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Effet de la substitution sur les propriétés de conduction thermique

1.6 Cuprates 1D à chaînes de spins

1.6.7 Effet de la substitution sur les propriétés de conduction thermique

Comme nous l’avons mentionné à la section 1.4, les conductions thermiques des composés à chaînes de spins Sr2CuO3 et SrCuO2 comportent deux contributions [48, 49], la première d’origine phononique et la seconde magnétique due au transport de la chaleur par les spinons. La conduction thermique magnétique est, de ce fait, fortement anisotrope du fait qu’elle ne se manifeste que lorsque la mesure est réalisée suivant l’axe cristallographique portant les chaînes de spins. La littérature fait état de plusieurs études visant à la compréhension des mécanismes gouvernant les propriétés de transport dans ces deux matériaux. Un étude menée par Hlubek et al,. [50] a notamment permis de révéler la nature balistique du transport par les excitations de spinons, en montrant que la conduction thermique magnétique est améliorée de

κmag = 172 W mK−1à 660 W m−1K−1lorsque la pureté des précurseurs utilisés pour réaliser

la synthèse des monocristaux de SrCuO2 est augmentée de 2 N (99%) à 4 N (99.99%), comme montré par la figure1.27. La diminution du taux d’impuretés au sein des chaînes de spins donne donc lieu à une augmentation du libre parcours moyens des spinons, de ∼ 0.3 µm (cristaux 2 N) à ∼ 1.6 µm (cristaux 4 N), expliquée comme due à la réduction des interactions entre les spinons et les défauts qui dominent le processus de conduction thermique à basse température. De même, une sensible augmentation de κph , mesurée dans la direction a perpendiculaire

aux chaînes, est constatée de κph = 215 W m−1K−1 à 235 W m−1K−1 à T = 37K. L’origine

de cette amélioration est attribuée à la diminution des interactions entre les phonons et les défauts. L’amplitude de la conduction thermique magnétique est donc uniquement limitée par la teneur en impuretés (défauts) contenues dans les cristaux, ce qui révèle la nature balistique du transport de la chaleur par les excitations de spin S = 1

2.

Plusieurs études ont été menées afin de sonder l’impact de la substitution, intentionnelle, par un taux d’impuretés contrôlé sur la conduction thermique des deux cuprates. La même étude menée pour des cristaux de Sr2CuO3 de puretés (2N, 3N et 4N) aboutit à la même conclusion [66], avec une amélioration de κmag de 30W m−1K−1 (2 N) à 150 W m−1K−1(4 N)

accompagnée d’une augmentation du libre parcours moyen des spinons de l0 = 0.05 µm à 0.54 µm.

1.6.7.1 Dopage sur le site du Sr2+

La conduction thermique magnétique κmag étant extraite par la soustraction directe de κph,

mesurée dans une direction perpendiculaire à c, à la conduction thermique totale, les travaux de Ribeiro et al,. [79, 112, 113] avaient pour objectif de réaliser une suppression sélective de κph afin de quantifier κmag de manière plus précise. La stratégie envisagée consistait en

l’introduction d’ions de Ca2+ sur le site du Sr2+. Le résultat attendu, par analogie au cas de (Sr, La, Ca)Cu24O41, était que la différence entre les rayons ioniques et masse des deux éléments perturberait la propagation des phonons sans pour autant altérer la propagation des excitations de spin du fait que le dopage est réalisé hors des chaînes. Les résultats escomptés

Figure 1.27 (a) Conductions thermiques mesurées dans deux monocristaux de

SrCuO2 de pureté 2N et 4N dans les directions parallèle (c) et perpendiculaire

(a) aux chaînes de spins. (b) Conduction thermique magnétique résultante de la soustraction directe κc− κa pour les monocristaux de SrCuO2 de puretés 2N et

4N. L’insert de la figure montre la faible anisotropie de κ, lorsque les mesures sont réalisées perpendiculairement aux chaînes de spins suivant les directions cristallo- graphiques a et b [50].

