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IV. E FFETS INDESIRABLES

1. Effets généraux

Dans la présente étude, des doses supraphysiologiques de SAA ont été utilisées à titre expérimental pour évaluer les différents changements histologiques du muscle cardiaque, des reins, des testicules et du foie chez les souris mâles adultes. Des modifications structurelles

des organes d'animaux ont été constatées ; l’utilisation régulière des doses

supraphysiologiques de SAA est destructrice.

Dans notre étude, ces modifications persistent dans tous les organes et s'aggravent encore dans le cœur, les reins et le foie six semaines après l'arrêt du traitement. Il convient de noter que les animaux pendant toute la durée de l’expérience (quatre mois et demi pour le groupe GIV), se comportent très bien, aucun signe d'inconfort, plein d'énergie et de motivation avec une force remarquable malgré leur état pathologique, et c'est peut-être la même situation chez les personnes abuseurs des SAA.

De plus, les résultats de cette étude n'ont pas montré de comportement agressif chez les souris après l'administration de SAA. Cependant, l'étude d’Hassan et al. (2009) chez le rat, ainsi que celles de Kindlundh et al. (2001) et de Hildebrandt et al. (2014) chez l’homme, ont montré un comportement agressif après l’administration de SAA, suggérant que celui-ci pourrait avoir des effets sur le système nerveux central et pouvant induire un comportement anormal.

Notre étude a montré une perte de poids corporel durant les deux premiers mois du traitement suivi d’un gain très accéléré au cours du troisième mois, cela a permis au groupe traité en anabolisant androgénique pendant trois mois de rattraper la perte enregistrée durant les deux premiers mois de traitement et de gagner un poids supplémentaire qui lui a permis de dépasser le poids moyen du groupe témoin. L’arrêt de traitement n’a pas désorienté l’augmentation accélérée du poids corporel.

L’évolution du poids corporel chez les souris mâle adultes traitées par une surdose en androgène a été constatée. Le début de traitement est accompagné par une diminution du poids corporel qui peut être attribué à l’effet lipolytique des androgènes.

L’effet lipolytique de la testostérone est bien décrit et dépend de la dose administrée. Ainsi, il est rapporté que l’administration supraphysiologique de Déca Durabolin (10 mg/kg/semaine pendant 4 semaines) à des rats Wistar induit une augmentation du poids

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corporel accompagnée d’une réduction du tissu adipeux viscéral et sous-cutané (Andreato et

al., 2013).

Conformément à ces données, Foletto et al., (2015) rapportent qu’un traitement en nandrolone décanoate (0,5mg/kg/semaine pendant 4 semaines) chez le rat adulte mâle entraîne une diminution significative du diamètre des adipocytes et de la quantité de tissu adipeux stocké ainsi qu'une diminution des taux plasmatiques de glucose et de cholestérol total dans l’organisme.

Frankenfeld et al. (2014)rapportent que l’administration supraphysiologique de Déca Durabolin (10 mg/kg/semaine pendant 2 mois) entraîne une diminution importante de la masse grasse sous-cutanée et intramusculaire accompagnée par une augmentation de la masse de protéines et de la teneur en eau chez le rat mâle adulte. Ces dernières variables qui sont liées positivement à l’administration des SAA peuvent être à l’origine de l’augmentation du poids corporel observé chez les souris au troisième mois de traitement après l’épuisement de la masse grasse. L’augmentation de la teneur en eau pourrait s’expliquer par l’augmentation de la masse protéique entraînant une augmentation de la masse musculaire (Frankenfeld et al., 2014). Une augmentation du poids corporel peut également être attribuée au repositionnement de liquides et de sodium dans le corps (Jannatifar et al., 2015).

Des rapports de cas indiquent une hypernatrémie et une augmentation de la rétention hydrique décrites chez des sujets abuseurs des SAA (Socas et al., 2005). Cependant, les chercheurs ne peuvent pas faire la distinction entre l’eau extracellulaire et l’eau intracellulaire. L’arrêt de traitement est encore accompagné par une augmentation importante du poids corporel, ceci peut être expliqué par une absence brusque des androgènes ; administré à forte dose, il peut induire une nouvelle accumulation de la masse grasse et, cette fois, de façon plus intense. Par ailleurs, c’est un phénomène très observé chez les anciens sportifs ou les anciens abuseurs des SAA vu le changement brusque de l’état métabolique. Foletto et al. (2015) mentionnent que l'interruption du traitement par les androgènes peut entraîner une augmentation des réserves de tissu adipeux.

Chez les souris soumises au traitement androgénique, la force musculaire persiste après l’arrêt de traitement, cela est visible d’après les mouvements de l’animal dans sa cage et d’après la musculature et la forte résistance.

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Contrairement à la forme d’évolution du poids corporel observé chez les souris soumises au traitement en androgène, le profil d’évolution du poids du cœur semble être différent ; le gain est croissant durant toute la période de traitement et même après l’arrêt du traitement. De même, l’évolution du poids des testicules suit un schéma différent par une diminution progressive sous l’effet du traitement et un rétablissement non complet six semaines après le retrait du traitement en androgène. En effet, les données expérimentales obtenues sur des animaux sont bien corrélées avec celles de sujets humains.

