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L’architecture générale du modèle ayant maintenant été présentée, nous dévelop- pons dans cette partie le détail de la modélisation permettant de retrouver le stock des cotisants chaque année. Pour ce faire, la spécification du flux entrant de coti- sants est tout d’abord présentée. Nous nous tournons ensuite vers la modélisation des fonctions de survie à l’Ircantec. Le modèle de projection décrit ici repose sur les données administratives de l’Ircantec pour l’ensemble des périodes cotisées et validées pour les cotisants nés au mois d’octobre hors élus locaux. Il est à noter que l’approche flux-stock que nous avons retenue nécessite que l’échantillon des cotisants soit tronqué par la gauche. En effet, dans la mesure où le point de dé- part de la modélisation est le recrutement des travailleurs nouvellement affiliés à l’Ircantec, nous ne pouvons pas tenir compte des cotisants déjà présents avant la première année de la modélisation. Le modèle de projection porte ainsi unique- ment sur les cotisants entrés depuis 1971 à l’Ircantec34. Cette année a été choisie car elle correspond à l’année de création de l’Ircantec. La sélection de l’échantillon revient ainsi à exclure les cotisants ayant cotisé à l’Ipacte et à l’Igrante avant de rejoindre l’Ircantec en 1971. Les biais liés à cette sélection ont été largement dis- cutés dans le premier chapitre (voir p. 21) où il a été montré que les différences entre les deux échantillons, quoique importantes lors des toutes premières années, deviennent très faibles dans les années 1990 et insignifiantes à partir des années 2000.

34. Hors élus locaux.

5.2.1

Premier module : les nouveaux cotisants

Le flux des cotisants entrant à l’Ircantec a connu une croissance importante depuis sa création en 1971, passant de 246 000 à 1 070 000 en 201135, qui traduit la montée en charge progressive qu’a connu le régime complémentaire. De façon similaire à l’évolution du nombre de cotisants, on constate que la progression au sein de la fonction publique territoriale est bien plus importante que celles qu’ont connues les fonctions publiques hospitalière et d’État.

FIGURE5.3 – Flux entrant de cotisants.

LECTURE: Environ un million de cotisants sont entrés à l’Ircantec en 2011, dont 240 000 dans la fonction publique d’État.

NOTES : Flux entrant des cotisants à l’Ircantec pour chaque famille d’employeurs. Pour rappel, les cotisants entrant à nouveau à l’Ircantec après un arrêt de cotisation supérieur à 30 jours sont également comptabilisés dans le flux entrant.

SOURCE: Données de l’Ircantec, échantillon des cotisants nés au mois d’octobre. Calcul des auteurs.

Parmi ces cotisants entrant, la part des nouveaux cotisants, c’est-à-dire ceux n’ayant jamais cotisé auparavant à l’Ircantec, a fortement décru dans les années 1970 avant de se stabiliser entre 40 % et 60 % depuis le début des années 1990. La baisse tendancielle observée durant les premières années ne traduit cependant pas une évolution globale que l’on pourrait imputer au comportement des cotisants mais à un effet d’échantillonnage. En effet, l’échantillon retenu pour la projec-

35. Un salarié ayant arrêté de cotiser pendant une période supérieure à trente jours est considéré comme un nouvel entrant.

Le modèle de projection

tion étant celui des cotisants entrés pour la première fois après 1971 à l’Ircantec, ce taux doit nécessairement connaître une baisse tendancielle le ramenant de un en 1971 à sa valeur tendancielle. Une correction préalable des données visant à capturer cette dynamique non pertinente pour la modélisation a été effectuée. La méthode utilisée est présentée en annexe à la page 174.

La première étape consiste à estimer les recrutements des travailleurs qui seront affiliés à l’Ircantec. Pour ce faire, on reproduit l’évolution de la part de ces re- crutements dans la population active. En effet, en estimant non pas le nombre de cotisants entrant, mais leur proportion dans la population active, la croissance de long terme36 du flux entrant est donnée par la croissance démographique. Cette approche est indispensable à l’exercice de projection et permet d’inclure les hypothèses de croissance démographique (naissances et immigration) de façon exogène. Cette croissance « naturelle » des embauches est ensuite modulée selon les contraintes économiques et institutionnelles pesant sur les employeurs, ainsi que les caractéristiques de l’offre de travail. Les estimations étant effectuées sé- parément pour la fonction publique d’État, la fonction publique hospitalière, la fonction publique territoriale et les trois sous-populations composant la famille Autres, l’environnement économique et institutionnel affecte différemment cha- cune de ces catégories d’employeurs. Cette approche permet, entre autres, de re- produire le développement de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale au détriment de la fonction publique d’État et de la famille Autres que l’on a observé dans le passé.

