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1. INTRODUCTION

1.8 Effets des polyphénols sur l’inflammation intestinale

Dans l’intestin, des médiateurs du stress oxydant peuvent aussi être produits par les neutrophiles et les macrophages qui infiltrent la paroi intestinale lors d’une réaction inflammatoire, en réponse à des pathogènes (160).

Plusieurs études démontrent que les polyphénols modulent l’inflammation intestinale par trois différents mécanismes anti-inflammatoires : 1) en inhibant les enzymes pro- inflammatoires telles que la cyclooxygénase (COX-2), la lipoxygénase (LOX) et l’oxyde nitrique synthase inductible (iNOS), et en activant des récepteurs activés par les proliférateurs de peroxysomes (peroxisome proliferators-activated receptor gamma (PPAR) (311, 357-366); 2) en inhibant les cytokines/chemokines, la phosphoinositide 3-kinase (PI 3-kinase), le NFB, les MAP kinases (mitogen activated protein kinases) et les JAK/STAT (59, 311, 364, 367- 383); et 3) en activant les mécanismes épigénétiques (méthylation de l’ADN/histones et activité des sirtuines) (384-403).

1.8.1 Les mécanismes d’action des polyphénols pour contrer l’inflammation

1.8.1.1 Les polyphénols inhibent les enzymes pro-inflammatoires

Un des importants mécanismes anti-inflammatoires consiste en l’inhibition des enzymes phospholipase A2 (PLA2), cyclooxygénase-2 (COX-2) et lipoxygénase (LOX), générant les eicosanoïdes (leucotriènes et prostanoïdes) par des activateurs spécifiques des PPAR. La PLA2 va permettre de libérer l’acide arachidonique des phospholipides membranaires, qui peut être métabolisé par la voie des COX-2 en protaglandines et en thromboxanes A2 ou par la voie de la LOX en acides hydroperoxyeicosatétraénoïques, hydroxyeicosatétranoïques et leucotriènes (366). Les polyphénols ont démontré leur capacité à inhiber ces enzymes inflammatoires. Les flavonoïdes avaient une plus grande capacité à inhiber la LOX que la COX-2 (404). L’inhibition sélective de la 5-LOX requiert un flavonoïde qui peut chélater et réduire les ions de fer. Vasquez-Martines et al. (405) concluent que le groupe catéchol est essentiel pour l’inhibition de la 12 et 15-LOX alors qu’il est important mais pas essentiel pour l’inhibition de la 5-LOX (365). La quercétine, le kaempférol et la morine peuvent arrêter l’inflammation en inhibant la PLA2 selon l’étude de Lattig et al. (406).

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Par conséquent, les flavonols peuvent être considérés comme les flavonoïdes les plus efficaces pour l’inhibition de la LOX et la PLA2 (407).

L’étude de Lau et al. a démontré que les polyphénols provenant de 100 µg/mL d’un extrait de bleuet diminuait l’expression de COX-2 et de iNOS en présence d’inflammation induite par 100 ng/mL de LPS dans les cellules microgliales. Dans les modèles in vivo d’inflammation intestinale, les polyphénols de la pomme ont confirmé la diminution de l’expression protéique de COX-2 (408) et de iNOS (409) par administration intra-rectale de 7.6% de pomme lyophilisée dans la diète.

1.8.1.2 Les polyphénols inhibent les cytokines/chemokines, la phosphoinositide

3-kinase, les facteurs de transcription nucléaire NF-B, les MAP kinases et les

JAK/STAT

Les cytokines sont des modulateurs majeurs de la réponse immune et inflammatoire. Depuis quelques années, la balance de cytokines pro-inflammatoires (IL-1, IL-2, TNF, IL- 6, IL-8 et IFN)/anti-inflammatoire (IL-10, IL-4, TGF) est devenue un indicateur de l’évolution de plusieurs maladies inflammatoires. L’identification des polyphénols capables d’interférer sélectivement avec la production et/ou les fonctions des cytokines pourraient offrir une alternative dans les traitements des maladies inflammatoires. Plusieurs études ont observé l’aptitude des flavonoïdes à diminuer l’expression des différentes cytokines et chemokines, telles que le TNF, IL-1, IL-6, IL-8, MCP1, dans l’inflammation intestinale que c’est le cas dans les modèles in vitro ou in vivo (59, 311, 364, 410-412). Ces études supportent l’idée que les flavonoïdes ont la capacité de moduler la réponse immunitaire et l’activité anti- inflammatoire. Toutefois, la capacité de rétablir le déséquilibre de la balance cytokines pro- inflammatoires/anti-inflammatoires dépend non seulement des structures chimiques des flavonoïdes, mais aussi de leur action spécifique. Par exemple, la quercétine et la catéchine exercent une action inhibitrice de l’expression du TNFα et IL-1 et peuvent promouvoir la libération de l’IL-10 (413, 414).

