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E. Boucle de régulation positive de la productio de TNFα par DHA : rôle de RIP1

II. Effet anti-tumoral du DHA

Nous avons montré que l’action anti-proliférative du DHA, impliquant la production

autocrine de TNFα, permettait de limiter la croissance tumorale chez des souris avec un

régime enrichi en DHA. En effet, notre modèle de xénogreffe permettait de discriminer la

production de TNFαd’origine humaine et murine.Nous avons donc montré que l’activation

du TNFα humain provenant des cellules cancéreuses était nécessaire à l’effet cytotoxique

du DHA in vivo. Cependant, nous n’observons pas d’augmentation, voire une tendance à la

diminution, de l’expression de TNFα murin dans les cellules du microenvironnement

tumoral soutenant les observations que DHA réduit l’inflammation systémique. Donc le

DHA entraîne une augmentation de TNFα uniquement dans les cellules cancéreuses

coliques et conserve son pouvoir anti-inflammatoire systémique. Ainsi, le DHA pourrait

favoriser une augmentation locale de TNFα intra-tumorale tout en diminuant le taux

Ceci suggère que l’effet anti-cancéreux du DHA est, au moins en partie, sous le contrôle

d’une action cytotoxique directe sur les cellules cancéreuses coliques. Cependant, le DHA

peut également exercer un effet anti-cancéreux en modulant le microenvironnement

tumoral, notamment l’angiogenèse et le système immunitaire. En effet, des travaux ont

démontré que les AGPI n-γ régulent l’activation des LT et favorisent leur différenciation en

engageant les LT vers un phénotype anti-tumoral [362]. Ainsi, le DHA favorise la

différenciation des LT en Th1 anti-tumoraux [48], inhibe la différenciation des Th17

pro-tumoraux [363, 364] et bloque l’activité des cellules immunosuppressives T-reg impliquées

dans l’échappement des tumeurs à l’immunosurveillance [367]. De plus, le DHA inhibe

l’angiogenèse par différents mécanismes. Il réduit la production d’IL-17 par les Th17, la

production de NO par les macrophages et inhibe NF-κB qui favorise la production du

facteur angiogénique VEGF [124, 383]. Ainsi, un régime enrichi en DHA chez des souris

porteuses de tumeurs coliques, inhibent l’expression de VEGF permettant un ralentissement

de l’angiogenèse [273]. De plus, la production de NO par les cellules endothéliales est

réduite par le DHA et permet de diminuer la pression du liquide interstitiel et d’augmenter

le passage des molécules anti-cancéreuses des vaisseaux vers l’espace interstitiel tumoral

améliorant leur efficacité [388]. Donc on ne peut pas exclure la possibilité que le DHA

puisse agir sur le microenvironemment tumoral, cependant l’utilisation de souris

immunodéficientespermet de s’affranchir de l’action du DHA sur les lymphocytes T.

Le TNFα produit par les cellules cancéreuses coliques sous l’action du DHA peut

également agir sur le microenvironnement tumoral proche par une action paracrine. En

effet, le TNFα est capable d’augmenter la réponse immunitaire anti-tumorale. Par exemple,

le TNFα augmente l’activité des cellules NK aboutissant à la mort de cellules cancéreuses

de moelle osseuse en co-culture [482]. Une autre étude montre que le TNFα active NF-κB

induisant l’expression de la protéine MET indispensable à l’activité cytotoxique des

neutrophiles et donc à leur fonction anti-tumorale. En effet, MET est impliqué dans

l’activation de la NO synthase permettant la production de NO responsable de la mort des

cellules cancéreuses. Ainsi, la délétion du gène met dans les neutrophiles in vivo favorise la

croissance de cellules cancéreuses pulmonaires (LLC) et l’utilisation d’un anticorps

bloquant TNFα, prévient l’induction de MET dans les neutrophiles et l’inhibition de la

croissance tumorale chez des souris porteuses de tumeurs LLC [483]. On sait que l’une des

manières pour les cellules cancéreuses d’échapper au système immunitaire est de ne pas

exprimer à sa surface une molécule présentatrice d’antigène CMH1 et ainsi éviter d’être

reconnues par les cellules du système immnitaire anti-tumorales. Des travaux ont mis en

évidence que la protéine HFE, une protéine inhibitrice de l’absorption du fer, masque le

CMH1 et est surexprimée notamment dans les cellules cancéreuses pulmonaires, reinales et

les mélanomes. Lorsque les cellules cancéreuses sont traitées avec du TNFα, il y a une

diminution de l’expression de HFE. Par conséquent, TNFα est capable d’inhiber

l’expression de HFE, augmentant l’accessibilité du CMH1 par les LT [484].

Le TNFα est également capable d’inhiber l’angiogénèse intra-tumorale en induisant la mort

des cellules endothéliales vasculaires. A court terme, le TNFα augmente la perméabilité des

vaisseaux sanguins intra-tumoraux et permet d’augmenter l’efficacité de perfusion et donc

l’efficacité des chimiothérapies. A long terme, le TNFα détruit le réseau vasculaire

intra-tumoral [212, 213]. Une étude in vivo montre que le TNFα améliore l'activité anti

-tumorale de la doxorubicine en induisant la mort des cellules endothéliales vasculaires

permettant une augmentation de la perméabilité de la paroi endothéliale [214].

Par ailleurs, miR-21 dont l’expression est inhibée par le DHA, joue un rôle important dans

la régulation des cellules du microenvironnment tumoral par les cellules cancéreuses [485].

