• Aucun résultat trouvé

4. Besoin de nouveaux indicateurs : oui, mais lesquels ?

4.1 Effets du bruit : santé et gêne

Parmi, les effets du bruit, on distingue ceux qui ont un effet direct sur la santé et ceux occasionnant

une gêne. Pour un approfondissement de ces sujets, le lecteur pourra consulter les références

suivantes : [74], [75] et [76].

4.1.1

Effets du bruit sur la santé

Il est tout d'abord utile de rappeler la définition de la santé suivant l'OMS : « La santé est une état de complet bien-être physique, mental et social et pas seulement un état d'absence de maladie ou d'infirmité. » [74].

4.1.1.1.

Effets auditifs

Les effets auditifs sont détaillés dans un rapport de l' Agence Française de Sécurité Sanitaire Environne- mentale2 publié en novembre 2004 [76]. Les effets auditifs suite à une exposition au bruit sont relativement bien connus.

Les effets du bruit sur l'audition dépendent de la nocivité de ces bruits. Une multitude de paramètres interviennent : la qualité du bruit (grave, aigu), la pureté (bruit large-bande ou pas), l'intensité du bruit, l'émergence et le rythme du bruit, la durée d'exposition, la vulnérabilité individuelle (âge...), association à d'autres expositions (vibrations, agents chimiques).

Les conséquences d'une exposition au bruit peuvent être d'une part la fatigue auditive, et d'autre part la perte auditive. « La fatigue auditive correspond à un déficit temporaire d'audition qui se caractérise par une diminution de la sensibilité auditive pendant un temps limité après la fin de la stimulation acoustique » [76]. Les pertes acoustiques quant à elles sont caractérisées par leur irréversibilité.

1 Membre de l'université technique te Berlin. Ces propos ont été prononcés à l'occasion du colloque « Bruit des transports terrestres : de la connaissance à l'action » le 19 juin 2007 à Nantes (organisé par le PREDIT).

2 L'AFSSE est devenue AFSSET (avec un T pour Travail) en 2005.

D'autres effets existent, même s'ils sont moins connus : il s'agit des acouphènes (ou tinnitus en anglais) et de l'hyperacousie. « L’acouphène chronique est un bruit subjectif, entendu sans cesse, jour et nuit, " dans l’oreille " ou " dans la tête ", sans aucun stimulus sonore extérieur. [...] La plupart du temps, l’étiologie de l’acouphène n’est pas clairement identifiée. »1 Le choc auditif est une des causes reconnues des acouphènes. Il en existe d'autres (tumeur, infection virale...). « Le terme " hyperacousie " désigne quant à lui une intolérance aux bruits, même les plus banals. L’hyperacousie est souvent la séquelle d’un traumatisme acoustique et accompagne l’acouphène dans 40% des cas. »

A notre connaissance, aucune étude n'impute d'effets auditifs dûs aux bruits émis par les tramways.

4.1.1.2.

Effets non-auditifs

Une bibliographie synthétise les principaux effets non auditifs relevés dans la littérature [74], ainsi que les maladies vibroacoustiques2. Les expérimentations mettent en évidence une variabilité individuelle importante.

Tout d'abord, les effets sur les organes et les systèmes humains. Les effets cardio-vasculaires sont souvent mentionnés. Ils restent cependant controversés, en particulier par rapport aux études épidémiologiques réalisées. Des essais en laboratoire ont cependant mis en évidence les effets suivants : perturbation de la pression artérielle, accélération du rythme respiratoire, modifications du système endocrinien, troubles de la vision. Le bruit peut aussi engendrer du stress. Néanmoins, pour que ce stress se transforme en pathologie, l'exposition au bruit doit être à la fois longue et intense. Le bruit agit aussi sur les performances intellectuelles d'un individu. Au travail, on peut noter une baisse des performances (réactivité, vigilance...). Chez les enfants, le bruit journalier peut influencer les conditions du développement intellectuel, et perturber l'apprentissage à l'école.

Le bruit peut aussi perturber le sommeil. La structuration du sommeil peut par exemple se modifier ainsi : augmentation du nombre de réveils pendant la nuit, diminution de la durée du sommeil profond, disparition des phases de sommeil paradoxal... Des expériences ont montré par exemple que des pics de bruit rapprochés étaient moins gênants que des pics de bruits éloignés [76]. Par rapport au bruit de l'environnement, on parle parfois d'une accommodation : les individus n'ont plus conscience d'être dérangés pendant leur sommeil (par le passage d'un train par exemple). Cependant, même après plusieurs années d'exposition à un bruit, les réactions physiologiques à ces bruits peuvent être mesurées, indépendamment du fait que l'individu se réveille ou pas [76].

Même si les perturbations sur le sommeil dépendent fortement des individus, l'OMS (Organisation mondiale de la santé) recommande les valeurs suivantes à proximité de la tête du dormeur (référence présentant un résumé [77] ou texte intégral [78]) :

• 30 dB(A) en LAeq,

• 45 dB(A) en LAmax. Une étude [78] précise que ce seuil ne doit pas être dépassé plus de 10 à 15

fois par nuit3. Cette précision n'est toutefois pas reprise dans les conclusions générales.

Une des conclusions principales de l'OMS [78] est aussi qu'il faut poursuivre la recherche dans ce domaine. Plus récemment, le problème spécifique de l'effet des basses fréquences (0-500 Hz) s'est posé [79]. Depuis 1999, on parle de maladies vibroacoustiques (VAD - VibroAcoustic Diseases - en anglais). Ces dernières ont été diagnostiquées dans plusieurs catégories professionnelles dont l'industrie aéronautique. Elles constituent un problème de santé publique et doivent faire l'objet d'études complémentaires.