Les polyphénols modulent les voies de signalisation intracellulaire de PI3 kinase/Akt, de NF-B, des MAP kinases, de JAK/STATs. La phophatidylinositol-3kinase (PI3K) peut être activée par les récepteurs à activité tyrosine-kinase ou d’autres types de récepteurs comme

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ceux couplés aux protéines G. Elle est impliquée principalement dans la croissance et la prolifération cellulaire. L’activation de PI3K génère un signal qui recrute la protéine-kinase B (Akt) à la membrane cellulaire. Celle-ci se lie alors avec la PI(3,4,5)P3 et change de conformation permettant son activation par une protéines-kinase phosphatidylinositol dépendante (PDK1). L’Akt activée est relâchée dans le cytosol où il favorise la survie cellulaire en inhibant les protéines pro-apoptotiques et/ou la transcription des gènes qui les codent. Une étude in vivo de Banerjee et al (415) a démontré que les polyphénols de la grenade peuvent diminuer l’inflammation intestinale en régulant à la baisse l’activation de NF- B suite à la suppression de la phosphorylation de PI3K et AKT.

NF-B joue un rôle pivot dans les réponses immunitaires, inflammatoires, prolifératives, apoptotiques et même dans le stress oxydant dans les cellules. Plusieurs polyphénols (acide éllagique, quercétine (416, 417), 3’-hydroxy-flavone (418), 2’,4’,6’- tris(methoxy-methoxy)-chalcone (419), et EGCG (383) (pour ne nommer que ces molécules) se comportent comme des anti-inflammatoires par l’inhibition d’une des étapes contrôlant l’activation de NF-B via l’activité enzymatique IKK qui contrôle la phosphorylation IB, la dégradation de la phosphorylation IB associé avec la libération du NF-B actif et l’activité transcriptionnelle de NF-B elle-même. Toutefois, seulement la génistéine et le resvératrol ont démontré qu’ils pouvaient augmenter l’activité du NF-B (420).

La voie des MAP Kinases est la seconde des 2 grandes voies pro-inflammatoires dans l’intestin. Cette voie implique trois sous voies, définies par les dernières kinases de la cascade : les kinases « extracellular signal-regulated kinases » (ERK1 et ERK2), p38 MAP kinases (avec quatre isoformes dénommés α, ,  et ) et de « C-Jun N-terminal kinases » (JNK1, JNK2 et JNK3). L’activation de ces sous voies permet l’activation de la phosphorylation de plusieurs facteurs de transcription nucléaires. La sous voie de la kinase ERK ½ cible les facteurs de transcription de l’activation protéine 1 (AP-1) et ElK-1 (421) et les protéines membranaires (PLA2). Le rôle majeur de l’ERK ½ est de promouvoir la croissance et la différenciation cellulaire. Dans le processus inflammatoire, ERK ½ peut activer la production des lymphocytes T auxilliaires « cytokines T-cell » (422) et leur apoptose (423). L’activation de la sous voie de la kinase JNK par phosphorylation par des MAP kinase- kinase (MAP2K), également stimulées elles-mêmes par des MAP kinase-kinase-kinase

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(MAP3K), stimule le facteur de transcription c-Jun qui peut alors former le complexe de facteurs de transcription AP-1 par homo ou hétérodimérisation avec les facteurs de transcription Jun et Fos. AP-1 régule principalement l’expression des métalloprotéases (MMP) et de cytokines inflammatoires. La 3e sous voie de MAP kinase est la p38 MAP Kinase ciblant l’ATF-2, le facteur activateur des myocytes ainsi que la voie de signalisation de NF-B. La kinase p38 MAPK régule plusieurs aspects de la physiologie cellulaire (prolifération, différenciation et mort cellulaire) en plus d’être un joueur critique dans la réponse inflammatoire normale. Chez des individus avec une maladie inflammatoire de l’intestin, l’expression de la kinase p38 s’est avérée être élevée dans les macrophages et les neutrophiles de la lamina propria (424). L’étude de Essafi-Benkhadir et al. (425) a démontré que 20 µg/mL d’extrait de poires de Cydonie, contenant principalement de l’acide 5-O- caféylquinique et de la quercétine-3-O-rutinoside, diminuait l’inflammation (1 µg/mL LPS) dans les cellules macrophagiques THP-1 par l’inhibition des trois effecteurs pro- inflammatoires NF-B, p38 MAPK kinase et AKT. Dans un modèle in vivo, 10% d’extrait de bleuet dans la diète journalière des souris ApoE-/- a inhibé l’expression protéique et génique du TNF et de l’IL-6 en plus d’inhiber la phosphorylation de IB, NF-B p65, p38 MAPK et JNK (426). De plus, les polyphénols du thé vert peuvent réduire l’activité des facteurs transcriptionnels STAT-3 et STAT-1 ciblés par les MAPKs, diminuant conséquemment l’inflammation (427). La génistéine réduit l’activité de la voie de MAP Kinase (377) alors que le 3-hydroxy-flavone et 2’,4’,6’-tris(methoxy-methoxy)-chalcone ont des effets opposés (375, 379).

