• Aucun résultat trouvé

Effet de l’adaptation saccadique sur la localisation visuelle

CHAPITRE II : L’adaptation des saccades

2. Caractéristiques générales de l’adaptation saccadique

2.6. Effet de l’adaptation saccadique sur la localisation visuelle

La modification de la commande motrice des saccades induite par l’adaptation saccadique peut aussi altérer notre perception de l’espace visuel. En effet, des effets de l’adaptation sur nos capacités de localisation spatiale ont été étudiés dans deux conditions expérimentales différentes.

2.6.1. Localisation lors de la fixation oculaire:

Dans cette condition, les sujets doivent localiser une cible visuelle flashée tout en maintenant les yeux sur le point de fixation (condition de fixation). Les sujets répondent, soit verbalement, soit en actionnant une souris d’ordinateur ou des bouton-réponses (Awater et al., 2005; Collins et al., 2007; Georg and Lappe, 2009; Gremmler et al., 2014; Zimmermann and Lappe, 2009, 2010).

Dans l’étude de Zimmermann and Lappe (2010), les effets sur la localisation visuelle d’une adaptation induite dans deux sessions différentes ont été mesurés chez 5 sujets. Dans une première session, les sujets devaient localiser des cibles flashées en condition de fixation

oculaire avant et après une adaptation induite par le paradigme classique du double saut de

Mclauglin (1976). Les auteurs ont montré qu’après 1000 essais d’adaptation en diminution

d’amplitude, l’adaptation atteint 73% et les sujets arrivent à localiser précisément les cibles

localisation se développent parallèlement à l’adaptation. Ces erreurs sont de même direction que l’adaptation (surestimation) et atteignent 1.5° (Figure 20B).

Afin de déterminer si ce changement de localisation dépend du taux d’adaptation ou bien de l’erreur visuelle post-saccadique, les sujets ont repassé une autre session 48h plus tard. Cette fois-ci, l’adaptation est induite avec une erreur post-saccadique constante : la cible réapparait systématiquement à 3° de la position d’arrivée de la saccade primaire. Les résultats indiquent que le taux d’adaptation est plus important que celui obtenu par la méthode classique et que des erreurs de localisation dans la direction des changements adaptatifs sont observées aussi bien pour l’adaptation en backward que pour l’adaptation en forward (Figure 20C & D).

D'après les auteurs, cela suggère que l’erreur post–saccadique constante maintenue lors de la phase d’adaptation de la 2e session; mène à des modifications de la représentation spatiale des cibles visuelles. A l’inverse, dans la méthode classique du double saut de cible, ils proposent que la mise en place de l’adaptation en backward est tellement rapide que l’erreur post-saccadique disparait trop rapidement pour produire un effet sur la représentation spatiale de la cible et donc sur la performance de localisation perceptive des sujets. Concernant l’adaptation en forward, cette dernière suit un décours temporel plus lent même lorsqu'elle est induite par la méthode classique, si bien qu’une erreur post-saccadique significative persiste sur un grand nombre d’essais et peut conduire alors à des erreurs de localisation à travers des changements de représentation de la cible. Ce phénomène de mislocalisation a été aussi observé chez les primates, aussi bien après induction par le protocole double saut classique d’une adaptation en

forward que d’adaptation en backward (Gremmler et al., 2014). L’adaptation chez les primates

est beaucoup plus longue à se mettre en place que chez l'homme, exposant ainsi ces premiers beaucoup plus longtemps à l’erreur post-saccadique pendant la phase d’adaptation. Ainsi, cette lenteur d'adaptation chez les primates pourrait conduire à une plus forte modification de la représentation des cibles visuelles (Figure 21).

Figure 20 : Adaptation et localisation de cibles pendant des essais de fixation. L’adaptation induite par le

paradigme classique en backward (trait pointillé) n’induit pas d’erreur de localisation (trait plein, A), mais induit des changements de localisation en condition forward (B). (C&D) L’adaptation induite par la méthode où la cible présente systématiquement une erreur post-saccadique constante (de 3°), s’accompagne d’erreurs de localisation aussi bien pour les conditions backward (C) que forward (D). Les échelles en ordonnées des graphes (A, B) sont différentes de (C, D). Figure extraite et modifiée de (Zimmermann and Lappe, 2010).

