• Aucun résultat trouvé

Effet d’un biochar sur les populations bactériennes des marais filtrants artificiels

filtrants artificiels

Nos travaux ont montré que l’amendement des MFA avec un biochar issu de sapin baumier et d’épinette blanche et noire a eu peu d’effet sur les communautés bactériennes présentes dans les substrats filtrants et dans les eaux traitées (Chapitres 2 et 4). En effet, l’étude de la composition des populations bactériennes des MFA amendés ou non en biochar en utilisant la technique du pyroséquençage 454 (Chapitre 2) et l’étude de la diversité fonctionnelle des communautés bactériennes dans des MFA amendés ou non en biochar et traitant des eaux usées contaminées par des pesticides en utilisant la technique d’analyse des profils métaboliques (Chapitre 4) ont montré que le biochar n’a pas affecté significativement la structure globale des populations bactériennes présentes dans les substrats et les effluents des MFA.

Les principaux groupes bactériens dominants dans les substrats des MFA ainsi que dans leurs effluents étaient les Protéobactéries, les Actinobactéries et les Bacteroidetes et leurs subdivisions (Chapitres 2 et 3). Selon la littérature, ces groupes bactériens sont omniprésents et dominants dans divers écosystèmes (Zhong et al., 2015 ; Ansola et al., 2014 ; Liao et al., 2013 ; Hu et al., 2012 ; Lin et al., 2014). L’abondance relative de ces groupes bactériens dans les MFA a été conservée globalement à la suite de l’ajout de biochar. Cependant, à l’échelle des genres, l’effet du biochar sur l’abondance relative des groupes bactériens présents était plus prononcé. Certains genres ont été stimulés par le biochar tandis que d’autres ont été inhibés.

Selon la littérature, l’effet du biochar dépend du type de biochar, du type de sol et des conditions environnementales (Laghari et al., 2016). Dans le Chapitre 2, les MFA utilisés dans cette étude étaient constitués de deux substrats (gravier, sable) amendés ou non avec un biochar issu de sapin baumier et d’épinette blanche et noire ou ayant un filtre de biochar. Nos résultats ont montré que l’effet du biochar sur la diversité des communautés bactériennes présentes dans les substrats des MFA a été fonction du type de substrat. À titre d’exemple, les indices de diversité Shannon et Simpson ont été significativement

169

affectés par le biochar seulement dans les MFA de gravier et pas dans les MFA constitués de sable. De plus, à l’inverse des MFA de sable où l’abondance relative d’un seul genre (Nostoc) a été affectée par le biochar, plusieurs genres bactériens dans les MFA remplis en gravier ont été soit stimulés ou inhibés par le biochar. Ces résultats suggèrent donc que, similairement aux études effectuées dans le sol, l’effet du biochar sur les communautés microbiennes des substrats des MFA pourrait varier selon les caractéristiques des biochars et des substrats des marais. Toutefois, l’étude des effets de différents types de biochars sur les communautés microbiennes des substrats des MFA est nécessaire pour confirmer cette hypothèse.

Bien que l’amendement des MFA avec du biochar n’a pas induit de changements majeurs dans la structure des populations bactériennes qui y sont présentes, des modifications dans les activités des populations bactériennes des MFA ont été constatées dans les deux études de l’effet du biochar sur l’activité microbienne (Chapitres 2 et 4). L’ajout d’un biochar aux MFA a induit des modifications dans les taux d’expression de gènes clés dans les processus biogéochimiques se déroulant dans les MFA comme les cycles de l’azote et du soufre (Chapitre 2). Les résultats présentés au Chapitre 2 ont montré que l’ajout d’un biochar (15 % v/v) aux substrats des MFA n’a pas eu d’effet significatif sur l’expression des gènes

nirK, nirS et nifH. Par ailleurs, l’expression des gènes nosZ, dsrAB et amoA a été

significativement affectée par le biochar. Pour le gène nosZ qui code pour l’enzyme catalyseur de la réduction de N2O à N2, le biochar a provoqué une hausse significative de

l’expression de ce gène dans tous les MFA étudiés. Selon la littérature, l’expression accrue du gène nosZ après l’ajout de biochar pourrait être expliquée par la stimulation de la N2O

réductase, sensible à l’oxygène, grâce aux microsites anoxiques créés par le biochar dans le substrat (Van Zwieten et al., 2009 ; Jungkunst et al., 2006) ou par le fonctionnement du biochar comme une « navette » d’électrons en facilitant le transfert d’électrons vers les microorganismes dénitrificateurs et par la suite la réduction de N2O en N2 (Cayuela et al.,

2013). Lors des travaux antérieurs effectués par Maggie Bolduc sur les mêmes MFA étudiant l’effet de l’ajout de biochar sur la performance de ces marais à réduire les charges polluantes dans les effluents de culture (données non publiée, Tableau SM2), une réduction de dégagement de N2O à partir de ces marais a été constatée. Par conséquent, cette

170

réduction de N2O dégagé par les marais pourrait être expliquée par la stimulation de

l’expression du gène nosZ favorisant ainsi la dénitrification complète et la réduction de N2O en N2.

En plus du gène nosZ, le taux d’expression du gène dsrAB qui code pour la sulfite réductase dissimulatrice a été significativement stimulé par l’ajout de biochar seulement dans les marais où le biochar a été mélangé au substrat. La réduction dissimulatrice du sulfate est une sorte de respiration anaérobie qui utilise le sulfate comme accepteur final d’électrons. Par conséquent, la création de microsites anoxiques par le biochar pourrait être à l’origine de la hausse d’expression du gène dsrAB.

