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Effets des biochars sur l’atténuation des émissions des gaz à effet de serre

5.0 Effets de différents biochars sur les communautés bactériennes et leur

5.4.2 Effets des biochars sur l’atténuation des émissions des gaz à effet de serre

5.4.2.1 Dioxyde de carbone

La faible production de CO2 dans les sols amendés en biochar pourrait être occasionnée par: le pouvoir adsorbant du carbone organique du sol sur la surface du biochar; la haute alcalinité; la présence de composés toxiques, et/ou encore la haute stabilité du carbone (Fornes et al., 2015; Kammann et al., 2012; Liu et al., 2016; Mukherjee et al., 2016; Spokas et al., 2010). Selon les résultats obtenus dans notre première étude d’incubation au chapitre 2, la présence de composés toxiques dans les biochars semble être écartée. Comme on l’a vu précédemment, la faible disponibilité en C limite généralement l’activité des microorganismes hétérotrophique et pourrait donc être responsable de la faible production en CO2 dans les traitements biochars. Une récente étude rapporte que l’apport de compost a permis une meilleure disponibilité en C dans le sol amendé en biochar favorisant ainsi les émissions en CO2 (Bass et al., 2016). Selon nos résultats, l’ajout de compost a favorisé d’au moins 20% les émissions en CO2, le taux d’hydrolyse de la FDA et la MBC dans la majorité des traitements biochars, excepté le traitement M400 où l’ajout de compost a eu peu d’effet. La température de pyrolyse étant moins élevée pour le biochar M400, le contenu en C labile a été plus élevé que dans les autres biochars produient à plus haute température (Tableau 2.1, chapitre 2). Le contenu plus élevé en carbone labile dans le M400 pourrait avoir masqué l’effet du compost sur l’activité biologique du sol (Liu et al., 2016; Zimmerman et al., 2011).

Contrairement aux résultats obtenus dans le substrat à base de tourbe au chapitre 2, l’ajout de P700 dans le sol argileux a permis une atténuation des émissions en CO2 (réduction de 28% du cumulatif total). Les propriétés physiques (masse volumique apparente, porosité, diffusion des gaz) d’un sol minéral étant très différentes de la tourbe (Caron et al., 2015) pourraient expliquer l’effet divergent du biochar P700, entre les deux expériences. De plus, selon une récente méta-analyse, le pH du sol pourrait influencer la capacité du biochar à atténuer les émissions en CO2. En général, l’ajout de biochar dans un sol dont le pH est modérément acide va favoriser davantage les émissions en CO2 qu’un sol avec un pH plus près de la neutralité (Liu et al., 2016). Donc, le pH du sol argileux étant plus neutre et moins poreux que la tourbe, les conditions du sol étaient probablement moins propices à la diffusion des gaz, ce qui a permis au biochar P700 d’atténuer plus efficacement les émissions en CO2.

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L’amendement de biochar avec un pH élevé peut être légèrement toxique pour certains groupes d’organismes et expliquer la faible respiration microbienne dans le sol (Jones et al., 2011). Selon les propriétés chimiques des biochars, le pH a été très élevé dans les biochars d’érable, surtout dans le biochar M550 avec un pH = 11,3 (Tableau 2.1) L’environnement très alcalin autour des particules du biochar M550 pourrait avoir réduit la respiration microbienne du sol et possiblement expliquer les faibles émissions en CO2. Donc, en plus d’une faible disponibilité en carbone, le pH fortement alcalin du biochar M550 pourrait avoir limité l’activité des organismes hétérotrophes dans le sol, et réduire les émissions en CO2 dans ce traitement. Toutefois, l’usage d’un marqueur isotopique en carbone serait nécessaire pour mieux étudier la dynamique du carbone dans un sol amendé en biochar (Bruun et al., 2012; Cusack et al., 2010).