Formellement, la modélisation du flux entrant des cotisants repose sur la spécifi- cation suivante pour chaque famille d’employeurs :

E0 j,t

P opActivet = a

j+ βjM acrot+ γjP olj,t+ δjOf f rej,t+ j,t ∀j, t (5.1) Où E0

j,t est le nombre de cotisants entrant à l’Ircantec à la date t dans la famille d’employeurs j, P opActivetest la population active en France, M acrotl’ensemble des déterminants macroéconomiques, P olt,j l’ensemble des facteurs politiques et institutionnels et Of f ret,j les déterminants de l’offre de travail. Dans le cadre

36. Le long terme est défini ici lorsque la part des entrants parmi la population active est constante.

des modèles de régression que nous utilisons, nous ferons dorénavant référence à l’ensemble de ces déterminants (macroéconomiques, institutionnels et de l’offre de travail) par le terme de régresseurs.

À l’issue de cette première étape, on dispose d’une prévision du nombre de co- tisants entrant à l’Ircantec chaque année. Cependant, comme nous l’avons vu, il est indispensable pour l’analyse de la durée des cotisations d’identifier les coti- sants qui effectuent des allers-retours à l’Ircantec. En effet, ces derniers restent en moyenne moins longtemps à l’Ircantec que leurs homologues qui entrent pour la première fois. En affinant ainsi l’analyse à des groupes de cotisants avec des com- portements de départ homogènes, on améliore d’autant l’analyse de leurs pro- babilités de rester à l’Ircantec qui sera effectuée dans le module suivant. On ne regrettera que le caractère ex-post de cette méthode qui ne permet de distinguer les individus particulièrement mobiles qu’une fois qu’ils se sont signalés, c’est-à- dire qu’ils effectuent un premier retour à l’Ircantec.

La répartition du flux entrant entre nouveaux cotisants et retours repose une fois de plus sur des facteurs conjoncturels, traduisant l’environnement économique et institutionnel. Elle s’effectue à partir de l’estimation de la part des cotisants n’ayant jamais cotisé à l’Ircantec parmi les travailleurs nouvellement recrutés :

Yt,j = aj+ βjM acrot+ γjP olj,t+ δjOf f rej,t+ j,t ∀j, t (5.2) Où Yt,j est le taux de nouveaux cotisants parmi les cotisants entrés l’année t dans la famille d’employeurs j.

5.2.2

Second module : l’arrêt de cotisation

Le nombre de cotisants entrant à l’Ircantec ayant été calculé à l’aide du premier module, il est maintenant nécessaire de modéliser la durée en emploi de chacun de ces individus. Pour cela, nous cherchons à reconstruire leur fonction de survie, c’est-à-dire la probabilité qu’un cotisant soit toujours à l’Ircantec « x » années après y être entré. Comme nous avions pu le constater lors de l’analyse rétrospective à

Le modèle de projection

la page 53, ces probabilités ont changé au cours du temps : en moyenne, les cotisants restent de moins en moins longtemps à l’Ircantec sans interruption de cotisation. La modélisation veille donc également à capturer cette dynamique en ayant recours à un large ensemble de caractéristiques traduisant les contraintes exogènes qui pèsent sur les employeurs et les cotisants.

FIGURE 5.4 – Probabilité instantanée de rester à l’Ircantec.

NOTES : Probabilités instantanées de rester à l’Ircantec des cotisants par famille et nou- veaux/retours.

SOURCE: Données de l’Ircantec, échantillon des cotisants nés au mois d’octobre et ayant cotisé pour la première fois après 1970. Calcul des auteurs.

Formellement, la modélisation s’appuie sur la probabilité instantanée de rester à l’Ircantec des cotisants (c’est-à-dire un moins le taux de hasard). Le pas d’obser- vation étant annuel, la spécification doit contraindre cette probabilité à être com- prise entre 0 et 1. C’est pourquoi elle est effectuée à partir d’une transformation logarithmique. Elle doit par ailleurs être adaptée au comportement spécifique des cotisants de l’Ircantec et plus particulièrement rendre compatible la présence de carrières stables à l’Ircantec et d’autres beaucoup plus mobiles. Cette dichotomie des carrières est en effet une fois de plus confirmée par l’analyse des probabilités instantanées de survie (figure 5.4) qui restent remarquablement stables et à un niveau élevé après environ cinq années, alors qu’elles connaissent une variabilité importante et des niveaux faibles auparavant. Nous avons ainsi opté pour une estimation par partie autorisant les coefficients estimés à différer en fonction de

l’ancienneté. Les regroupements d’ancienneté ont ainsi été effectués à partir de la comparaison des probabilités moyennes et de leur variance pour chaque ancien- neté. Finalement, les groupes retenus sont les suivants : 1, 2, 3, 4, 5, de 6 à 9, de 10 à 16 et de 17 à 41 ans. Il peut être montré que les résultats ne sont pas sensibles à des changements marginaux de ces regroupements. L’estimation des probabilités instantanées repose ainsi sur la spécification suivante :

logit(PN,t,j,r) = aN,j,r+ βN,j,r M acrot+ γN,j,r P olj,t+ δN,j,r Of f rej,t+ N,j,r,t (5.3) Avec PN,t,j,r la probabilité instantanée de rester à l’Ircantec l’année t avec une an- cienneté (n) appartenant au regroupement N dans la famille j pour les cotisants r(nouveaux cotisants ou retours).