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5. DISCUSSION

5.2.1.3 Effet de la durée et température de la cure

La durée et la température de la cure (conditions d'activation) sont des facteurs tout aussi importants dans la synthèse des géopolymères, spécialement pour l'activation alcaline de cendres volantes. Lorsqu'il est question de réactions chimiques, la température joue souvent le rôle de catalyseur. Les résultats ont démontré qu'une cure de 48 heures à 80oC est suffisante pour engendrer une bonne résistance en compression. En moyenne, des résistances variant de 25 à

40 MPa ont été obtenues pour l'activation thermique de laitiers. Pour les cendres volantes de classe F (CVS et CVB), les valeurs varient de 30 à 50 MPa. Cependant, les conditions d'activation (durée et température) n'ont pas permis de développer des résistances satisfaisantes pour la cendre volante de classe C (CVP).

Il a aussi été observé que l'activation à température ambiante (condition A) n'est pas efficace pour les cendres volantes. En effet, une cure thermique initiale est nécessaire pour augmenter la vitesse de réaction, sans quoi le temps de prise est très lent. Ces résultats sont en accord avec les observations de Kirschner & Harmuth (2004) qui proposent qu'une cure de 4 heures à 75oC complète en majeure partie la réaction de géopolymérisation et que sans cette cure thermique, la vitesse de réaction est extrêmement lente.

D'un autre côté, les résultats avec laitiers ont démontré qu'il était possible d'activer ces matériaux sans l'aide d'un traitement thermique (température ambiante - condition A). Bien que les résistances à jeune âge (i.e. à 3 jours) soient un peu faibles, la résistance tend à augmenter à plus long terme (i.e. à 7 et 28 jours). Ce comportement est très similaire à l'évolution de la résistance en compression des systèmes cimentaires conventionnels dans les premiers 28 jours. Cette tendance n'a toutefois pas été observée pour les échantillons ayant subi un traitement thermique.

Mis à part les résultats concernant l'activation des laitiers à température ambiante (condition A), les conditions d'activation (durée et température) permettent de développer rapidement (i.e. à 3 jours) des résistances en compression très respectables. De plus, un temps de malaxage prolongé permettrait une meilleure cinétique de la réaction, se traduisant par de meilleures résistances en compression. Toutefois, le prolongement du temps de malaxage entraîne une légère diminution de la maniabilité. Il est d'ailleurs important de mentionner que la durée de malaxage n'a pas été évaluée davantage lors de ce

projet et qu'il serait intéressant d'approfondir ce point lors de travaux futurs, sachant que le malaxage peut avoir une incidence non négligeable sur la mise en oeuvre des géopolymères.

5.2.2 Phase 2 - Optimisation sur éprouvettes de béton

L'optimisation des conditions d'activation sur éprouvettes de béton a permis de constater que le comportement sur béton est plutôt différent de celui sur mortier. L'activation de la cendre volante CVB avec une solution de NaOH 8N a engendré des résistances inférieures à 17 MPa sur béton. Pourtant, les travaux réalisés sur mortier ont permis d’obtenir des résistances supérieures à 30 MPa (NaOH 8N). Cette différence de comportement peut vraisemblablement être expliquée par plusieurs facteurs, dont les proportions (%) des constituants du béton (sable, granulat, activateur, matériau source, superplastifiant, etc.). Les propriétés intrinsèques des cendres volantes et des laitiers (composition chimique, phase vitreuse, etc.) sont aussi des facteurs déterminants. Des résultats similaires ont été obtenus pour la cendre volante CVS et le laitier L2, autant sur mortier que sur béton. L'activation de la cendre CVS avec une solution de NaOH 8M a donné des résistances au-delà de 50 MPa sur béton, tandis que sur mortier, les valeurs varient entre 25 et 45 MPa. Concernant le laitier L2, des valeurs supérieures à 40 MPa ont été obtenues sur béton, tandis que sur mortier, les valeurs se situaient autour de 30 MPa.

