• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1: Revue des travaux antérieurs

1.5 Les graines protéagineuses

1.5.6 Effet des graines protéagineuses sur l’utilisation azotée et la production de méthane

Pour être bien valorisées, les graines protéagineuses doivent être broyées ou aplaties. Vu la richesse des protéagineux en protéines dégradables dans le rumen il faut obtenir une mouture grossière qui évite les pertes d’azote dans le rumen.

La réduction de la taille des particules alimentaires accroît leur dégradabilité dans le rumen en accélérant la vitesse d'hydratation, la solubilisation et la dégradation par les microorganismes (Poncet et al., 2003). Elle est toutefois partiellement compensée par une évacuation plus rapide du rumen sous forme non dégradée, ce qui a été montré par Freer et Dove (1984) sur du lupin. Kibelolaud et al. (1991) ont observé que l’accroissement de la taille des particules du lupin (grilles de 1 à 5 mm) a réduit fortement la dégradation de l’azote (de 95 à 62 %) de cette graine, tout en augmentant la digestibilité intestinale. Ces résultats sont similaires avec les résultats de l’étude de Freer et Dove (1984; Figure 1.20). Cependant, il n’y a pas eu d’effet de la granulométrie sur la dégradation de l’azote du pois dans l’étude de Petit et al. (1997). Cette différence pourrait être due à une interaction avec la nature des glucides de réserve, β-galactanes pour le lupin et amidon pour le pois (Poncet et al., 2003)

48

Figure 1.20. Effet de la taille des particules sur la dégradation in sacco du lupin (Adaptée de Freer et Dove, 1984).

Il y a eu peu de comparaisons directes entre protéagineux entiers, concassés ou finement broyés. Toutefois, des graines de soja concassées, du lupin grossièrement broyé (grille de 3,8 cm) et du pois plus finement broyé se sont parfaitement substitués à du tourteau de soja chez des vaches fortes productrices en début de lactation (Petit et al., 1997; Faldet et Satter, 1991). Ces résultats confortent les nombreux essais menés en particulier en France dans les années 70 et 80. Tisserand (1977), Hoden (1982), Huguet et al. (1983), entre autres, avaient utilisé des protéagineux (lupin, pois, féverole) comme unique source azotée dans des rations à base d’ensilage de maïs ou de pulpes de betteraves distribuées à des bovins en croissance ou à des vaches laitières produisant environ 6 500 litres de lait annuellement. Ils ont signalé une efficacité similaire de l’utilisation de l’azote lorsque ces graines, grossièrement broyées ou entières, se substituaient au tourteau de soja.

Vander Pol et al. (2008) ont signalé une efficacité similaire de l'utilisation de l'azote pour la synthèse des protéines du lait (i.e., azote dans le lait ÷ azote ingéré) lorsque des graines de pois broyées remplaçaient le tourteau de soja et le maïs grain dans l'alimentation des vaches laitières (24 % vs 26 %, respectivement). Cependant ils ont indiqué que le remplacement du tourteau de soja par du pois moulu n'avait aucun effet sur l’utilisation d’azote pour la synthèse des protéines du lait, l’apport en azote et l’excrétion de l’azote urinaire.

Par rapport au tourteau de soja, un des handicaps des graines protéagineuses réside dans leur faible teneur en protéines alimentaires non dégradées dans le rumen (PDIA) ce qui limite leur

49

utilisation dans l’'alimentation des ruminants. Parmi les facteurs susceptibles d’augmenter la teneur en PDIA des graines protéagineuses se trouvent les tanins. Les tanins sont connus pour leurs propriétés à inhiber la dégradation des protéines alimentaires dans le rumen améliorant ainsi l’efficacité de l’utilisation de l’azote par la vache et contribuant à réduire son excrétion dans l’environnement et les émissions de protoxyde d’azote. Une étude réalisée par Tisserand (2001) a montré que l’utilisation des variétés de pois contenant des tanins n’a eu aucun effet sur la teneur en PDIA du pois. Selon Sarrazin (1983), si le tannage au formol améliore la rétention azotée chez le mouton (110 %) et diminue l’excrétion d'azote urinaire (90 %), l’utilisation des tanins de châtaigner n’améliore pas le gain moyen quotidien et le rendement en carcasse d’agneau de boucherie.

D’autres études ont montré l’intérêt de l’extrusion des protéagineux sur l’efficacité de l’utilisation de l’azote et son effet sur la teneur en PDIA des graines traitées. Par exemple, le lupin (Poncet et al., 1999) et le pois (Remond et al., 1997) après extrusion, ont une teneur en PDIA supérieure à la graine crue de 390 % et 270 %, respectivement. Cros et al. (1991) ont observé qu’entre l’aliment témoin et celui extrudé, la dégradabilité théorique ruminale (DTN)

passe de 93-95 % à 65-72 % (150°C) et 53-62 % (195°C) dans le cas du lupin. Des effets similaires ont été rapportés par Aufrère et al. (2001) et Rémond et al. (2003) avec du lupin extrudé à 162°C.

À notre connaissance, il n’y a pas d’études qui ont abordé l’effet de l’incorporation des graines protéagineuses sur la production de CH4 d’origine entérique. Des graines comme la

féverole et le pois sont bien pourvues en amidon. Par conséquent, l’inclusion de ces graines dans la ration peut augmenter l’apport de l’amidon et orienter les fermentations ruminales vers la production de plus de propionate et moins d’acétate. Ces changements dans le profil fermentaire sont propices à une baisse de la production de CH4 étant donné la relation inverse

qui existe entre les processus de propionogenèse et la méthanogenèse.

Khorasani et al. (2001) ont signalé une diminution linéaire de la concentration d’acétate et une augmentation linéaire des concentrations de butyrate, d'isovalérate et de valérate lorsque le pois remplaçait le tourteau de soja dans le régime alimentaire des vaches laitières en lactation. Il en est de même dans l’étude Reed et al. (2004) lorsque le pois a été inclus dans le régime alimentaire des bovins de boucherie. Une baisse de la production d’acétate devrait

50

se traduire par une diminution de la production de CH4. Cependant, Vander Pol et al. (2009)

n’ont signalé aucune modification dans les proportions molaires d'acétate et de propionate lorsque le pois roulé a remplacéle tourteau de soja. Ingalls et al. (1980) n'ont rapporté aucun changement dans le rapport acétate:propionate suite au remplacement du tourteau de soja par la gourgane dans le régime alimentaire des vaches laitières. Il a été rapporté que la dégradabilité ruminale mesurée in sacco de l'amidon de la gourgane est plus élevée que celle de l’amidon de maïs (Offner et al., 2003: 73 vs 68 %, Moharrery et al., 2014: 77 vs 57 %). Benchaar et al. (1992) ont signalé que l’ingestion de rations à base de lupin (crues ou extrudées) n’a pas significativement modifié les paramètres fermentaires des vaches laitières. En effet, quel que soit le régime ingéré, le pH ruminal est demeuré relativement constant (6,3) de même que les concentrations en AGV (108 mmol/L).

51