n’ont cependant pas été obtenus pour les cristaux de compositions Sr1−xCaxCuO2 avec x = 1.25% , 2.5% , 5% et 10%, et où la présence de l’élément étranger, cause systématiquement une diminution des contributions phononiques et magnétiques jusqu’à la suppression de κmag

pour des taux de substitution ≥ 5% [112,113]. La réduction drastique de κmag est interprétée

comme résultante de l’introduction de désordre (distorsion) au sein des chaînes de spins au voisinage direct des sites d’impuretés, qui induit une restriction du libre parcours. Ce même mécanisme est à l’origine de l’ouverture du pseudogap de spin dans les composés SrCuO2 dopés par du Ca2+ à hauteur de 5% et 10%. Le même résultat est rapporté dans le composé parent (Sr(1−x)Cax)2CuO3 avec x = 1%, 5%, 10%, et 50%, et où κmag est supprimée au-delà

de 5% de substitution [114]. Dans les deux systèmes, la conduction thermique phononique κph

décroit à mesure que le taux de substitution en Ca2+augmente. Les mesures de conduction thermique réalisées sur cette série de composés sont présentées sur la figure 1.28.

Figure 1.28 Mesures de conduction thermique réalisées sur plusieurs échan-

tillons de compositions (Sr(1−x)Cax)2CuO3 avec x = 0, 0.01, 0.05, 0.1, 0.5, dans

la direction des chaînes de spins b. L’insert montre les mêmes résultats tracés en échelle semi-logarithmique afin de mieux illustrer l’effet de la substitution [114].

1.6.7.2 Dopage sur le site du Cu2+

Le dopage au sein des chaînes a également fait l’objet de plusieurs travaux [65, 66, 115]. Les dopants utilisés sont des impuretés de spin S = 0 donnant les formules suivantes pour les composés résultants : SrCu(1−x)MxO2, avec M = Ni2+, Zn2+ ou Mg2+, et Sr2Cu(1−x)MxO3, avec M = Mg2+, N i2+ou P d2+. Exception faite du cas du dopage par du Mg2+, toutes ces études montrent une réduction conséquente du transport de la chaleur par les excitations de

spins, mesurée dans la direction des chaînes de spins (cf. Fig. 1.29). — Les dopages par du Ni2+(0.5%, 1% et 2% dans Sr

2CuO3 et 0.25, 0.5 et 1%, dans SrCuO2) [66,65,114] et du Zn2+(1% dans SrCuO2) [115] ont révélé une augmentation de κph , mesurée perpendiculairement aux chaînes de spins jusqu’à un seuil critique

de taux de dopage à partir duquel κph décroit. Cet effet est illustré sur les inserts

des figures 1.29.a et b. L’augmentation de la conduction thermique par les phonons découle du confinement des spinons par les impuretés, qui contribue à diminuer les interactions entre les spinons et les phonons et qui a pour conséquence l’augmentation du libre parcours moyen des phonons et donc de κph. Ceci se produit jusqu’à une

concentration seuil d’impuretés où les interactions entre les phonons et les défauts ne sont plus négligeables. Les défauts ayant pour impact de diffuser les phonons ; ils donnent lieu à la diminution observée de κph. Les libres parcours moyens extraits à

partir des mesures réalisées sur les matériaux dopés par du Ni2+montrent, par ailleurs, une relation de proportionnalité directe entre le libre parcours moyen des spinons et l’inverse de la quantité d’impuretés x.

— La substitution par du P d2+dans Sr

2CuO3 montre, de la même manière, une diminu- tion graduelle de κmaget κph lorsque la quantité de P d2+, dans les chaînes, augmente.

— Le dopage par une impureté portant un spin S = 1 2, le Co

2+, dans SrCuO

2 à hauteur de 0.25, 0.5 et 1%, provoque le même comportement de κmag et κph [115].

