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Effet direct du plasma séminal sur la transmission du VIH-1

Neutralisation du pH vaginal

L’acidité de l’environnement vaginal constitue une des premières barrières non spécifiques du tractus génital féminin pour se protéger contre les agents pathogènes. Cette barrière est notamment efficace contre l’infection par le VIH-1 puisque le pouvoir infectieux du virus est réduit en condition acide (O’Connor et al., 1995; Ongradi et al., 1990). L’acidité protège également contre la transmission du virus associé aux cellules (Olmsted et al., 2005). Cependant, lors d’un rapport sexuel non protégé, le plasma séminal du fait de son fort pouvoir tampon, est capable de neutraliser rapidement le pH vaginal et ce pendant plusieurs heures (Fox et al., 1973; Tevi-Bénissan et al., 1997; Wolters-Everhardt

et al., 1986). Ce mécanisme permettant la protection des spermatozoïdes fournit donc également

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l’efficacité de capture et de clairance des particules virales par le mucus était diminuée lors de la neutralisation du pH (Lai et al., 2009; Shukair et al., 2013).

Rôle des fibrilles amyloïdes

La présence de fibrilles amyloïdes dans le plasma séminal a été décrite comme un facteur favorisant l’infection par le VIH-1 (Münch et al., 2007; Roan et al., 2011; Usmani et al., 2014). Ces fibrilles amyloïdes sont formées par des fragments protéiques issus de la PAP (on parle alors de SEVI, Semen-derivated Enhancer of Viral Infection) ou des séménogélines 1 et 2. Ces peptides sont composés de nombreux résidus basiques portant des charges positives qui vont favoriser l’infection des cellules cibles en diminuant la répulsion électrostatique entre les membranes virales et cellulaires chargées négativement (French et al., 2014; Olsen et al., 2012; Roan et al., 2009). Ce mécanisme est indépendant du tropisme de la souche virale. L’augmentation de l’infection a été observée sur un certain nombre de type cellulaire dont des lignées reportrices de l’infection (TZM-BL, CEMx-M7), des lignées de cellules épithéliales du tractus génital féminin (Ect1/E6E7 et End1/E6E7) et des cellules primaires dont des PBMC, des macrophages et des lymphocytes T CD4+ (Kim et al., 2010; Micsenyi et al., 2013; Münch et al., 2007; Olsen et al., 2010; Roan and Greene, 2007; Roan et al., 2009). L’effet facilitateur de l’infection induit par le plasma séminal est dépendent du donneur et diminue progressivement au cours de la liquéfaction du sperme qui est associé à la dégradation des fragments de séménogélines (Kim et al., 2010; Roan et al., 2014). Des résultats controversés ont été obtenus in vivo chez le macaque rhésus, mettant en cause la réalité physiologique de ce mécanisme (Münch et al., 2013). Une étude récente montre que l’action des fibrilles amyloïdes dépendrait du contexte anatomique. Au niveau de l’épithélium stratifié, les fibrilles captent et retiennent la plupart des particules virales à la surface de la muqueuse, diminuant ainsi la quantité de virus franchissant la muqueuse alors qu’au niveau de l’épithélium simple, les fibrilles se déstructurent et favorisent la pénétration des particules virales (Allen et al., 2015).

Opsonisation des particules virales

Le plasma séminal contient des molécules du complément qui peuvent être activées par les particules virales VIH-1 (indépendamment du tropisme de la souche) menant au clivage de C3. L’opsonisation des particules virales par les fragments C3a formés va favoriser l’infection des cellules exprimant le récepteur au complément comme les cellules épithéliales, les macrophages, les DC et les lymphocytes T CD4 (Bouhlal et al., 2007).

Le plasma séminal de personnes séropositives contient également des anticorps dirigés contre l’enveloppe virale qui peuvent opsoniser les particules virales libres. La formation de ces complexes favorise la transcytose du virus via l’interaction avec le récepteur Fc néonatal exprimé par les cellules

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épithéliales (Gupta et al., 2013). Ce phénomène est observé même avec des anticorps neutralisants supposés protecteur de l’infection.(Lo Caputo et al., 2003; Söderlund et al., 2004).

b. Effet inhibiteur

Dès 1995, O’Connor et al montrent in vitro un effet protecteur du plasma séminal sur l’infection par le VIH-1 (O’Connor et al., 1995). Plusieurs mécanismes pourraient expliquer cette inhibition.

