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Carbénoïdes gem-dizinciques et additifs dans la zinciocyclopropanation

5.3 Effet des additifs et du substituant R de 15 dans la zinciocyclopropa nation

Néanmoins, comme nous l'avons vu au Chapitre 3, la formation du carbénoïde gem-dizincique n'a pas besoin d'être complète pour que la cyclopropanation d'un alcène soit efficace. Selon le principe de Curtin-Hammet, même si le carbénoïde gem-dizincique 15 est minoritaire, il suffit que l'iodocyclopropanation d'un substrat soit plus lente que la zinciocyclopropanation ainsi que de la formation du carbénoïde gem-dizincique (RZn)2CHI 15 à partir du carbénoïde gem-diiodé RZnCHI2 2 pour que le cyclopropylzincique soit le cyclopropane majoritaire. En effet, dans les conditions utilisées pour cyclopropaner le diéther benzylique 25 à l'Entrée 7 du Tableau 7 (section 3.4.1, p. 69), le carbénoïde gem-dizincique 15 ne constitue que 23 % des carbénoïdes présents en solution (Entrée 3, Tableau 5, p. 63). Or, aucun produit d'iodocyclopropanation n'a été observé dans ces conditions et le cyclopropane 27a dérivé du cyclopropylzincique 26 a été isolé avec 88 % de rendement.

Ainsi, les conditions de formation de carbénoïdes présentées à la section précédente peuvent être testées pour la zinciocyclopropanation de l'éther allylique 80 dans l'espoir d'éviter la formation indésirable de l'iodocyclopropane 86b (Tableau 25). Toutefois, nous savons que la zinciocyclopropanation de l'alcool allylique 6 dérivé du 1,4-but-2-ène diol n'a pas lieu dans le THF avec les conditions développées

au Chapitre 2 (Tableau 6, Entrée 13). Nous testerons donc la présence du DME, du THF et de Et2O comme bases de Lewis stœchiométriques plutôt que comme solvants.

Tableau 25. Zinciocyclopropanation de l'éther allylique 80: effet d'additifs et du R de (RZn)2CHI 1. CHI3 (z équiv.) (5 minutes) 2. CH2Cl2, 0 à T.P. Pr OBn 80 Pr OBn 86a Pr OBn 86b I + RZnEt (x équiv.) + Additif (y équiv.) CHI2ZnR CHI(ZnR)2 2 15

Entrée x:z RZnEt Add. (équiv.) Conv. (%)a 86a : 86bb

1 2:1 Et2Zn DME/aucun <5 n.d. 2c 2:2 Et2Zn aucun 70 53 : 47 3 2:2 Et2Zn aucun 83 37 : 63 4d 2:2 Et2Zn aucun 65 35 : 65 5e 2:2 Et 2Zn aucun 44 45 : 55 6 2:2 Et2Zn DME (1.0) 23 96 : 4 7c 2:2 Et 2Zn DME (2.0) 18 >98 : 2 8 2:2 Et2Zn THF (1.0) 57 50 : 50 9 2:2 Et2Zn THF (2.0) 14 71 : 29 10 2:2 Et2Zn Et2O (4.0) 52 91 : 9 11 3:1.5 IZnEt aucunf 77 97 : 3 12 3:1.5 IZnEt ZnI2 (1.5)f 98 >98 : 2 13g 3:1.5 CF 3CO2ZnEt aucun 89 73 : 27

a Conversion de 80 en 86a + 86b déterminée par RMN 1H du produit brut. b

Rapport déterminé par RMN 1H du produit brut. c Le Et

2Zn est ajouté à une

solution de CHI3. d L'éther allylique 80 est rajouté au carbénoïde après 15 minutes

plutôt que 5. e L'éther allylique 80 est rajouté au carbénoïde après 30 minutes plutôt

que 5. f Deux équivalents de Et

2O par équivalent d'atome de zinc sont nécessaires

pour la préparation des réactifs EtZnI et ZnI2. g L'éther allylique 80 est rajouté au

carbénoïde après 10 minutes plutôt que 5.