Enfin, et pour terminer sur une note moins pessimiste, n'oublions pas que le bruit peut avoir un impact positif ou neutre s'il n'est pas subi (le sujet peut par exemple tirer un bénéfice d'un équipement bruyant en terme de travail, revenu ou de déplacement). C'est néanmoins rarement le cas pour le bruit issu des moyens de transport terrestres.

1 http://www.france-acouphenes.org/acou/acouphenes/quesque_lacouphene.htm

2 Les maladies vibroacoustiques sont notées VAD en anglais, pour VibroAcoustic Disease.

4.1.2

Gêne : le bruit est seulement un des facteurs explicatifs

Une bibliographie synthétise les principales publications sur la gêne due au bruit [75].

4.1.2.1.

Facteurs importants vis-à-vis de la sensation de gêne :

les facteurs acoustiques ne sont pas les seuls

Deux types d'indicateurs sont souvent distingués : les facteurs acoustiques et les facteurs non acoustiques. Les facteurs acoustiques peuvent être étudiés suivant trois grandes classes. Premièrement, les facteurs liés à la nature1 et au bruit de la source étudiée, comme : le type de source (avion, route, train), la puissance de la source, la fluctuation dans le temps, le nombre d'événements, la présence de fréquences marquées... Deuxièmement, les facteurs liés au bruit ambiant. Plus l'écart entre le bruit ambiant et le niveau sonore d'une source particulière est important, plus cette source est gênante. Troisièmement, les facteurs liés aux aspects qualitatifs des sons. Des indices psychoacoustiques ont été définis (par exemple par Zwicker [80]), qui prennent en compte la fluctuation des sons ainsi que leur spectre.

Cependant, aucun d'eux pris séparément, ne suffit pour décrire la gêne ressentie. La plupart des études acoustiques réalisées sur la gêne mettent en évidence le manque de corrélation entre la gêne exprimée et les indicateurs acoustiques utilisés. Néanmoins des courbes « dose-réponse » ont pu être réalisées entre niveaux d'exposition au bruit et gêne individuelle. Par exemple la figure 36 montre la courbe produite par la commission européenne en 2002. On constate que le rail bénéficie d'un « bonus » significatif par comparaison avec les transports routiers et aériens. Cependant les corrélations entre niveaux d'exposition et gêne individuelle, bien que significatives, sont relativement faibles. Ainsi, le bruit n'expliquerait que 30 à 40 % de la gêne exprimée.

Parmi les facteurs acoustiques enfin, de nombreuses études existent sur le bruit généré par les grandes infrastructures, mais peu d'études se préoccupent des autres sources de bruit qui affectent l'intérieur ou l'extérieur d'une habitation.

1 La nature d'une source est à la fois un facteur acoustique (on peut mesurer le spectre d'une source) et non acoustique (la perception de la source dépend du sujet).

Certu – mars 2009 57

Les facteurs non acoustiques sont découpés en deux grandes classes. Premièrement, les facteurs d'attitude : le bruit est-il imposé ? Quelle est la sensibilité du sujet au bruit ? Le sujet peut-il se protéger du bruit ? Quelle est l'activité du sujet durant l'exposition au bruit ? Quelle perception le sujet a-t-il de son voisinage ? Deuxièmement, les facteurs socio-démographiques et de situation sexe, situation maritale, niveau d'éducation, activité, type de maisons, temps passé à la maison... La hiérarchie parmi ces facteurs non acoustiques est floue. Par exemple, certaines études montrent que le niveau d'éducation influe sur la gêne alors que pour d'autres, il n'influe pas.

La complexité de l'étude des facteurs non acoustiques est évidente. Non seulement, ces facteurs sont très nombreux, mais en plus, les différentes études utilisent des moyens d'enquête différents et sont donc difficilement comparables. Il est souvent difficile d'obtenir des conclusions transposables à tous les cas rencontrés.

4.1.2.2.

Cas particulier de la gêne dans un environnement sonore complexe :

multi-exposition et co-exposition

La plupart des études réalisées sur la gêne sonore s'intéressent à une source de bruit en particulier. Il est en effet difficile de prendre simultanément en compte toutes les sources de bruit à la fois, qui par nature sont différentes. On parle alors de multi-exposition.

La commission européenne, au sujet du choix d'indicateurs acoustiques appropriés pour les futures cartes de bruit, recommande d'étudier chaque source (avion, route, fer...) séparément [81]. Le groupe de travail remarque en effet que vu le temps limité et la complexité du sujet, il ne peut pas formuler une proposition pour évaluer l'impact combiné de deux sources différentes.

Réglementairement, le rapport de l'AFSSE ([76]) précise que « Actuellement, sur le plan réglementaire, mais aussi dans les cartes de bruit1, les sources de bruit ne sont prises en compte que de façon séparée (même si la notion de bruit ambiant préexistant a été introduite récemment dans la réglementation française), ce qui laisse pour l'instant sans réponse la question du niveau global (valeur limite) à ne pas dépasser tenant compte de la nature, mais aussi des interactions possibles entre les différentes sources de bruit. »

La co-exposition demeure elle aussi un sujet complexe. La co-exposition consiste en l'exposition au bruit combinée à différentes nuisances : par exemple bruit et agents toxiques, bruit et température ambiante... (pour plus de précisions, se référer à [76]).

L'étude de la multi-exposition et de la co-exposition, est un domaine relativement peu étudié. Des études particulières ont certes permis de développer des modèles variés basés soit sur des modèles acoustiques soit sur des modèles perceptifs. Cependant, aucun de ces modèles n'est entièrement satisfaisant jusqu'à maintenant ( [75] et [76] ).