Les résultats sur béton ont aussi permis de démontrer l'importance de l'humidité lors de la cure des échantillons. Comme il est possible de constater sur la Figure 4.28, une cure sans présence d'humidité (condition B) ne permet pas de développer une résistance supérieure à celle obtenue à la température de la pièce (condition A), c'est-à-dire une résistance de 21,8 MPa comparativement à 21,3 MPa pour la condition A. Toutefois, lorsqu'une source d'humidité est présente, des résistances de 44,8 MPa (C-48) et 49,0 MPa (D-48) ont été obtenues. En effet, une humidité relativement élevée permet la formation d'un gel plus dense et compact, initialement très riche en aluminium et qui tend à se

transformer pour former un gel plus riche en silicium (Kovalchuk et al. 2007). Lorsqu'une source d'humidité est absente, une température de 80oC engendre l'évaporation d'une certaine quantité de la solution alcaline. Le résultat est un gel plus poreux, granuleux, qui possède une composition chimique stable, et qui ne se transforme pas durant le processus pour s’enrichir en silicium. La structure est donc plus faible et la résistance en compression est diminuée.

De plus, les résultats des essais sur béton ont démontré qu'il était possible de réduire la durée de la cure thermique de 48 à 24 heures sans que la résistance à la compression n'en soit trop affectée. Comme il a été présenté sur la Figure 4.29 (laitier L2 - NaOH 8N), des écarts de 1,3% et 6,5% ont été obtenus respectivement pour la résistance à 7 et 28 jours pour la condition C, tandis que pour la condition D, des écarts de 10,8% (7 jours) et 9,4% (28 jours) ont été obtenues. Un écart de résistance de 4,2% à 7 jours et de 10,8% à 28 jours, a été obtenu pour la cendre CVS (NaOH 8N - condition C). Pour la cendre CVB (NaOH 8N - condition C), la résistance équivaut à des écarts de 13,6% et 19,0% à 7 et 28 jours, respectivement. Il s'avère alors qu'une cure de 24 heures soit suffisante pour développer de bonnes résistances en compression.

Les résultats sur béton ont également montré que l'addition de silicate de sodium (Na2SiO3) à la solution de NaOH 8N, selon différents rapports (1,0 à 2,5 en

termes de % de masse), ne permet pas d'augmenter la résistance en compression. En effet, c'est plutôt une réduction de la résistance en compression qui a été observée. Le silicate de sodium semble accélérer la réaction de géopolymérisation, provoquant un durcissement rapide du gel sans que la majorité des particules de cendres volantes ne réagissent. Ces particules agissent donc comme "défauts de fabrication" réduisant du même coup la cohésion de la matrice (Panias et al. 2007). Une augmentation de l'affaissement (maniabilité) a toutefois été observée suite à l'ajout de silicate de sodium. Un affaissement trop élevé peut entraîner un phénomène de ségrégation. Les granulats se retrouvent donc à la base des échantillons, tandis qu'en surface il

n'y a que de la pâte, entraînant une réduction de la résistance. Considérant les résultats obtenus, un ratio Na2SiO3:NaOH 8N intermédiaire (rapport 1 pour 1)

permettrait d'améliorer la maniabilité du mélange, tout en assurant un niveau de résistance adéquat.

5.2.3 Phase 3 - Durabilité des géopolymères face à l'alcali-réaction

Deux essais ont été utilisés pour évaluer la performance des géopolymères face à la RAS. Il s'agit de l'essai d'expansion sur barres de mortier (CSA A23.2-25A modifié) et sur prismes de béton (CSA A23.2-14A modifié). Il faut rappeler que ces essais sont normalement utilisés pour évaluer l’efficacité des systèmes cimentaires conventionnels face à l’alcali-réaction et que certaines modifications doivent être apportées pour adapter ces essais pour l'évaluation des géopolymères.

Les résultats sur barres de mortier (laitiers L1 et L2 seulement) ont montré un comportement bien différent en fonction du potentiel de réactivité du granulat à contrer, tout comme c’est le cas des systèmes cimentaires conventionnels. Effectivement, il n'est pas possible de statuer sur l'efficacité générale des géopolymères suite aux travaux exécutés lors de ce projet. Pour un granulat modérément réactif (Su - 0,276% à 14 jours), les mélanges de géopolymères ont subi une légère expansion à jeune âge (< 3 jours), puis celle-ci est demeurée constante (< 0,10%) pour la période d'essai de 28 jours. Dans le cas d'un granulat calcaire siliceux fortement réactif (Sp - 0,272% à 14 jours), le comportement fut similaire, à l'exception d'une importante prise d'expansion à jeune âge (> 0,40% à 3 jours), suivi d’un plafonnement de l’expansion par la suite jusqu'à 28 jours, l'expansion des géopolymères étant restée supérieure à celle du mélange témoin. Les mélanges de géopolymères en présence d'un granulat extrêmement réactif (Nm - 0,894% à 14 jours) ont montré des résultats très différents. Non seulement les valeurs d'expansion sont nettement inférieures à celles du mélange témoin, mais aucune expansion n'a été observée en début d'essai (< 5 jours). Cependant, un taux d'expansion constant a été observé sur la

période d'essai (i.e. 28 jours) pour atteindre des valeurs de 0,14% et 0,21% pour Nm-L1 et 0,12% et 0,19% pour Nm-L2 à 14 et 28 jours, respectivement.