5.4.2.2 Méthane

Comme il a été observé dans de récentes études (Ander et Mumme, 2015; Spokas, 2013), le type de biochar peut augmenter ou réduire les émissions en CH4. En effet, des divergences ont été observées entre les traitements d’érable et le traitement P700 pour la production de CH4 (Fig. 5.3b). Hangs et al. (2016) rapportent que l’ajout de biochar avec une haute CEC combinée avec une bonne porosité et un bon pouvoir de rétention en eau peut améliorer la conductivité hydraulique et l’aération du sol, et ainsi favoriser la consommation du CH4. Ceci semble concorder avec nos résultats obtenus pour le traitement P700. La CEC, le pouvoir de rétention en eau et la porosité étant plus élevés dans le biochar P700 que les autres biochars (Tableau 2.1 et Fig. S2.1, chapitre 2), pourraient avoir réduit l’activité des méthanogènes. À l’inverse, la porosité des traitements d’érable étant plus faible que le P700 (Tableau 2.1, chapitre 2) pourrait avoir favorisé des zones plus anaérobiques dans le sol et permettre la production de CH4 dans le sol argileux. De plus, l’augmentation du pH dans le sol suite à l’ajout de biochar pourrait favoriser l’augmentation de l’activité des méthanogènes (Le Mer and Roger, 2001; Liu et al., 2011; Yu et al., 2013). Selon nos résultats, une corrélation négative a été observée entre le CO2 et le CH4 (r = −0,78, p < 0,001). Ces résultats suggèrent donc que la faible porosité et le pH plus élevé dans les biochars d’érable que dans le P700, pourraient avoir favorisé des conditions plus réductrices, et ainsi permettre une meilleure réduction du CO2 et de stimuler la production de CH4.

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5.4.2.3 Protoxyde d’azote

L’amendement de différents biochars dans le sol argileux a permis de maintenir une atténuation marquée des émissions en N2O et ceci concorde avec les résultats obtenus dans de récentes études (Cayuela et al., 2010; 2013; Harter et al., 2014; Nelissen et al., 2014). Les principaux facteurs environnementaux responsables de l’atténuation des émissions en N2O dans les sols amendés en biochar rapportés par Harter et al. (2014) sont : (i) la limitation de la disponibilité de donneurs et d’accepteurs d’électrons (DOC, NO3- et NH4+) aux microorganismes par une sorption/immobilisation de ces éléments sur les particules du biochar; (ii) l’amélioration de l’aération du sol qui réduit l’activité des microorganismes impliqués dans le processus de dénitrification; et (iii) l’augmentation de l’activité de la N2O réductase dans le sol causée par une augmentation du pH par le biochar. De plus, Cayuela et al.,(2013) mentionnent que le biochar pourrait agir comme un agent réducteur facilitant le transfert d’électron «electron shuttle» vers des microorganismes dénitrifiant, qui, conjointement avec son effet alcalinisant, favoriserait la réduction de N2O en N2. Comme la température et l’humidité du sol ont été constantes tout au long des 338 jours d’incubation (Butterbach-Bahl et al., 2013), la texture du sol, le pH, la disponibilité du carbone et son effet réducteur pourraient avoir joué un rôle important dans l’atténuation des émissions en N2O.

Le contenu du sol en DN (Fig. 5.2d) et les émissions en N2O (Fig. 5.3) plus faibles dans tous les traitements biochars que ceux du témoin suggèrent que les conditions du sol amendé en biochar (humidité et texture) ont été favorables à une dénitrification plus complète du N2O en N2. Une récente méta-analyse rapporte que les conditions d’humidité élevées (> 80% SPE) dans des sols à texture fine amendés en biochar favorisent davantage une atténuation des émissions en N2O que dans des sols à texture grossière (Cayuela et al., 2014). Le contenu du sol en eau de notre étude a été légèrement inférieur à 80% SPE. Toutefois, Davidson et al. (2000) et Linn et Doran (1984) ont rapporté qu’une humidité entre 70% et 80% SPE peut activer le processus de dénitrification du sol. Nos résultats suggèrent que la texture fine et l’humidité élevée du sol peuvent avoir favorisé le processus de dénitrification dans le sol argileux amendé en biochar.