Dans le cas du diéther allylique 25, un rapport 2:1 de réactif (Et2Zn:CHI3) est désavantageux, mais il produit tout de même 56 % de conversion (Entrée 4, Tableau 7, p. 69). Avec l'éther allylique 80, aucun produit de cyclopropanation n'est

observé, et ce, même lorsque du DME est ajouté (Entrée 1). Avec un rapport équimolaire de réactif, l'ordre d'addition des réactifs pour la préformation du carbénoïde est importante, autant du point de vue du rapport des cyclopropanes formés que du point de vue des conversions. Ainsi, si nous additionnons le Et2Zn à une solution de CHI3, nous obtenons une plus grande proportion de cyclopropane 86a, mais avec une moins bonne conversion que si nous additionnons le CHI3 à une solution de Et2Zn (Entrée 2 vs 3). De plus, nous voyons que, plus le délai entre l'addition de CHI3 et de l'éther allylique est long, plus les conversions diminuent (Entrées 3, 4 et 5). Cette tendance tend à confirmer l'instabilité du carbénoïde (RZn)2CHI 15. Le carbénoïde est partiellement détruit après seulement quelques minutes.

Par ailleurs, au fur et à mesure que nous ajoutons du DME, une base de Lewis bidentate, nous favorisons la formation du cyclopropylzincique par rapport à l'iodocyclopropane (de 37 % à >98 % 86a), mais ce, au détriment des conversions qui chutent de 83 % à 18 % (Entrées 3, 6 et 7). Lorsque 1 équivalent de THF, une base de Lewis monodentate, est utilisé, la conversion et le rapport des cyclopropanes obtenus se situent entre ceux obtenus sans base de Lewis et ceux obtenus avec 1 équivalent de DME (Entrées 8 vs 3 et 6). Avec 2 équivalents de THF, la proportion du cyclopropane 86a (71 %) est plus élevée qu'avec 0 ou 1 équivalent (Entrées 9 vs 8 et 3), mais elle est loin d'égaler celles obtenues avec DME (Entrées 6 et 7). Finalement, avec 4 équivalents de Et2O, une faible base de Lewis monodentate, le cyclopropane 86a est obtenu de façon nettement majoritaire (91 %), quoique avec seulement 52 % de conversion (Entrée 10).

En somme, comme lors de l'utilisation de groupes protecteurs complexants, il semble que les bases de Lewis augmentent le rapport zinciocyclopropanation vs iodocyclopropanation, mais diminuent la conversion de l'alcène en cyclopropane (cf. Tableau 19). Néanmoins, avec l'éther diéthylique, une très bonne amélioration de sélectivité est obtenue en échange d'une diminution de réactivité beaucoup moins importante qu'avec les autres bases de Lewis. Une raison, peut-être simpliste, pour expliquer cette tendance serait que l'encombrement stérique occasionné par la

complexation des bases de Lewis sur les atomes de zinc est beaucoup plus important pour les carbénoïdes gem-dizinciques à cause de la proximité de deux atomes de zinc (Figure 13). I Zn Zn O O R O R O

R = Et, I, CHI2, CHIZnR

126

Figure 13. Encombrement stérique élevé pour un carbénoïde gem-dizincique complexé avec Et2O

Ainsi, la décomplexation (partielle ou totale) d'une des bases de Lewis serait alors plus favorisée que pour les carbénoïdes gem-diiodés, ce qui aurait comme effet d'augmenter le caractère électrophile du carbénoïde et, par conséquent, sa réactivité. Selon cette hypothèse, l'ajout de bases de Lewis diminue effectivement la réactivité du carbénoïde gem-dizincique (RZn)2CHI 15 et encore plus celle du carbénoïde gem- diiodé RZnCHI2 2, d'où les meilleures sélectivités. Dans le cas de Et2O, l'analyse de modèles moléculaires montre que la formation du complexe 126 serait stériquement très défavorisée. Une telle tétracomplexation implique huit pendants éthyliques (plus les deux R des deux atomes de zinc) dans un espace très limité. D'un autre côté, cette baisse globale de réactivité implique que les réactions sont plus lentes, et les carbénoïdes ont alors plus de temps pour décomposer, ce qui expliquerait les plus faibles conversions.

Pour pallier à cette baisse de réactivité, nous avons pensé à utiliser ZnI2 puisque, selon les études théoriques de Phillips, ZnI2 permet d'atteindre un état de transition beaucoup plus bas en énergie (6.3 kcal/mol plus bas). De plus, nous avons pensé que ce catalyseur permettrait la zinciocyclopropanation à une température pour laquelle l'iodocyclopropanation n'a pas lieu. Pour tester cette théorie, nous avons préparé le carbénoïde gem-dizincique (IZn)2CHI 15b à partir de EtZnI en présence de 0.5 équivalent de ZnI2.221 Les réactifs ont alors été refroidis à -78 °C et l'éther

allylique 80 a été ajouté. Cette réaction a été suivie en analysant des aliquots par