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DU SYSTEME CARDIOVASCULAIRE

3.2.3. Effets de l’immersion prolongée (3-6h)

Comme nous l’avons vu précédemment, la réduction de la capacité vasculaire périphérique cause une augmentation de la pression veineuse centrale (Arborelius et coll. 1972, Epstein 1978) dès l’entrée dans l’eau. Celle-ci persiste pendant plusieurs heures si

104 l’immersion se poursuit (Gabrielsen et coll. 1993). Parallèlement, en périphérie, la pression

interstitielle supérieure à la pression intra-capillaire favorise le passage d’eau interstitielle vers le plasma (Khosla et DuBois 1979, Miki et coll. 1989b), ce qui se traduit par une augmentation du volume plasmatique dans les deux première heures d’immersion (Johansen et coll. 1992, Johansen et coll. 1995). L’immersion produit aussi d’importants mouvements d’eau entre les autres compartiments liquidiens, qui n’ont été jusque là que peu étudiés (Stocks et coll. 2004). Tant que le sujet se trouve dans l’eau, il est dans un état d’hypervolémie relative avec une très bonne perfusion tissulaire (Park et coll. 1999). L’organisme va s’adapter à cet état d’hypervolémie en augmentant la diurèse et la natriurèse (et un peu la kaliurèse ; Epstein 1978), dont le principal mécanisme déclencheur semble être la stimulation des barorécepteurs cardiopulmonaires à basse pression (Epstein 1992).

3.2.3.1. La diurèse L’augmentation de Q

.

c lors de l’immersion augmente le flux sanguin rénal, avec pour conséquence une augmentation de la production d’urine qui provient à 75% de l’excrétion d’eau libre (Rim et coll. 1997), sachant que la diurèse dépend évidemment de l’état d’hydratation des sujets (Epstein 1996). L’augmentation maximale de la diurèse apparaît traditionnellement au bout d’une à deux heure(s) d’immersion. Plusieurs facteurs sont responsables de l’augmentation de la diurèse. La stimulation des barorécepteurs cardio-pulmonaires et artériels (Norsk 1989, Thrasher 1994) et la distension des cavités cardiaques conduit à la suppression de l’hormone antidiurétique (HAD ; réflexe de Henry-Gauer ; Henry et coll. 1956, Hammerum et coll. 1998). L’administration d’HAD pendant l’immersion stoppe en effet la diurèse (Epstein et coll. 1981a). Pourtant, ce réflexe ne semble pas être le seul mécanisme en cause (Greenleaf et coll. 1999). L’augmentation du débit de filtration rénal, la libération de prostaglandines endogènes rénales, la libération du PNA, et la diminution de l’activité orthosympathique (Epstein 1996) semblent aussi favoriser la diurèse. Celle-ci peut atteindre 6,4 mL.min-1 contre 1,5 mL.min-1 au sec (Rim et coll. 1997, Watenpaugh et coll. 2000), c’est à dire une multiplication par 3 à 5 du débit urinaire par rapport au sec.

3.2.3.2. La natriurèse

La natriurèse est aussi très importante pendant l’immersion (Epstein 1996). Les mécanismes responsables de l’augmentation de l’excrétion de sodium ne sont pas strictement

les mêmes que ceux responsables de la diurèse, puisque les deux phénomènes n’interviennent pas forcément au même moment (la natriurèse la plus importante apparaissant au bout de 3 à 4 h d’immersion ; Epstein 1996, Rim et coll. 1997).

La natriurèse est due principalement à une augmentation de l’excrétion tubulaire de sodium, dans de multiples sites du néphron. Celle-ci est multifactorielle, incluant principalement la suppression d’aldostérone (Hammerum et coll. 1998), mais aussi une augmentation de prostaglandines rénales et une diminution de l’activité orthosympathique (Epstein 1996). L’activité du système rénine angiotensine aldostérone est minimale lors de l’immersion (Larsen et coll. 1994, Hammerum et coll. 1998), et il faut 30 minutes d’immersion pour diminuer largement la concentration plasmatique en rénine active et 60 min pour diminuer la concentration plasmatique en aldostérone (Epstein 1996). Une concentration en noradrénaline basse lors de l’immersion pourrait témoigner d’une activité sympathique rénale basse (Larsen et coll. 1994, Miki et coll. 2002), ce qui favorise la natriurèse (Miki et coll. 1989a, Miki et coll. 2002). L’augmentation de la pression de remplissage des oreillettes provoque la libération de PNA (Mannix et coll. 1991, Epstein et coll. 1987, Larsen et coll. 1994), ce qui stimule la natriurèse lors des premières heures d’immersion (Epstein 1996) en diminuant la réabsorption de sodium et en supprimant la sécrétion de rénine (Anderson et coll. 1987). Lorsque l’immersion est prolongée (plus de 7h), la diminution progressive de la concentration plasmatique du PNA accompagne la diminution progressive de la natriurèse (Stadeager et coll. 1992). Pourtant, l’augmentation graduée de la pression veineuse centrale n’est pas toujours accompagnée d’une augmentation graduée de la natriurèse (Larsen et coll. 1994) et il n’y a pas toujours de relation franche entre la libération de PNA et l’augmentation de la natriurèse, ce qui montre bien que l’augmentation de la concentration du PNA n’a qu’un rôle partiel dans la natriurèse (Miki et coll. 1986, Larsen et coll. 1994). La diminution de la pression colloïde osmotique qui accompagne l’augmentation de volume plasmatique (hémodilution) semble un facteur prédominant de l’augmentation de la natriurèse (Johansen et coll. 1995, Johansen et coll. 1998a).