Il a été rapporté que la production de N2 par le processus de dénitrification était plus importante que celle de N2O dans un sol naturel avec un pH au-dessus de 7 (Simek et al., 2002; Cuhel et al., 2010). L’augmentation du pH d’une unité dans le sol amendé avec les

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biochars d’érable M400, M550 et M700 (Fig. 5.2c) pourrait avoir stimulé davantage l’activité de la N2O réductase et contribué à une dénitrification plus complète. Toutefois, Case et al. (2012) rapportent un faible effet de pH sur l’atténuation des émissions en N2O, malgré l’ajout de biochar produit à partir d’un mélange de bois durs et pyrolysé à 400°C avec un pH de 9,3. Selon Case et al. (2012), la disponibilité de l’azote a eu une plus grande influence sur l’atténuation des émissions en N2O que le pH. Cependant, le faible pouvoir d’adsorption de l’azote par les biochars (Tableau S2.2, chapitre 2) et l’effet nul sur les taux bruts de transformation de l’azote, et sur la MBN ne permettent pas de supporter les faibles émissions en N2O observées tout au long de notre étude d’incubation. Comme Nelissen et al. (2014) ont rapporté, une interaction complexe entre le type de sol, le contenu en humidité, le type et la dose de biochar et ceux de la fertilisation influence l’interprétation des résultats. La dose d’application en biochar moins élevée dans l’étude de Case et al. (2012) que la nôtre (2% m/m vs 5% m/m) pourrait expliquer le faible effet du pH dans leur étude (Cayuela et al., 2014). Bien qu’une analyse plus approfondie soit nécessaire, nos résultats suggèrent que l’augmentation du pH, le contenu plus faible en DN que le sol témoin et la présence de conditions plus anaérobiques dans le sol amendé avec les biochars d’érable M400, M550 et M700 pourraient avoir stimulé l’activité de la N2O réductase et contribué à une dénitrification plus complète (Harter et al., 2014, 2016; Van Zwieten et al., 2014; Wu et al., 2013).

Contrairement à l’étude d’incubation avec un substrat à base de tourbe (Chapitre 2), l’ajout répété d’une fertilisation azotée n’a pas affecté l’efficacité d’atténuation des émissions en N2O dans le sol amendé avec le biochar P700. La texture plus fine et le pH plus élevé dans le sol argileux que celle de la tourbe pourrait avoir favorisé une meilleure dénitrification (Butterbach-Bahl et al., 2013; Cayuela et al., 2014) dans le traitement P700. De plus, la diffusion du gaz étant moins rapide dans le sol argileux que celle de la tourbe pourrait avoir permis un meilleur temps de contact entre le biochar P700 avec les microorganismes dénitrifiants pour réduire le N2O en N2 avant d’être émis dans l’atmosphère (Cayuela et al., 2013). Comparativement aux traitements d’érable (M550 et M700), le traitement P700 a été plus performant (avec et sans compost) pour atténuer les émissions en N2O (Fig. 5.3). Le biochar P700 ayant un pouvoir de rétention en eau plus élevé que les biochars d’érable (Fig. S2.1, chapitre 2) pourrait avoir stimulé une dénitrification plus complète de l’azote dans le sol argileux.

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À l'inverse de récentes études (Darby et al., 2016; Bass et al., 2016), l’ajout de compost dans le sol amendé en biochar n’a pas augmenté les émissions en N2O (Fig. 5.3). De plus, l’ajout de compost a significativement diminué les émissions en N2O dans le témoin sans biochar (Fig. 5.3). Selon Darby et al. (2016), le faible ratio C:N du compost (C:N = 13) et le faible pourcentage en biochar (10 t ha-1, soit environ 0,6% m/m) n’a pas favorisé une immobilisation de l’azote afin d’atténuer les émissions en N2O. Bien que le ratio C:N de notre sol avec compost soit similaire à l’étude de Darby et al. (2016), l’ajout de compost a augmenté significativement la MBN de 28% dans tous les traitements (Tableaux S5.2 et S5.6). Selon Burger et Jackson (2003), une meilleure disponibilité en C peut stimuler l’activité microbienne du sol et favoriser l’immobilisation de l’azote. Nos résultats suggèrent donc que l’augmentation de la disponibilité en C dans le sol témoin avec compost peut avoir stimulé la croissance microbienne causant l’immobilisation de l’azote et contribuant ainsi à une meilleure atténuation des émissions en N2O.