Figure 21 : Résultats de localisation chez deux singes (I et II). Changement d’amplitude de la saccade (barres

noires) et de localisation d’un stimulus flashé (barres grises) après adaptation des saccades en diminution d’amplitude (A : à gauche de chaque graphe) et en augmentation d’amplitude (B : à droite de chaque graphe). Figure

2.6.2. Localisation lors de la préparation d’une saccade

Une autre condition dans laquelle l’effet de l’adaptation saccadique sur la localisation a été étudié, consiste à demander aux sujets de localiser un stimulus flashé au cours de la phase de préparation d’une saccade (Awater et al., 2005; Bahcall and Kowler, 1999; Collins et al., 2007; Georg and Lappe, 2009; Zimmermann and Lappe, 2009) ou bien pendant, voire après, l’exécution de la saccade (Georg and Lappe, 2009; Schnier, 2010; Schnier and Lappe, 2012). On parle de condition dite couplée à la saccade.

Dans l’étude de (Bahcall and Kowler, 1999), les auteurs ont défini leurs essais-tests de la manière suivante. Les sujets devaient réaliser des saccades vers des cibles visuelles. Puis, des stimuli étaient flashés à proximité de cette cible juste après l’exécution de la saccade. Il était alors demandé aux sujets de juger si le stimulus flashé était à gauche ou à droite de la cible atteinte. En condition baseline (essai-test seul), les résultats montrent qu'aucune erreur n'était commise par les sujets, c’est à dire que les stimuli flashés après la saccade étaient perçus proche de leurs positions réelles. Ensuite, ces mêmes essais-tests ont été insérés tous les 3 essais d’adaptation en backward ou en forward. Dans cette condition avec adaptation, les sujets (Collins et al., 2007) commettaient des erreurs de localisation dans le sens de l’adaptation. Dans une autre étude(Collins et al., 2007), trois différentes conditions de localisation ont été testées :cible allumée en post-saccade, cible éteinte en post-saccade et condition de fixation oculaire c'est-à-dire inhibition de la saccade. Pendant les conditions cible allumée et cible éteinte, les sujets exécutaient des saccades vers une cible à 12° à droite, et l’adaptation en backward était induite par un saut de 4°. Un stimulus était flashé pendant 100 ms avant l’exécution de la saccade et les sujets devaient localiser ce stimulus avec le pointeur de la souris d’ordinateur. Les auteurs ont montré qu’après adaptation en backward des saccades volontaires, la présence de la cible après le saut intra-saccadique s’accompagne d’une mislocalisation plus importante que lorsque celle-ci est éteinte au cours de la saccade. En revanche, aucun changement de localisation n’a été enregistré pour la condition fixation. Les auteurs ont aussi observé une similitude entre le champ d’adaptation et la distribution spatiale des erreurs de localisation. Pour cette raison, les auteurs suggèrent qu’il existe un lien entre l’espace perceptif mesuré par la localisation et l’espace moteur mesuré par l’adaptation.

Afin d'étudier l’adaptation des saccades réactives en forward, (Schnier, 2010) ont reproduit les trois mêmes conditions décrites dans l'étude précédente (Collins et al., 2007). Dans

ce cas, des erreurs de localisation des cibles flashées sont observées aussi bien en condition de fixation comme l’a montré Zimmermann and Lappe (2010) qu’en condition de saccade.

Dans une autre étude (Schnier and Lappe, 2012), il a été montré que les stimuli flashés sont mislocalisés après adaptation en backward des saccades réactives et des scanning saccades. Cette étude montre également que l’erreur de localisation des stimuli après adaptation dépend aussi de leur mode de présentation. En effet, des stimuli présentés pendant une longue période (cibles stationnaires) entrainent une forte erreur de localisation, et ceci aussi bien après adaptation des scanning saccades que des saccades réactives. En revanche, l’erreur de localisation des stimuli lorsqu’ils sont flashés brièvement, est plus élevée après adaptation des saccades réactives en forward qu’en backward (Figure 22).

En conclusion, les erreurs de localisation dépendent du type de saccade, du type d’adaptation mais également des propriétés de la cible.

Figure 22 : L’adaptation produit des erreurs dans la localisation des stimuli stationnaires (barres hachurées) et stimuli flashés (barre unie) après une adaptation des saccades en diminution (A) et en augmentation (B)