Toxicité des dérivés réactifs de l’oxygène

Les polyamines présentes dans le plasma séminal, en particulier la spermine et la spermidine, peuvent être oxydées par les amines oxydases présentes dans le plasma séminal ou les sécrétions cervicovaginales. Ceci provoque la production de dérivés réactifs de l’oxygène (reactive oxygen species, ROS) capables d’inactiver les particules virales (Agarwal and Prabakaran, 2005; Klebanoff and Kazazi, 1995; Stief, 2003).

Renforcement de la barrière physique

Des études sur différentes lignées cellulaires du tractus génital féminin ont montré que le plasma séminal augmentait la résistance trans-épitheliale des épithéliums en culture renforçant ainsi leur étanchéité (Gorodeski and Goldfarb, 1998; Lawrence et al., 2012). Cet effet serait dû à la présence d’un lipide de faible poids moléculaire (<10 kDa) capable d’influencer la distribution de la protéine ZO-1 impliquée dans l’établissement des jonctions serrées.

Présence de peptides antimicrobiens

Le plasma séminal contient un certain nombre de peptides antimicrobiens dont la cathélicidine, des défensines ou encore de SLPI qui présentent des activités anti-VIH (cf Tableau 2) (Com et al., 2003; Malm et al., 2000; Moriyama et al., 1998). Martellini et al. (2009) ont identifié jusqu’à cinquante-deux polypeptides cationiques séminaux contribuant à l’activité inhibitrice du plasma séminal. Cette activité inhibitrice est observée même lorsque le plasma séminal est fortement dilué (jusqu’à 1/3 200).

Interférence avec la capture des particules virales par DC-SIGN

Sabatté et al. (2007) ont montré que le plasma séminal est capable d’inhiber spécifiquement la capture et la transmission des particules virales via le DC-SIGN. Cet effet est observé après seulement 30 minutes d’incubation des cellules avec le plasma séminal et cela même lorsque le plasma séminal est fortement dilué (1/100 000). Cette étude a permis de déterminer que l’effet n’était pas dû à la cytotoxicité du plasma séminal mais à la présence d’un facteur de haut poids moléculaire (>100 kDa), résistant à la trypsine et thermostable. Stax et al. (2009) ont confirmé ces résultats et identifié la

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mucine 6 comme un ligand du DC-SIGN capable d’inhiber la capture et la transmission du VIH-1. La clusterine, protéine présente en grande quantité dans la plasma séminal (0,2 à 3,5 mg/mL), a également été désignée comme potentiellement impliquée dans l’inhibition par le plasma séminal de la capture et de la transmission des particules virales via DC-SIGN (Sabatte et al., 2011).

Modulation de l’expression des récepteurs et corécepteurs

Balandya et al. (2010) ont montré que le plasma séminal protège les cellules CD4+ de l’infection par le VIH-1 en diminuant l’expression du récepteur CD4 à la surface de ces cellules. Cette inhibition est corrélée avec le temps d’incubation et la concentration de plasma séminal utilisée. Dans le cas des lymphocytes T CD4, le plasma séminal inhibe également l’activation et la prolifération des cellules. L’incubation avec le plasma séminal s’accompagne toutefois d’une augmentation de l’expression du corécepteur CCR5 rendant la protection du plasma séminal moins efficace contre les souches R5 que X4, ce qui pourrait participer à la sélection des souches R5 lors de la transmission sexuelle. L’augmentation de l’expression de CCR5 suite à une exposition au plasma séminal a également été observée sur des cellules épithéliales du col de l’utérus ce qui pourrait rendre discutable la protection apportée par le plasma séminal via la modulation de l’expression des récepteurs et corécepteurs du VIH-1 (Sales et al., 2014). Cependant, cette dernière étude n’a pas déterminé si le plasma séminal modulait l’infection par le VIH-1.