Chez les athlètes utilisant des stéroïdes anabolisants androgènes illicites, une hypertrophie du muscle squelettique et une hypertrophie cardiaque pathologique ont été rapportées (Marsh et al., 1998 ; Hartung et al., 2001), ainsi qu’une atrophie testiculaire

(Naraghi et al., 2010 ; Hildebrandt et al., 2014 ; Ahmed, 2015 ; Christou et al., 2017). 2. Effets sur le muscle cardiaque

Les modifications structurelles du cœur chez les animaux à qui nous avons administré régulièrement des doses supraphysiologiques de SAA sont caractérisées par le développement d'un aspect inflammatoire au cours du deuxième et troisième mois de traitement. Dans notre étude, ces changements se sont aggravés six semaines après l’arrêt du traitement. Notre étude a montré une élongation, de graves dilacérations et des ruptures des fibres du muscle cardiaque avec une évidente congestion vasculaire qui persiste après l'arrêt du traitement.

Notre étude histopathologique du cœur des souris soumises à un traitement en anabolisant androgène montrent des lésions du tissu cardiaque graves et irréversibles. Il est probable que cela pourrait être la cause de certaines maladies cardiaques mortelles.

La littérature rapporte 19 cas mortels d’utilisateurs sportifs de SAA entre 1990 et 2012 et l’autopsie exclut les causes de décès extra-cardiaques. Dans de nombreux cas, une hypertrophie ventriculaire gauche fréquemment associée à une fibrose et à une myocytolyse est identifiée (Frati et al., 2015).

La physiopathologie des effets cardiovasculaires indésirables liés à l'utilisation des SAA peut être attribuée au fait que des récepteurs d'androgènes sont présents dans les cardiomyocytes, ce qui conduit à une hypertrophie (Marsh et al., 1998).

Les données bioptiques chez les athlètes ont montré qu'une augmentation focale de la teneur en collagène du myocarde peut survenir pendant le mécanisme de réparation des

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dommages du myocarde (D'Andreaet al., 2007). De plus, Carre (2008) démontre que les SAA consommés chez les athlètes provoquent une désorganisation myofibrillaire avec une fibrose et des zones de nécrose dans le cœur.

Des études in vivo, sur des modèles animaux détectent des modifications structurelles du myocarde et une hypertrophie cardiaque dues à un surdosage de SAA (Pesola et al., 1988). Inversement, Woodimiss et al. (2000) ont rapporté que le décanoate de nandrolone provoque un remodelage du ventricule gauche chez les rats mâles sans lésion du muscle cardiaque, cela pourrait être attribué à la plus petite dose utilisée.

Ces résultats concordent avec ceux obtenus par d'autres études (Hassan et al., 2009; Buttner, 2010). Hassan et al.(2009) rapportent que l’administration de sustanon chez des rats albinos mâles (avec une injection intramusculaire de 10 mg / kg une fois par semaine pendant 8 semaines) a provoqué une dégénérescence ischémique sévère des fibres du muscle cardiaque et des infiltrations inflammatoires évidentes.

D’autre part, les effets hémodynamiques de six semaines de traitement en décanoate de nandrolone (dose totale de 30 mg / kg) et leur réversibilité ont été étudiés chez le rat mâle par Pesola (1988) ; il a noté une réduction de l'efficacité de pompage du cœur six semaines après la fin du traitement. Cela concorde avec nos résultats rapportés sur l’irréversibilité de l’effet destructif des SAA sur le tissu cardiaque. Nos résultats peuvent également expliquer la non récupération immédiate de la normalité de la physiologie cardiaque autonome après son altération par un traitement prolongé chez le rat à la Deca Durabolin (traitement interrompu pendant six semaines après une injection intramusculaire de 10 mg / kg une fois par semaine pendant huit semaines) (Marocolo et al., 2018).

Chez l’humain, Urhausen et al.(2004)ont noté que plusieurs années après la fin de l'abus de stéroïdes anabolisants, les athlètes présentaient encore une légère hypertrophie concentrique du ventricule gauche. D’Andrea et al.(2007) ont noté que plusieurs années après une mauvaise utilisation chronique des SAA, les utilisateurs présentaient une altération subclinique de la fonction myocardique systolique et diastolique associée à la posologie et à la durée d'utilisation des SAA.

D'autre part, l'évolution croissante de la taille des noyaux de fibres musculaires sous l'effet de la durée de traitement, démontrée dans notre étude, indique une sensibilité de l'activité nucléaire à la stimulation androgène, mais nous avons bien décrit précédemment la

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présence d'un phénomène de caryolyse qui marque en particulier les fibres cardiaques des groupes GIII et GIV (traités par anabolisant androgène pendant 3 mois et pendant 3 mois suivis de six semaines d'interruption de traitement, respectivement). Ainsi, l’hyperstimulation nucléaire par l'hormone peut aboutir à une génotoxicité conduisant à la lyse de noyaux.

Selon les modifications du nombre de noyaux constituant le tissu cardiaque, il semble qu'il existe des lésions des cellules du tissu un mois après le début du traitement, les fibroblastes et les cellules endothéliales sont renouvelables à partir du deuxième mois de traitement, mais les lésions des cardiomyocytes persistent même après l’arrêt du traitement et donc ils ne sont pas récupérables.

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