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CHAPITRE 4 : DISCUSSION

4.1 Effet de la distance et de la vitesse du bateau

Les résultats de l’étude montrent que la réponse sédimentaire générée par le passage de bateau en fonction de la distance du passage par rapport à la berge et de sa vitesse ne suit pas une tendance linéaire. L’effet marqué des passages à une vitesse intermédiaire fait en sorte que les réponses sédimentaires montrent une tendance parabolique. Pour les trois vitesses choisies, ce sont les passages à vitesse intermédiaire qui entraînent les évènements de transport dont l’intensité maximale est la plus élevée. Ce sont également ces mêmes passages qui engendrent les valeurs de cisaillement les plus élevées. L’effet de la vitesse intermédiaire sur l’intensité des évènements de transport de sédiments en suspension et sur le cisaillement maximal est accentué lorsque les passages sont réalisés à une distance rapprochée de la berge, soit 5 m et 10 m. La non-linéarité des réponses sédimentaires pourrait être le résultat de l’interaction entre différents facteurs liés aux conditions de passage de bateau. Par exemple, il est possible que l’angle d’inclinaison du bateau et le rapprochement des vagues (wave shoaling) soient deux facteurs qui pourraient jouer un rôle important sur le cisaillement et l’intensité des évènements de transport générés.

4.1.1 Angle d’inclinaison du bateau

L’importance de la vitesse intermédiaire sur les réponses sédimentaires pourrait s’ex- pliquer par l’angle d’inclinaison du bateau qui varie en fonction de sa vitesse de croisière

(figure 4.1). L’angle d’inclinaison de l’embarcation pour les différentes vitesses influence le volume d’eau déplacé par le bateau. Il est également possible qu’il modifie le type de vagues générées.

À la figure 4.1, on observe une différence de l’angle d’inclinaison en fonction de la vitesse du bateau. Une vitesse rapide engendre une position de planage sur l’eau, ce qui réduit le volume d’eau déplacé lors de ces passages. Pour les passages à vitesse lente et intermédiaire, le bateau a une position plus enfoncée dans l’eau, augmentant le volume d’eau déplacé lors des passages. L’interaction entre la vitesse de l’écoulement généré par la vitesse intermédiaire du passage avec l’angle d’inclinaison pourrait augmenter le potentiel de mise en transport des particules pour les passages à vitesse intermédiaire. La vitesse à laquelle ce volume d’eau est déplacé est influencé par la vitesse de croisière du bateau. La combinaison de l’angle d’inclinaison du bateau, modifiant le volume d’eau déplacé, avec la vitesse de croisière du bateau, entraînerait une augmentation des valeurs de cisaillement et donc de l’intensité des évènements de transport.

Le degré d’inclinaison du bateau semble également faire varier les caractéristiques des types de vagues générées. Une position enfoncée dans l’eau, lors des passages à vitesse lente, favorise la dominance des vagues transversales, générées par la poupe du bateau (figure 4.1a). Lorsque le bateau plane lors des passages à vitesse rapide, ce sont plutôt les vagues divergentes qui dominent puisqu’elles sont générées par la proue du bateau. Cette variation dans la dominance des deux types de vagues générées peut s’expliquer par les variations de la longueur de la ligne de flottaison du bateau. La relation entre les caractéristiques des deux types de vagues et la position du bateau par son angle d’incli- naison est exprimée par le nombre de Froude basé sur la ligne de flottaison du bateau

Figure 4.1 – Variation de l’angle d’inclinaison du bateau en fonction de sa vitesse : vitesse lente (a), vitesse moyenne (b), vitesse rapide (c).