— Le dopage par du Mg2+ [66], à hauteur de 1%, dans Sr

2CuO3, provoque une réduction de κmag et de κph, mesurée perpendiculairement aux chaînes de spins. Ces mesures sont

données sur la figure1.30.b. La cas de la substitution par du Mg2+ avec des teneurs de 0.5% et 1% , dans SrCuO2, donne lieu quant à lui, à un comportement très particulier de la conduction thermique. Alors que κph, mesurée suivant l’axe a, diminue lorsque la

quantité de Mg2+ augmente, κ

mag demeure inchangée et κph , mesurée suivant c , est

totalement supprimée et ce pour les deux taux de substitution. L’explication proposée, dans ce cas, est qu’une partie du Mg2+substitue le site du Sr2+ conduisant à un effet drastique sur la conduction thermique phononique (cf. Fig. 1.30.a). Le nombre d’ions Mg2+demeurant dans les chaînes, serait alors bien inférieur à la concentration en Mg2+ initialement insérée dans le cristal. De plus, ces derniers seraient ségrégés sous forme de clusters au sein des chaînes de spins. Dans ce cas, le nombre de sites impactés par le dopant serait très faible, ce qui permettrait de justifier la conservation de l’intégralité de la contribution κmag dû au faible impact des ions étrangers Mg2+

sur le libre parcours moyen des spinons. Une seconde explication serait que dans le cas particulier de l’introduction d’impuretés portant des orbitales autres que 3d, en l’occurrence, 2p pour le Mg2+, un autre type d’interaction pourrait avoir lieu au sein des chaînes de spins permettant aux spinons de « sauter » sur la chaîne voisine (dans la double-chaîne) et de poursuivre leur propagation en contournant les sites diffuseurs. Du fait de l’absence de la double-chaîne de spins, un tel mécanisme n’est pas possible dans Sr2CuO3, cela pourrait justifier les comportements distincts des deux composés.

Figure 1.29 (a) Mesures de conduction thermique réalisées sur plusieurs échan-

tillons de compositions SrCu(1−x)N ixO2 avec x = 0, 0.0025, 0.005, 0.01, dans

la direction des chaînes de spins c. L’insert de la figure montre les mesures réalisées dans la direction perpendiculaire aux chaînes de spins a. [66] (b) Me- sures de conduction thermique réalisées sur plusieurs échantillons de compositions

Sr2Cu(1−x)N ixO3 avec x = 0, 0.005, 0.01, 0.02, dans la direction des chaînes de

spins b. L’insert de la figure montre les mesures réalisées dans la direction perpen- diculaire aux chaînes de spins c. [65]

Figure 1.30 (a) Mesures de conduction thermique réalisées sur des échantillons

de compositions SrCu(1−x)M gxO2 avec x = 0, 0.005, 0.01, dans la direction des

chaînes de spins c. L’insert de la figure montre les mesures réalisées dans la direc- tion perpendiculaire aux chaînes de spins a. Figure reproduite à partir de [66] (a) Mesures de conduction thermique réalisées sur des échantillons de compositions

Sr2Cu(1−x)M gxO3 avec x = 0, 0.01, dans la direction des chaînes de spins c.,

et perpendiculairement aux chaînes de spins, dans la direction cristallographique

Un récapitulatif de l’impact de la substitution sur le site du Sr2+ou du Cu2+par les différents dopant abordés dans cette section est présenté dans le tableau1.2.

Dopant SrCuO2 Impact observé Sr2CuO3

κmag κph κmag κph

M g2+ = Supprimée & &

Zn2+ & % Puis& & Non-mesuré

N i2+ & % Puis& & % Puis&

Co2+ & & Non-mesuré Non-mesuré

P d2+ Non-mesuré Non-mesuré & &

Ca2+ & & & &

Table 1.2 Récapitulatif de l’impact de la substitution sur le site du Sr2+ (par

du Ca2+) ou sur le site du Cu2+ (par du Mg2+, Zn2+, Ni2+, Co2+, ou P d2+)

sur les conductions thermiques magnétique κmag et phononique κph des composés

à chaînes de spins SrCuO2 et Sr2CuO3. Les flèches % ou & indiquent, respecti-

vement, l’augmentation ou la diminution de κ.

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