En plus des résultats démontrant des comportements forts différents d’un granulat réactif à un autre, il est bon de se questionner plus fondamentalement sur la validité/applicabilité de l'essai d'expansion sur barres de mortier (CSA A23.2-25A) comme méthode d'évaluation pour les géopolymères. Lors de cet essai, les barres de mortier sont plongées dans une solution alcaline (NaOH 1N) puis entreposées dans une étuve à 80oC pendant 28 jours. La température, la solution alcaline et la période d'essai représente ici des paramètres qui peuvent influencer les résultats. En effet, une solution de NaOH 8N et une température de 80oC ont été utilisées lors de la synthèse des géopolymères. En immergeant

les barres de mortier dans une solution de NaOH 1N, une certaine compétition se crée pour la disponibilité des alcalis. D'un côté, les géopolymères utilisent ces alcalis (jumelé avec la température de 80oC) pour produire une densification de la matrice et, de l'autre côté, les alcalis tentent de diffuser dans la matrice, à partir de la solution de trempage, pour ensuite attaquer la silice réactive des granulats puis participer à la formation du gel expansif.

Peut-être pourrions-nous associer l’importante expansion observée en début d'essai au développement rapide de la résistance (densification) lorsque les échantillons sont placés en conditions. Les 2-3 premiers jours d'essai équivalent aux conditions d'activation utilisées pour l'optimisation de la résistance des géopolymères. Par la suite, la disponibilité et la diffusion des alcalis à travers la matrice serait donc plus difficile, ce qui expliquerait l'expansion constante enregistrée sur 28 jours. Toutefois, ce n'est pas le cas pour les mélanges avec le granulat Nm. Il n'y a pas d'expansion rapide en début d'essai, mais le taux d'expansion reste constant sur la période d'essai. Il est encore trop tôt pour émettre des hypothèses sur ce phénomène. D'autres essais avec une variété de granulats réactifs devraient être effectués afin de vérifier si ce comportement se produit selon des granulats spécifiques.

Toutefois, les travaux de Fernandez-Jimenez & Puertas (2002) suggèrent que la RAS finit par se produire, mais qu'elle est retardée suite à cette compétition en début d'essai. Une période d'essai de 28 jours ne serait donc pas suffisante pour évaluer l'expansion induite par cette réaction. En prolongeant l'essai pour une durée de 150 jours, les résultats ont confirmé cette observation. Pour tous les mélanges de géopolymères, l'expansion mesurée à 77 et 150 jours est supérieure à la limite de 0,10% et inférieure aux valeurs des mélanges témoins (mesurées à 28 jours), et ce, pour l'ensemble des granulats utilisés. Cette observation laisse croire que la RAS se développe à plus long terme dans le cas des géopolymères. Enfin, il faut porter un regard critique sur ces résultats compte tenu des conditions fortement agressives de l'essai sur barres de mortier, c'est-à-dire de la température et des conditions alcalines idéales à l'activation des géopolymères.

L'essai sur prismes de béton semble plus approprié pour l'évaluation de la performance des géopolymères face à la RAS. Cet essai est plus représentatif du comportement réel des bétons utilisés en chantier. Cependant, les conditions d'essai (i.e. 38oC et 100% H.R.) peuvent influencer la performance des bétons

de géopolymères. En effet, la température et l'humidité relative sont des paramètres importants lors de la synthèse des géopolymères et leur action permet de promouvoir la réaction de géopolymérisation. De cette façon, la qualité de la matrice serait alors améliorée, entraînant une réduction de la porosité et du même coup une diminution de la diffusion des espèces ioniques alcalines vers la silice réactive des granulats. Les résultats obtenus à l'essai d'expansion sur prismes de béton permettent d'observer que les géopolymères sont plus performants que les mélanges de référence dans la première moitié de l'essai, mais que par la suite, le taux d'expansion des géopolymères explose à toutes fins pratiques alors que l’expansion des mélanges de référence a plafonnée. Ces résultats sur bétons de géopolymères pourraient laisser croire que les conditions en début d'essai (i.e. 38oC et 100% H.R.) participent de façon