(Fl) (Maynord, 2005). La ligne de flottaison du bateau change en fonction de l’angle d’in-

clinaison du bateau. Le nombre de Froude pour chaque combinaison de distance et de vitesse du bateau est donné au tableau 4.I. Lorsque la vitesse du bateau est élevée, Fl

augmente puisque le bateau plane et que la longueur de la ligne de flottaison du bateau diminue. Les vagues transversales ont tendance à s’amenuiser. À vitesse intermédiaire, pour les passages à 5 et 10 m, Fl atteint un point critique (autour de 1) où la dominance

des deux types de vagues s’équilibre et où les vagues générées par les bateaux sont à leur maximum de hauteur (Kofoed-Hansen et al., 1999). Il est possible que la présence des deux types de vagues lors des passages à vitesse intermédiaire, au lieu de la dominance d’un seul type de vagues pour les vitesses lente et rapide, ainsi que l’augmentation de leur hauteur, pourraient accentuer le cisaillement engendré et l’intensité des évènements de transport. Toutefois, il est possible que la position des passagers dans l’embarcation puisse influence l’angle d’inclinaison du bateau. Dans un contexte d’une étude plus ap- prondie, la position des passagers devrait être tenue constante tout au long de l’expérience.

Tableau 4.I – Nombre de Froude pour chaque combinaison de distance du bateau par rapport à la berge et de sa vitesse.

Vitesse du bateau

Distance Profondeur d’eau 5 km/h 15 km/h 25 km/h

5 m 1,87 m 0,32 0,97 1,62

10 m 2,17 m 0,30 0,90 1,50

15 m 3,35 m 0,24 0,73 1,21

4.1.2 Rapprochement des vagues

Les résultats des analyses de variance montrent que l’interaction entre la distance et la vitesse du bateau a un effet significatif sur l’intensité et la durée des évènements de

transport. Le phénomène du rapprochement des vagues (wave shoaling) pourrait expliquer l’importance de cette interaction entre les différentes conditions de passage de bateau. Les caractéristiques des vagues se modifient à mesure qu’elles s’approchent de la berge en raison de l’interaction graduelle entre le lit et l’écoulement orbital des vagues (Masselink et al., 2003). Le ratio entre la hauteur d’eau et la célérité dicte l’utilisation des estima- tions de la zone de profondeur intermédiaire lorsque les vagues arrivent à la hauteur de la sonde ECM la plus au large (ratio entre 0,05 et 0,5). La présence du lit lorsque les vagues arrivent près de la berge influence la structure de l’écoulement et entraîne l’augmentation de la hauteur des vagues, accentuant ainsi l’énergie qu’elles dissipent lorsqu’elles se brisent.

La variabilité de l’intensité des évènements de transport induite par la vitesse du bateau est importante pour les passages à 5 mètres, mais quasi-nulle pour les passages à 15 mètres (figure 3.10). Pour les passages à 5 mètres, la distance entre la génération des vagues par le bateau et la berge est courte, ce qui fait en sorte que les vagues n’ont pas le temps de s’affaiblir avant de frapper la berge. Le mécanisme de rapprochement des vagues accentue l’effet de la vitesse du bateau sur la puissance de l’énergie dissipée lors du bris des vagues sur la berge. L’intensité des évènements de transport dépend donc de la vitesse de l’écoule- ment des vagues, proportionnelle à la vitesse du bateau, ainsi que de l’angle d’inclinaison du bateau, qui modifie le volume d’eau déplacé. La vitesse du bateau joue donc une rôle important sur l’intensité du transport généré et entraîne une variabilité importante dans la réponse sédimentaire résultante. Pour les passages à 15 m, la distance entre la génération des vagues et la berge est grande : les vagues ont donc le temps de s’affaiblir et ne cassent pas avant d’atteindre la berge. Le cisaillement induit par les vagues qui cassent est d’un ordre de grandeur supérieur à celui généré par les vagues qui ne cassent pas (Aagaard et Hughes, 2010), ce qui pourrait expliquer que plus la distance entre la génération des

vagues et la berge est grande, plus le cisaillement induit sur le lit près de la berge est ré- duit. Le mécanisme de rapprochement des vagues n’a pas d’effet sur la puissance des vagues qui atteint la berge puisque celles-ci ne sont pas assez hautes pour se casser lorsqu’elles atteignent la berge. La vitesse du bateau a donc très peu d’influence sur l’intensité du transport. L’angle d’inclinaison du bateau ainsi que le mécanisme de rapprochement des vagues pourraient expliquer la réponse complexe du transport en suspension. Il est aussi possible que d’autres variables interviennent mais nos observations ne permettent pas de les documenter.

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