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Partie 4 Inhibition chimique de contact ou volatile ?

II. Effet inhibiteur d’extraits de glandes mandibulaires de butineuses ?

Afin de confirmer l’hypothèse selon laquelle les glandes mandibulaires de

butineuses pourraient être à l’origine de l’inhibition sociale, l’effet d’extraits de glandes

mandibulaires a été testé sur l’âge au butinage de jeunes abeilles.

II.1. Matériel et méthodes

II.1.1. Composition des colonies

L’expérience qui s’est déroulée en juillet 1999 est réalisée avec des colonies à

triple cohorte. Comme dans les expériences comportementales, les colonies sont placées

dans des nuclei conformément au protocole mentionné dans la partie 2 II.2. Chacune

contient :

-500 abeilles émergentes

-500 butineuses

-500 nourrices

Les abeilles émergentes sont obtenues à partir de cadres de couvain placés le jour

précédent dans une étuve chauffée à 34°C (voir partie 2 II.2.)

Les butineuses et les nourrices sont collectées directement dans la colonie mère dans le

nucleus à l’aide d’un aspirateur portatif. L’entrée de la ruche est bloquée pour permettre

le prélèvement des butineuses (voir partie 2 II.2). Les nourrices sont prélevées à

l’intérieur du nid alors qu’elles s’occupent des larves. Elles se distinguent du reste des

ouvrières par le fait que leur tête est plongée dans des cellules de couvain non operculées.

L’observation porte toujours sur la cohorte d’abeilles émergentes, marquées d’un point de

peinture sur leur thorax dont la couleur est spécifique à la colonie expérimentale.

Les nuclei sont placés à 10 Km de leur ruche d’origine pour empêcher que les butineuses et

les nourrices ne retournent dans leur colonie mère.

Une quatrième cohorte d’abeilles émergentes est rajoutée dans chaque nucleus au bout

de 7 jours pour maintenir les conditions normales de la colonie dans laquelle de nouvelles

abeilles naissent régulièrement (Le Conte et al., 2001).

II.1.2. Traitements

Au cours de l’expérience, quatre colonies à triple cohorte sont comparées :

-deux colonies sont traitées quotidiennement avec 400 équivalents d’extraits de

glandes mandibulaires de butineuses mélangés à 1 gramme de candi (1 partie de

miel/1,5 partie de sucre glace)

-deux colonies témoins reçoivent journellement la même dose de solvant

d’extraction seul, le méthanol, mélangé à 1 gramme de candi

Ces extraits ont été préparés par Slessor, K, au laboratoire de Biochimie de l’Université

Simon Fraser, British Columbia, au Canada. Ils sont composés des trois molécules

identifiées dans les glandes mandibulaires des ouvrières :

l’acide 10-hydroxy-(E)-2-décénoïque (10-HDA)

l’acide 10-hydroxydécanoate (10-HDAA)

l’acide 8-hydroxy-octanoïque

Cette voie d’administration de molécules chimiques dans du candi nous a semblé bien

adaptée. En effet, l’inhibiteur des butineuses agirait par contact sur les plus jeunes

(Huang et al. (1998), partie 4). Le candi permet toutes les formes de contacts car les

abeilles vont pouvoir le toucher avec leurs antennes, le lécher et l’ingérer. De plus,

d’autres études ont montré que les phéromones modificatrices de couvain et de reine

étaient actives sur les abeilles lorsqu’elles étaient administrées sous cette forme (Le

Conte et al., 2001).

II.1.3. Mesure du développement comportemental

L’âge au butinage des abeilles émergentes permet de mesurer le rythme de

développement comportemental des ouvrières. Pour cela, deux fois par jour (matin et

après-midi), l’entrée de chaque nucleus est fermée pendant 30 minutes et les nouvelles

butineuses sont dénombrées et marquées d’un nouveau point de peinture sur l’abdomen

afin de ne pas être comptées deux fois.

Les résultats vont être traités avec le test non paramétrique de Mann-Whitney qui

permet la comparaison de deux groupes non appariés. Ce test est réalisé avec le logiciel

StatView.

II.2. Résultats

La figure 18 ainsi que le tableau 8 présentent les résultats.

0

1

2

3

4

5

6

7

8

3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26

Age des abeilles (jour)

% cumulé de nouvelles butineuses

GM1

GM2

T1

T2

Comparaison 2 à 2 P de Mann-Whitney

GM1 / T1 0.0018

GM1 / T2 0.0068

GM2 / T1 0.399

GM2 / T2 0.6701

GM1 / GM2 0.0881

T1 / T2 0.6073

Figure 18 : Effet des glandes mandibulaires de butineuses sur l’âge au butinage des

jeunes abeilles.

GM1 = colonie 1 traitée avec des extraits de glandes mandibulaires de butineuses

GM2 = colonie 2 traitée avec des extraits de glandes mandibulaires de butineuses

T1 et T2 = colonies témoins 1 et 2 ne recevant que du méthanol

Tableau 8 : Comparaison de l’âge moyen au butinage entre les colonies

traitées aux extraits de glandes mandibulaires et les témoins (test de

Une colonie (GM1) sur les deux traitées avec les glandes mandibulaires de

butineuses, présente une différence significative par rapport aux deux colonies témoins.

La seconde colonie traitée (GM2) n’est pourtant pas statistiquement éloignée de GM1 ni

des deux témoins (T1 et T2).

De plus, si on regarde sur le graphe les pourcentages cumulés de nouvelles butineuses

pendant les 15 premiers jours, période qui correspond à un butinage précoce, les chiffres

sont très proches entre les quatre colonies : 3.4% d’abeilles butineuses dans GM1 et 1.4%

dans la colonie GM2 alors que chez les témoins il y en a : 1.8 dans T1 et 2% dans T2. A la

fin des 26 jours d’expérimentation, les pourcentages cumulés de butineuses sont plus

importants dans les colonies témoins (T1 = 7%, T2 = 6.2%) que dans les colonies traitées

(GM1 = 5.4% et GM2 = 4%).

II.3. Discussion

Cette expérience ne valide pas l’hypothèse d’après laquelle l’inhibiteur se

trouverait dans les glandes mandibulaires des ouvrières âgées.

Cette hypothèse a commencé à être vérifiée en utilisant non pas des extraits de glandes

mais des abeilles âgées chez qui les glandes mandibulaires ont été enlevées. Les jeunes

abeilles placées dans des colonies au contact de ces ouvrières âgées opérées ne sont plus

inhibées et partent butiner précocement par rapport aux témoins (Huang et al., 1998).

Pourtant ces résultas ne sont pas confirmés par notre expérience qui teste cette fois-ci

l’effet du contenu des glandes mandibulaires sur le développement de jeunes abeilles. La

conclusion des travaux de Huang et al. n’est cependant pas que les glandes mandibulaires

sont la source de l’inhibition mais plutôt que l’ablation de ces glandes provoque une perte

de l’inhibition. Autrement dit, l’opération pourrait affecter un éventuel comportement

d’inhibition ou la transmission de substances chimiques produites dans une autre région de

l’organisme.

Notre étude ne montre aucun effet inhibiteur du contenu des glandes, toutefois nous ne

pouvons pas conclure que les glandes mandibulaires ne sont pas impliquées dans l’inhibition

sociale. Nous constatons seulement que les extraits de glandes ne sont pas actifs dans

nos conditions d’analyses.

Sur la base de ces résultats, nous avons élargi notre étude en testant l’effet d’autres

extraits de butineuses sur le développement comportemental de jeunes ouvrières.

III. Effet inhibiteur d’extraits cuticulaires ou céphaliques de