positive à la réaction de géopolymérisation et qu'une légère prise d'expansion se soit produite avant la 44e semaine. Une fois la matrice formée, les conditions d'essai permettraient à la RAS de se développer. Cependant, il faut reconnaître que le gain d'expansion suivant la 44e semaine est très spectaculaire et que ce comportement reste à tout le moins très surprenant compte-tenu qu’il se produit simultanément pour les trois granulats réactifs étudiés. Avant de conclure sur l’origine de ce gain spectaculaire et inattendu d'expansion, il faudrait reprendre les essais afin de vérifier s'il n'y a pas eu de problèmes logistiques qui auraient pu influencer les données.

Bref, ces observations montrent que la durabilité des géopolymères face à la RAS suscite encore beaucoup de questionnement. Il serait donc envisageable d'étudier avant tout l'influence des différentes conditions d'essais actuelles sur les résultats, avant de procéder à l'interprétation de la performance des géopolymères.

5.2.4 Phase 4 - Microstructure des géopolymères

Les observations au MEB et les analyses chimiques en énergie dispersive (EDS) ont permis de déterminer les principales différences microstructurales entre l'activation alcaline de cendres volantes et de laitiers de haut fourneau. La nature du matériau source est en grande partie responsable des produits formés suite à la réaction de géopolymérisation. L'activation alcaline de cendres volantes produit un gel principalement composé de silice, d'aluminium et de sodium. En revanche, l'activation de laitiers de haut fourneau produit une matrice fortement composée de silice et de calcium. Ces observations sont en accord avec les observations disponibles dans la littérature, comme quoi les cendres volantes produisent un gel d'aluminosilicate (N-A-S-H) (Palomo et al. 1999, Fernandez- Jimenez & Palomo 2005, Criado et al. 2007, Khale & Chaudhary 2007, Duxson et al. 2007) et les laitiers de haut fourneau, un gel similaire aux C-S-H (C-A-S-H) (Song & Jennings 1999, Wang & Scrivener 1995, Richardson et al. 1994).

Il est aussi possible de dire que les produits de réaction dépendent évidemment de la composition chimique du matériau source. Les analyses chimiques (EDS) ont permis d'observer la présence de calcium dans le produit de réaction de l'activation de la cendre CVS, ce qui n'est pas le cas pour la cendre CVB. Cette observation est expliquée par une composition chimique initiale plus riche en calcium pour la cendre CVS (12,1 %CaO) comparativement à la cendre CVB (4,36 %CaO). Dans le cas de l'activation de laitiers de haut fourneau, les analyses chimiques (EDS) ont permis d'observer deux produits de réaction bien différents; un produit à forte teneur en silice (gel d'aluminosilicate) et un produit à forte teneur en calcium et silice (gel de C-S-H).

Les observations au MEB ont aussi permis d'observer des différences microstructurales à la suite de l'addition de silicate de sodium (Na2SiO3) lors de

l'activation des cendres volantes CVS et CVB. Il a été noté que l'activation des cendres volantes à l'aide de silicate de sodium (Na2SiO3 : NaOH 8M = 2,5),

produit une matrice contenant beaucoup de particules sphériques. Ces particules correspondent aux particules de cendres volantes qui n'ont pas réagi lors de la réaction de géopolymérisation. La présence de ces particules est beaucoup plus importante lorsque du silicate de sodium est utilisé, comparativement aux échantillons produits à partir d'une solution de NaOH 8N uniquement. Cette observation laisse croire que l'ajout de silicate de sodium a comme effet d'accélérer la réaction à un point tel que le durcissement du système a lieu avant même que l'attaque alcaline (dissolution du verre des particules sphériques des cendres volantes) soit terminée. Tel qu'il a été souligné dans les travaux de Panias et al. (2007), une présence accrue de ces particules peut agir comme défaut de fabrication, puis entraîner une diminution des résistances mécaniques. Ceci expliquerait donc pourquoi les résistances en compression obtenues avec du silicate de sodium sont inférieures à celles obtenues pour l'activation des cendres volantes avec du NaOH 8M uniquement. Cette explication permet aussi

de comprendre pourquoi une diminution de la résistance en compression est observée lorsque le rapport Na2SiO3:NaOH 8M augmente.