Contrairement aux gènes nosZ et dsrAB, le taux d’expression du gène amoA qui code pour l’ammonium monooxygénase est significativement inhibé par l’ajout du biochar. Cependant, l’étude de l’effet du biochar sur la performance des MFA à traiter les effluents de serre effectuée par Maggie Bolduc (données non publiées, Tableau SM2) a montré que le biochar n’a pas eu un effet significatif sur l’élimination de l’ammonium. Par conséquent, le maintien de la performance des MFA à réduire l’ammonium dans les effluents de serre malgré l’inhibition de l’expression du gène amoA pourrait être expliqué par l’adsorption de l’ammonium au biochar (Yang et al., 2015 ; Schmalenberger et Fox, 2016) qui a compensé pour la diminution de l’expression de gène amoA. Cet effet pourrait en partie expliquer la diminution des émissions de N2O par les MFA en présence de biochar.

Les résultats obtenus de l’étude de l’effet du biochar sur l’expression des gènes clés dans les MFA mettent en évidence la capacité du biochar à réduire le dégagement de N2O qui

est un gaz à effet de serre à fort impact à partir des MFA, ce qui réduit le coût environnemental de l’utilisation de ces systèmes pour le traitement des eaux usées agricoles.

En plus d’affecter l’expression de plusieurs gènes importants au fonctionnement des MFA (Chapitre 2), le biochar a exercé un effet de protection de l’activité des populations bactériennes des MFA en présence de pesticides (Chapitre 4). En effet, nos résultats présentés au Chapitre 4 ont démontré que la présence de biochar à une concentration de 15 % (v/v) dans les MFA a levé partiellement l’inhibition exercée par les pesticides sur

171

l’élimination des nitrates. De plus, dans les MFA contenant 30 % (v/v) de biochar, aucune diminution du taux d’élimination des nitrates n’a été observée, ce qui suggère que l’élimination des nitrates par les macrophytes et les microorganismes impliqués dans le cycle de l’azote n’ont pas été inhibés par les pesticides en présence de 30 % (v/v) de biochar. L’effet protecteur du biochar sur l’activité des microorganismes des MFA a été constaté également par l’absence d’inhibition de l’AWCD (Average Well Color Development) par les pesticides (Chapitre 4). Ceci reflète donc l’intégrité de la capacité oxydative des microorganismes étudiés, pour les communautés microbiennes des substrats des marais contenant 15 % et 30 % (v/v) de biochar. La réduction de la biodisponibilité des pesticides ou la stimulation de leur dégradation par différents mécanismes pourraient expliquer l’effet du biochar sur les microorganismes des MFA en présence de pesticides (Ahmad et al., 2014 ; Barrow, 2012 ; Cabrera et al., 2011 ; Martin et al., 2012 ; Qiu et al., 2009 ; Zhang et al., 2005).

5.2 Effet du biochar sur la performance des marais filtrants artificiels

à réduire les pesticides dans les effluents de cultures en serre

L’évaluation de l’effet de biochar sur la capacité des MFA à éliminer les pesticides dans les effluents de cultures en serre a indiqué que l’effet du biochar est fonction du type de pesticide testé (Chlorpyrifos, Deltamethrin ou Naled). Le biochar a stimulé l’élimination du Chlorpyrifos, a inhibé la réduction du Deltamethrin et a été sans effet sur le Naled. En se référant à la littérature, très peu d’études jusqu’à maintenant ont évalué l’effet de biochar sur l’élimination des pesticides par les MFA. Cependant, l’effet de biochar sur les pesticides dans le sol a été bien étudié (Khorram et al., 2016). Selon ces études, l’adsorption-désorption (Khorram et al., 2016) est un des mécanismes par lesquels le biochar interagit avec les pesticides. Pour le Deltamethrin, une désorption de petites quantités de l’insecticide après adsorption sur le biochar (Khorram et al., 2015 ; Sopeña et al., 2012 ; Tatarková et al., 2013) pourrait expliquer l’inhibition apparente par le biochar de la réduction de ce pesticide par nos MFA.

La stimulation de la biodégradation des pesticides est également parmi les mécanismes d’interaction du biochar avec les pesticides dans le sol (Khorram et al., 2016). Par conséquent, le biochar, en agissant sur les microorganismes des MFA, peut stimuler la

172

dégradation des pesticides avec le temps. Bien que le biochar n’a pas eu un effet majeur sur la structure des communautés microbiennes des marais (Chapitres 2 et 4), il a affecté certains aspects de l’activité microbienne dans les MFA (Chapitres 2 et 4), ce qui pourrait stimuler la dégradation des pesticides dans les MFA (Chapitre 4). De plus, l’effet protecteur exercé par le biochar sur les microorganismes des marais en présence de pesticides (Chapitre 4) a permis d’améliorer la performance des MFA à réduire non seulement les pesticides, mais aussi d’autres polluants comme les nitrates dans les effluents de cultures. Ces résultats suggèrent donc que l’utilisation des MFA contenant du biochar pour traiter les eaux usées contaminées par les pesticides pourrait être avantageuse. Cependant, l’effet du biochar sur la performance des MFA à réduire ces polluants est fonction des caractéristiques du biochar et des pesticides à traiter. De plus, des études supplémentaires des interactions de différents biochars avec divers types de pesticides seront nécessaires pour comprendre les mécanismes d’action du biochar sur les pesticides et les capacités d’élimination de ces derniers par des MFA amendés avec des biochars ayant des caractéristiques différentes.

Documents relatifs