5.4.3 Effets des biochars sur la diversité et la structure des communautés bactériennes

La disponibilité en carbone et le pH du sol sont des éléments importants dans le fonctionnement de la biodiversité et les changements des communautés bactériennes du sol (Abujabhah et al., 2016b; Gul et al., 2015; Le et al., 2016; Wu et al., 2016). Une étude récente rapporte que l’ajout de biochar dans un sol sans apport en fertilisant a eu un effet négatif sur la diversité bactérienne du sol (Wu et al., 2016). Celle-ci mentionne que la faible disponibilité en nutriments, principalement en C, pourrait avoir nui à la croissance microbienne dans le sol amendé en biochar. Selon nos résultats, aucun effet sur la diversité bactérienne n’a été observé selon le type de traitements, après 44 jours d’incubation de notre expérience I. La fertilisation azotée pourrait avoir masqué l’effet du biochar dans le sol. Toutefois, des effets variés ont été observés après 338 jours d’incubation selon le type de traitements avec ou sans ajout de compost (Tableau 5.2). Nos résultats concordent avec ceux de récentes études (Le et al., 2016; Muhammad et al., 2014; Wu et al., 2016) et suggèrent que le pH et la disponibilité en C pourraient avoir influencé la diversité bactérienne du sol au cours de notre incubation.

Comme il a été observé pour la diversité bactérienne, l’amendement en biochar n’a pas affecté instantanément les communautés microbiennes du sol, suite à son incorporation. Harter et al. (2016) ont constaté un temps d’acclimatation des bactéries dans un loam

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sableux amendé de 10% (m/m) de biochar provenant de résidus végétaux pyrolysés à 700°C. Selon leur étude, c’est seulement après 15 jours d’incubation que les communautés microbiennes dans le traitement biochar et dans le sol sans amendement se sont distinguées. Un environnement très similaire entre les traitements avec et sans biochar au début de l’incubation pourrait expliquer le faible impact du biochar sur les microorganismes du sol (Gul et al., 2015; Harter et al., 2016). Comparativement à l’étude de Harter et al. (2016), aucun effet n’a été observé au jour 44 de notre essai d’incubation. La rapidité à laquelle le biochar va affecter les populations microbiennes du sol peut déprendre de la nature de la biomasse, mais aussi du type de sol et des conditions climatiques (Gul et al., 2015). Selon une récente méta-analyse, l’amendement de biochar dérivé de bois ou de composés riches en lignocelluloses tend à manifester son effet sur l’abondance des microorganismes du sol plus tard (~ 60 jours après son application) que celui provenant de résidus de culture (Gul et al., 2015). Or, dans notre étude, tous les biochars provenaient d’essence de bois. De plus, la fréquence d’échantillonnage utilisée lors de nos essais ne nous permet pas de savoir le moment exact des modifications sur les communautés bactériennes. Il est toutefois évident que l’ajout de biochar a eu un effet sur les populations bactériennes observé sur les échantillons prélevés au jour 338.

L’ajout de compost comme source de C a eu un fort impact sur la structure des communautés bactériennes au jour 44 de l’incubation. Comme il a été constaté dans l’étude de Abujabhah et al. (2016b), l’apport de biochar a été moins réactif au niveau des populations bactériennes du sol que l’ajout de compost au début de l’incubation, probablement occasionné par une moins grande disponibilité en C dans les biochars.

5.4.4 Effets des biochars sur les communautés bactériennes impliquées dans le