3.2.3.3. Ajustements cardiovasculaires et neuroendocriniens lors de l’immersion prolongée

L’augmentation du débit urinaire est très importante dans la première heure d’immersion, mais diminue ensuite, alors que la natriurèse semble relativement stable au cours d’une immersion prolongée de 3, 6 ou 12h (Norsk et coll. 1985, Kurosawa et coll. 1988, Johansen

106 et coll. 1992). L’immersion prolongée est accompagnée d’une diminution progressive du

volume plasmatique au fur et à mesure de la poursuite de l’immersion (Greenleaf 1984, Johansen et coll. 1992). Lors de l’expérimentation « Immersion de Longue Durée » que nous avons effectuée en 2004 en collaboration avec l’Institut de Médecine Navale du Service de Santé des Armées de Toulon (Etude n° 8), nous avons observé une diminution progressive du volume plasmatique (calculée d’après les modifications de concentration sanguine en hémoglobine et d’hématocrite ; Dill et Costill 1974) au cours d’une immersion complète à 18°C. La variation de volume plasmatique était de –0,7 ± 2.3 % après 30 min, –3,6 ± 2,8 % après 1h, –11,0 ± 2,2 % après 3h et –14,3 ± 2,5% après 6h. De surcroît, la diminution de volume plasmatique que nous avons observée au cours de l’immersion est vraisemblablement sous estimée (Johansen et coll. 1998b, Gordon et coll. 2003).

Malgré cette diminution progressive du volume plasmatique, la plupart des études portant sur les effets d’une immersion prolongée décrivent un état relativement stable des conditions hémodynamiques et des facteurs neuroendocriniens qui les régulent. Par exemple, après la première heure d’immersion, l’augmentation de la pression veineuse centrale est maintenue ou légèrement diminuée (Norsk et coll. 1985, Gabrielsen et coll. 1993, Johansen et coll. 1995) et les concentrations des différents médiateurs (ANP, angiotensine, aldostérone, rénine active, hormone antidiurétique…) varient peu (Norsk et coll. 1985, Kurosawa et coll. 1988, Epstein et coll. 1989, Hammerum et coll. 1998). D’un autre côté, les concentrations en adrénaline et noradrénaline diminuent en début d’immersion, mais ré-augmentent progressivement lorsque l’immersion se prolonge (Hammerum et coll. 1998).

La diminution du volume plasmatique au cours de l’immersion traduit un état de déshydratation. Celui-ci a bien observé au cours d’une expérimentation effectuée en 1999 à Toulon, en collaboration avec l’Institut de Médecine Navale du Service de Santé des Armées (Moléna-Sérafin 2003). Les mesures échocardiographiques ont permis de mettre en évidence un VES et un Q

.

c significativement moindres après 5h d’immersion qu’après 15 min. Lors de l’expérimentation « Immersion de Longue Durée », nous avons observé une tendance à la diminution du VES entre la première demi-heure (66,5 ± 3,6 à 18°C et 70,8 ± 7,0 à 10°C) et la 5è heure (65,7 ± 4,0 mL à 18°C et 67,0 ± 6,0 à 10°C). La diminution progressive de la pression veineuse centrale, du VES, de la natrémie, rapportée par Stadeager et coll. (1992) au cours de 12 h d’immersion, relève du même phénomène. L’augmentation progressive des concentrations en adrénaline et noradrénaline (Hammerum et coll. 1998) et des RPT associée

à une baisse de la compliance artérielle (Moléna-Sérafin 2003) au cours d’une immersion de 6h pourrait traduire un début de réponse à cet état de déshydratation.