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La LSF – les langues des signes en général – peut être éditée sur trois types de supports : la vignette (dessin ou photo), la vidéo et la synthèse d’image.

Vignette dessin ou photo

Le support sous forme de dessin est incontestablement le meilleur lorsqu’il s’agit de proposer des dictionnaires ou des méthodes d’apprentissage sous le format papier. En effet, par rapport à la photo, le dessin permet d’aller à l’essentiel du signe et permet sur une même vignette la superposition d’éléments temporels qu’il faut distinguer sur plusieurs vignettes

21 Le but ici étant de montrer la notation, nous commettons cet abus de langage « superposé » pour imager le fait que l’affixe est utilisé sur l’ensemble du geste, du début de sa réalisation jusqu’à la fin. Cette notion sera clairement développée par la suite, avec la terminologie qui convient.

dans le cas de l’utilisation de la photo. Cependant, la lourdeur de sa réalisation est une des causes principales de la pauvreté des dictionnaires en termes de nombre d’entrées. Par ailleurs, en dehors de la production de dictionnaires et de bandes dessinées (Domas, 2001-a, 2001-b ; Domas & Soupolai, 2004 ; Lapalu, 1998 ; Lapalu et al., 2002 ; entre autres), il est difficile d’imaginer la production de tout un texte par ce mode-là.

Cependant la photo – l’arrêt sur image d’une vidéo – se révèle être un bon support pour la mise en évidence de configurations et de postures particulières lors d’exercices de reproduction graphique (dessin, infographie pour le cinéma d’animation ou pour la création d’un lexique pour un avatar) ou pour l’illustration d’une démonstration scientifique22.

Vidéo

La vidéo souffre également de la lourdeur de sa production mais dans le contexte actuel du développement des outils multimédia, c’est un support qui trouve bien sa place. A titre d’exemple, la mise en ligne d’une information bilingue sur un site Internet demande une méthodologie que Websourd (Websourd.org, 2007) a su mettre en œuvre puis développer très finement dans la version II de son site. L’initiative date de 2004 et quelques pages sont restées longtemps en construction. Cependant la version II offre un ensemble complet et cohérent. La masse d’informations traitée peut paraître limitée mais elle ne cesse de s’accroître et représente une quantité de travail importante. En effet, la mise en place et le suivi d’un protocole d’édition des informations en mode bilingue (texte consultable sous forme de français écrit et sous forme de vidéo en LSF) est extrêmement coûteuse. Il est difficilement concevable d’imaginer la production, pour chaque nouvelle information traitée quotidiennement par la presse, de son équivalent en LSF sur un canal vidéo.

Par ailleurs, le support seul ne peut rendre les effets de sommaires, d’encarts, de lecture non linéaire qu’offre un journal. Du côté de la télévision, il reste encore beaucoup de progrès à faire. Pour l’heure le sous-titrage – qui s’adresse à un public de personnes malentendantes ou devenues sourdes sur le tard et qui sont familières du français et de l’utilisation de son écriture – est loin d’être disponible régulièrement. La récente mise au point du sous-titrage de tous les journaux télévisés de TF1 en temps quasi23 réel fait figure d’exception dans le paysage audio-visuel français et pour la LSF, la présence du médaillon avec l’interprète n’est réservée qu’à de trop rares émissions sur quelques chaînes exclusivement publiques. De plus,

22 Voir, à titre d’exemple notre poster, pour la conférence Aflico 2007 (Kervajan & Voisin, 2007).

23 3 à 5 secondes de décalage au plus.

il faudrait pouvoir ne le faire apparaître que sur commande, comme l’actuel télétexte afin qu’il ne soit pas imposé aux téléspectateurs entendants désireux de garder l’intégralité de l’image.

Avatars

Par rapport à la lisibilité vidéo ou papier, les avantages d’un avatar 3D sont flagrants pour l’apprentissage, la visualisation d’un geste. En effet, alors qu’un dessin est figé et qu’une séquence vidéo n’est généralement prise que sur un seul plan (de face), un avatar est manipulable de telle sorte que la séquence est observable sous tous les angles, avec la possibilité de faire des zooms.

Une fois une base de données gestuelle constituée pour un avatar, il est facilement imaginable d’associer les gestes entre eux pour créer des signes puis des phrases, moyennant la modélisation de règles d’agencement et de coarticulation. C’est ainsi que l’idée de l’utilisation de l’avatar pour l’aide à la compréhension de textes en français, ou de production d’information, trouve sa justification.

Pour l’étude linguistique, l’avatar pourrait se révéler être un outil précieux puisqu’il permet d’observer les gestes au ralenti ou image par image avec une netteté que n’offre pas la vidéo.

Il permet de faire des tests de compréhension sur des gestes déformés par amplification, réduction ou substitution soit pour dégager des frontières (à l’image des travaux qui ont pu être menés dans le cadre de la perception catégorielle des phonèmes des langues vocales), soit pour mettre en lumière l’impact de l’environnement sur la production des unités de sens et leur compréhension. Différents tests pourraient être élaborés : pour un geste donné, supprimer progressivement les parties du corps perçues comme non porteuses d’élément linguistique jusqu’à une perte ou une modification du sens perçu ; au cours d’un énoncé, pour chaque geste, ne faire apparaître que les parties du corps utilisées pour réaliser le geste et observer l’impact sur la compréhension de l’énoncé ; etc.

Enfin, du point de vue esthétique, l’avatar peut changer d’aspect ou d’environnement graphique pour être plus ludique ou plus adapté à une démarche sociale ou commerciale.

Conclusion

L’objectif de cette première partie était d’appréhender le contexte dans lequel un travail sur la LSF peut se mettre en place : les ressources, peu nombreuses, classent la LSF comme une langue peu dotée, dont les données restent à décrire de manière exhaustive (lexique, règles grammaticales). De plus, si des moyens de transcription existent, aucun n’a trouvé suffisamment d’écho pour être vulgarisé comme système d’écriture. Cependant, les progrès technologiques aidant, la LSF trouve le moyen de son expression et de sa diffusion grâce à la vidéo dont les formats évoluent de telle sorte qu’ils sont de moins en moins lourds – et donc de plus en plus accessibles – par rapport aux capacités des technologies en permettant la transmission. La piste la plus prometteuse est celle des signeurs virtuels dont le développement, grâce à des interfaces adaptées, doit permettre à terme de pallier le défaut d’écriture.

2 LSF : Éléments de grammaire descriptive

Les ressources descriptives et analytiques scientifiques permettent d’aller au-delà des intuitions données par les tutoriels et ressources que nous avons évoqués dans la partie précédente. Leur principal atout est le souci de rigueur mais leur défaut est d’être, à ce jour encore, en nombre très limité et sur des objets d’études très pointus. En effet, s’il existe de plus en plus de travaux décrivant certaines spécificités de la LSF, il n’existe aucun ouvrage de grammaire descriptive comme c’est le cas pour la Langue des Signes Québécoise ((Dubuisson et al., 1999), (Dubuisson et al., 2000)), ou pour la Langue des Signes Britannique (Sutton-Spence & Woll, 1999) ou encore la grammaire de Nève (1996) pour la Langue des Signes Belge. Cependant, en regroupant un certain nombre de propositions et descriptions faites pour la LSF mais aussi pour d’autres langues des signes, nous pouvons dresser un état de l’art intéressant à partir duquel il est possible de consolider nos propres intuitions et notre approche, puis de formaliser des données en vue de leur traitement automatique.