En effet, miR-21 exprimé par les cellules cancéreuses peut être sécrété dans le

microenvironnement tumoral et agir au sein des cellules du stroma. Une étude montre que

le transfert de miR-21 entre des neuroblastomes et des monocytes se fait par la formation

d’exosomes et que l’utilisation d’un inhibiteur de la formation d’exosomes (GW4869)

augmente la sensibilité des neuroblastomes au cisplatine [486]. De plus, il semblerait que

miR-21 sécrété par les cellules cancéreuses puisse agir comme un ligand des récepteurs

TLR à la surface des cellules immunitaires et ainsi induire la voie NF-κB conduisant à

l’expression et la sécrétion de cytokines inflammatoires favorisant la progression tumorale

[487, 488]. Par conséquent, l’inhibition de miR-21 par DHA pourrait permettre de bloquer

le dialogue entre les cellules cancéreuses coliques et les cellules du microenvironnement

tumoral afin de réduire la progression tumorale.

Par conséquent, en plus d’induire la mort des cellules cancéreuses coliques, l’augmentation

de la production de TNFα et l’inhibition de miR-21 par le DHA pourrait également activer

la réponse immunitaire anti-tumorale, inhiber l’angiogenèse et ainsi augmenter l’efficacité

Nous montrons pour la première fois que le DHA augmente la production d’une cytokine

pro-inflammatoire TNFα pour induire la mort de cellules cancéreuses. La cellule

cancéreuse contourne le programme anti-inflammatoire enclenché par le DHA en régulant

TNFα de manière post-transcriptionnelle par l’inhibition de miR-21.

Perspectives :

 Des études montrent que le DHA est capable d’augmenter l’expression des récepteurs

de mort en régulant des voies de signalisation et des facteurs de transcription et de

réguler leur activité suite à leur incorporation dans les rafts lipidiques [307, 342]. Une

analyse de l’expression et de l’activité des récepteurs au TNFα chez les cellules

cancéreuses coliques traitées en DHA nous permettrait de déterminer si le DHA, en plus

d’augmenter la production de TNFα, peut également augmenter l’expression et

l’activité de ses récepteurs et ainsi augmenter la sensibilité des cellules cancéreuses

coliques au TNFα. Des lignées de cellules cancéreuses coliques sont peu sensibles au

DHA, il serait donc intéressant de déterminer si ces cellules n’expriment pas le

récepteur au TNFα et si le DHA ne déclenche pas l’activation de la voie TNFα dans ces

cellules.

 Nous avons également montré que RIP1 participe à l’activation de l’expression de

TNFα dans les cellules cancéreuses coliques traitées en DHA. Si le TNFα active RIP1

après fixation à son récepteur et que RIP1 est capable d’induire l’expression de TNFα,

alors nous mettons en évidence une boucle de régulation qui permettrait une

amplification de l’effet cytotoxique du TNFα et qui reste à démontrer.

 La régulation de TNFα par DHA est dépendante de l’activation d’AMPK. Nous

pouvons donc envisager d’analyser l’effet d’un autre activateur d’AMPK comme la

metformine, déjà utilisé en traitement du diabète de type 2, et qui a égalemment été

découvert comme possédant des propriétés anti-cancéreuses [489]. Ainsi, nous

pourrions mettre en évidence un nouveau mécanisme impliqué dans l’effet anti-tumoral

de la metformine.

 Nos résultats ont été obtenus uniquement chez des cellules cancéreuses coliques, et

l’impact du TNFα a été analysé uniquement sur ces mêmes cellules. Pour donner encore

plus poids à notre étude, nous devons déterminer si le DHA peut induire la mort de

d’autres lignées de cellules cancéreuses de manière dépendante de TNFα, et d’étendre

l’analyse de l’impact du TNFα aux cellules du microenvironnement tumoral. Notre

modèle de xénogreffes de cellules cancéreuses coliques humaines chez des souris

immunodéficientes peut comporter certains biais. Le TNFα peut agir au niveau des

cellules endothéliales et immunitaires pour influencer la progression tumorale.

Cependant, le TNFα sécrétépar les cellules cancéreuses coliques est d’origine humaine,

donc il est possible qu’il n’agisse pas aussi efficacement sur les cellules du

microenvironnement tumoral de souris et ainsi on perdrait son effet anti-tumoral sur les

cellules endothéliales et immunitaires.

 Des essais cliniques ont montré le rôle anti-tumoral d’une supplémentation en EPA, on

peut alors se demander si l’EPA, comme le DHA, est capable d’induire la mort des

cellules cancéreuses de manière dépendante de TNFα.

Le DHA est une molécule très intéressante pour le traitement des cancers. Il agit à la fois

sur les cellules cancéreuses mais également sur les cellules du microenvironnement tumoral

dont on sait qu’elles sont indispensables à la progression tumorale. Nos travaux montrent

que le DHA induit la mort des cellules cancéreuses coliques en augmentant la production

de TNFα par ces mêmes cellules. Au vu de ces résultats et de ce qui a déjà été montré dans

la littérature, on peut supposer que le DHA, en augmentant la production de TNFα, puisse

également réguler l’angiogenèse, la réponse immunitaire anti-tumorale et la sensibilité des

cellules cancéreuses aux chimiothérapies. Le DHA apparait donc comme une molécule

prometteuse en traitement ou en co-traitement avec d’autres chimiothérapies. D’ailleurs,

des études cliniques sont en cours afin d’étudier l’effet d’une supplementation en DHA en

co-traitement avec une chimiothérapie à base de paclitaxel chez des patients atteints de

cancer de la prostate, du pancréas et colorectal [17].

I. Culture cellulaire et traitements