La voie de « Janus kinase » (JAK) est la voie d’activation de nombreuses cytokines telles que l’interféron, l’IL-6, IL-15, les facteurs de croissance comme l’hormone de croissance et le « granulocyte macrophage colony stimulating factor » (GM-CSF). Les JAK sont des tyrosine-kinases intra-cytoplasmiques qui, une fois activés, stimulent la phosphorylation des protéines STAT qui migrent vers le noyau et induisent la transcription de gènes cibles à l’origine des modifications du comportement cellulaire. De plus, les JAK stimulent aussi les sous voies de MAP kinases Ras/MAPK ERK1/2 et de PI3K/AKT. STAT induit également la production de protéines qui exercent un rétro-contrôle négatif sur la voie de JAK comme les protéines « suppressor of cytokine signalling 3 » (SOC3) et STAT5. JAK

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peut être inhibée par une tyrosine-phosphatase, la SHP1.Une étude in vitro de Senggunprai et al. (428) a démontré que la quercétine et l’épigallocatéchine-3-gallate (EGCG) diminuaient l’expression des cytokines inflammatoires en supprimant la phosphorylation de STAT1 et STAT3.

1.8.1.3 Les polyphénols activent les mécanismes épigénétiques

Depuis les dernières années, la métabolomique a permis de découvrir des molécules bioactives provenant de nutriments mais également de micronutriments tels que les polyphénols ayant un impact sur les mécanismes épigénétiques, incluant la méthylation de l’ADN et des histones, l’acétylation des histones et des protéines non-histones, et l’expression des micro-ARNs. Les polyphénols provenant de la pomme, du thé vert, du café et autres peuvent affecter l’épigénome, l’activité des sirtuines, être des inhibiteurs des histones acétyl- transférases et des modulateurs de la méthylation des résidus de lysines sur les histones. Les polyphénols en ciblant les mécanismes épigénétiques affectent les voies de transduction du signal médié par les récepteurs nucléaires et des facteurs de transcription tels que NF-B, de progression du cycle cellulaire, de différenciation cellulaire, d’induction de l’apoptose et de la sénescence (429-435).

Les sirtuines sont des protéines enzymatiques qui ont comme mandat de déacétyler les protéines histones ou non-histones telles que le NF-B, forkhead box class O (FOXO) 3, p53, PPAR, PGC1 et eNOS (436-438). La protéine SIRT1 est associée directement à la sous- unité RelA/p65 de NF-B, et elle déacétyle le résidue de la lys310 qui est un site critique dans l’activité transcriptionnelle de NF-B. De plus, des récentes études ont démontré que la SIRT1 pouvait également déacétyler et supprimer l’activité transcriptionnelle de AP-1 conduisant à une diminution de la régulation de l’expression génique de COX-2. La catéchine et la curcumine ont démontré qu’elles induisaient une hypoacétylation de RelA/p65 en inhibant directement l’activité des enzymes histones acétyltransférase qui conduisent à réguler à la baisse les fonctions de NF-B et les réponses inflammatoires associées. L’activation de la SIRT1 par le resvératrol régule à la baisse le NF-B lequel est associé avec l’abrogation de la colite induite par le DSS chez des rats (439). De plus, l’expression de nombreux gènes pro- inflammatoires, tels que COX-2, métalloprotéinases matricielles (MMPs), molécules adhésion

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et iNOS a été significativement inhibée par le resvératrol, la quercétine, la curcumine et la catéchine via la régulation à la baisse des facteurs de transcription de NF-B et AP-1 (440- 443).

Les flavonoïdes des pommes, des agrumes, des raisins ont été identifiés dans les études in vitro comme des inhibiteurs de l’activité de la ADN méthyltransférase (DNMT). ECGC a été le premier polyphénol décrit capable d’inhiber la méthylation de l’ADN en se liant sur le site catalytique de la DNMT (444). D’autres études ont suggéré que les flavonoïdes dont les catéchines inhibent l’activité de la DNMT en favorisant la méthylation de l’ADN et en catalysant le groupement méthyle provenant de la SAM vers une cytosine. Par ailleurs, ils pourraient actionner un mécanisme indirect via la déplétion de l’adénosylméthionine (SAM), le transfert d’un groupement méthyle de SAM vers une cytosine, due à la méthylation des composés eux-mêmes, et par rétro-inhibition de la DNMT due à l’accumulation de SAH (392, 445, 446).

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