de la température sur la stabilité des membranes lysosomales et obtiennent des résultats allant dans le sens de notre étude. Ainsi, les données de la littérature font état d’une diminution de la stabilité des membranes à la fois suite à l’exposition des organismes à des températures faibles comme à des fortes températures, ce qui peut s’apparenter à un stress cellulaire (Hauton et al., 1998 ; Camus et al., 2000 ; Zhang et al., 2006 ; Yu et al., 2009 ; Yao et al., 2012). Les travaux de Zhang et al., 2006 réalisés chez C. gigas, indiquent que la réduction de stabilité membranaire des lysosomes suite à une augmentation ou une diminution de température est un processus réversible. Par conséquent, après avoir subi un premier stress, lorsque les individus sont replacés à la température d’acclimatation, les auteurs observent un regain progressif de stabilité des membranes lysosomales hémocytaires. Pour les effets du pH, des conséquences similaires sur la stabilité des membranes lysosomales ont été observées dans le cas d’une acidification de l’eau (Bibby et al., 2008 ; Li et al., 2015).

V.2.4. Effets sur l’activité mitochondriale

Lors des deux expérimentations, des effets variés sur l’activité mitochondriale ont été induits par les changements de température ou de pH. Ainsi pour la température, des réponses différentes ont été observées selon le type cellulaire considéré pour les températures de 15°C et 4°C. Une diminution de l’activité mitochondriale des hémocytes d’organismes exposés à de plus faibles températures peut s’expliquer par une diminution du métabolisme de base des individus de façon concomitante à la diminution de température en lien avec la baisse possible des activités enzymatiques associées (Abele et al., 2002 ; Lannig et al., 2006). C’est le cas des résultats obtenus pour l’activité mitochondriale des hyalinocytes. Cependant, pour les granulocytes, l’augmentation de

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cette activité à 4°C peut traduire un phénomène différent. Pour cette condition et ce type cellulaire, on observe en parallèle une augmentation de leur activité oxydative. Les hausses de ces activités à basse température peuvent être là encore possiblement liées à la baisse d’activités des enzymes anti-oxydantes et conduire à une dérégulation de la production d’espèces réactives de l’oxygène (Abele et al., 2002).

Dans le cas du stress de pH, l’augmentation d’activité mitochondriale observée peut traduire une augmentation du métabolisme cellulaire afin de réguler les demandes en énergie engendrées par les nouvelles conditions, afin d’assurer les fonctions cellulaires telles que la phagocytose ou l’activité oxydative qui s’avèrent ne pas être affectées. Cette hypothèse ne va pas dans le sens des résultats publiés par Ivanina & Sokolova 2013 qui n’observent pas d’effet du pH sur la respiration et le potentiel membranaire mitochondrial chez Mercenaria mercenaria et Crassostrea virginica. Cependant, la différence de tolérance de pH entre ces espèces peut influencer les réponses observées.

Les arguments avancés précédemment concernant l’augmentation du taux de calcium hémolymphatique engendré par la dissolution plus importante de la coquille en milieu acide, pourrait perturber certaines voies de signalisation intracellulaires dépendantes du calcium et aboutir à une modulation de l’activité mitochondriale (Gazeau et al., 2007 ; Bibby et al., 2008 ; Matozzo et al., 2011 ; Li et al., 2015). Cette hypothèse pourrait expliquer l’augmentation de l’activité mitochondriale observée chez la dreissène pour les conditions de pH inférieures au contrôle. Chez Pinctada fucata, il a été observé que l’acidification du milieu entraînait également une acidification de l’hémolymphe (Li et al., 2015). Ces changements de composition ionique du milieu extracellulaire peuvent potentiellement être responsables de perturbations du gradient de protons et moduler les activités mitochondriales. De plus, une étude réalisée chez la dreissène indique que des changements de pH (< 7.0) ont pour conséquence de perturber les flux ioniques et notamment ceux liés au calcium entre l’animal et le milieu. Cet effet est cependant transitoire et l’équilibre est rétabli après quelques jours ce qui va dans le sens de nos observations (Vinogradov et al., 1993).

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