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Le mot «écologie» provient des termes grecs   οἶκος/oï- kos et λόγος/logos, qui signifient respectivement “habitat” et “discours”. Il s’agit donc de la “science de l’habitat”, qui s’attache à l’étude des relations entre les habitants d’un milieu et ce dernier. Ici, nous nous intéresserons plus particulièrement à une écologie du paysage, c’est à dire à une analyse de leurs variations (d’échelle et de géographie). Ce sont les paysages Tokyoïtes qui vont être l’objet de la recherche, dans l’objectif de distinguer quelle est l’écologie d’un pratiquant de skateboard dans cette ville.

En premier lieu, il est important de disposer de quelques informations génériques sur la ville de Tôkyô. Au niveau météorologique, la ville vit sous un climat subtropical humide, caractérisé par des hivers doux, et des étés particulièrement chauds et humides. Au niveau des précipitations, la ville doit faire face à deux saisons des pluies, de juin à juillet et de septembre à octobre. La capitale subit également régulièrement plusieurs types de désastres naturels : des typhons, qui frappent la ville particulièrement en août et des tremblements de terre d’intensités variables, qui peuvent survenir à tout moment. Ces informations sont à prendre en compte dans la pratique du skateboard, la rendant compliquée à certaines périodes de l’année (l’été par exemple) et plus facile à d’autres (l’hiver, l’automne ou le printemps). Les précipitations relativement importantes amènent la recherche de lieux abrités, et la composition avec ces éléments.

Au niveau du relief, Tôkyô dispose de nombreuses collines, principalement à l’ouest de la ville, ainsi qu’au nord.

Dans un second temps, il convient de distinguer les différents milieux tokyoïtes et les paysages qui les caractérisent. Ces milieux se trouvent dans ou autour d’un espace fortement anthropisé, celui de l’aire urbaine la plus peuplée au monde. Il est possible d’engager le postulat que 3 milieux différents composent la ville de Tokyo : le bleu, le vert et le gris.

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année un peu plus la superficie aquatique, augmentant celle du Japon. Ces espaces sont fortement urbanisés, ils accueillent des quartiers résidentiels, comme de l’activité commerciale et industrielle. Les polders sont construits sur des montagnes de déchêts, entassés depuis le fond de la baie et entourés de murs de béton. Pour les voies d’eau, on distingue les canaux de Shitamachi des autres fleuves et rivières de la capitale. Ils sont les vestiges de la ville basse de Tôkyô, toujours présents même si nombre d’entre eux ont disparus. Les constructions récentes dans la baie créent également de nouveaux canaux, qui donnent une idée de ce que pouvait être la Shitamachi de l’époque d’Edo. Les autres voies d’eau parsemant la ville sont souvent cachées, comblées ou recouvertes par des routes. Les grandes rivières comme la Sumida, la Tama ou la rivière Edo, sont peu aménagées, mises en retrait de l’espace urbain.

En bref, à Tôkyô, les voies d’eau urbaines sont marginalisées. Elles le sont par l’urbanisme mais également par la pollution, qui est un grave problème auquel doivent faire face la municipalité et ses habitants. Tous ces milieux aquatiques sont souillés par des rejets d’usines, et ce depuis l’industrialisation massive de l’après guerre. D’après Augustin Berque : “Délaissés par les transports (désormais convertis à la voie de terre), défigurés par les voies ferrées, les routes et autoroutes qui les longent, les surplombent ou carrément les remplacent, ravagés par les nuisances de tous ordres, réduits à l’état de cloaques pestilentiels, la plupart des cours d’eau de Tôkyô devinrent dans les années soixante de tels objets d’horreur que la ville leur tourna littéralement le dos.”1

1 Berque Augustin, Tokyo : Une société devant ses rivières, Revue de géographie de Lyon, Vol. n° 65, n°4, 1990, p.255 à 260

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89 La situation a depuis été améliorée, cependant, elle est tou- jours dramatique : les constructions sur le littoral ne se sont pas arrêtées, les quais à conteners fleurissent, l’aéroport d’Haneda est sorti des eaux au Sud de la ville... Les plages n’existent plus et les tokyoïtes oublient qu’ils vivent au bord de la mer. Il y a beaucoup de tra- vail pour parvenir à filtrer les eaux et à les dépolluer pour redonner aux habitants le droit de profiter de cet espace littoral, comme de leurs rivières.

Le milieu vert correspond à tous les espaces verts de Tôkyô, des collines de la Yamanote aux montagnes protégeant la capitale, en passant par les rizières de la plaine du Kantô. La ville, si elle a l’image d’une métropole bétonnée à outrance, n’en reste pas moins piquetée d’espaces verts aménagés. On retrouve les grands parcs du palais imperial, de Yoyogi, de Shinjuku... Se situant principalement à l’Ouest et au Nord de la ville (Yamanote) ils en sont de véritables poumons verts. Outre ces espaces célèbres, on retrouve nombre de “pockets parks”, disséminés dans l’espace urbain, qui sont de petits parcs minuscules de quelques dizaines de m2 seulement. Ils accueillent les riverains en cas de désastre, tout en fournissant un lieu participant à la sociabilité du quartier. Etant donné que la ville de Tôkyô s’est considérablement étendue au fil des ans, elle a atteint les montagnes d’Okutama qui la bordent à l’Ouest. Ainsi, la région métropolitaine dispose de deux parcs nationaux et est donc connectée à la nature sauvage directement par le train. Par ailleurs, les paysages du Nord et de l’Est de la ville, vers les préfectures de Chiba, Saitama et Ibaraki, déploient le vert des rizières sur de nombreux kilomètres carrés.

Le milieu gris correspond au réseau tentaculaire d’autoroutes et d’infrastructures ferroviaires qui s’étendent sur et sous la ville. Durant la grande frénésie constructive précédant les Jeux Olympiques de 1964, les autoroutes aériennes se sont superposées au réseau pré- existant, ainsi qu’aux voies d’eau. L’objectif était de montrer au monde la puissance économique du Japon tout en facilitant le traffic des automobiles toujours plus nombreuses dans la ville. Aujourd’hui, elles occupent le ciel de Tôkyô, sur de multiples niveaux, cachant la lumière du soleil mais créant de nouveaux espaces sous leurs immenses structures de béton.

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la différence des autres milieux, celui des transports est exclusivement issu des humains, qui l’ont élaboré et construit. C’est donc un milieu dont ils sont les maîtres et sur lequel ils ont tous pouvoirs. C’est un milieu surveillé et contrôlé, dans lequel l’appropriation, l’escapisme, le repli et l’usage alternatif sont quasiment impossibles, même si des failles existent.

L’écologie de la pratique du skateboard s’exprime à travers ces trois milieux en même temps. Le skateur va, dans ses parcours dans la ville, alterner entre ces milieux différents, à travers son usage de l’espace urbain. On remarque que ces milieux sont tous créateurs d’interstices et de marges. Les espaces verts offrent en ville des espaces libres, où la pratique est tolérée par l’absence de riverains et de surveillance constante, ce qui autorise un usage différent par les skateurs. C’est cette même recherche de la dissimulation qui attire les pratiquants au bord des voies d’eau, et dans les espaces industriels de la baie. Par leur situation à la négation de l’urbain, ils permettent un usage alternatif. Enfin, les structures de transports aériennes génèrent des espaces, qui, malgré une très faible aménité, offrent des possibilités de pratique pour les skateurs qui s’approprient les dessous de ces infrastructures immenses, alors abrités des intempéries et de la surveillance, celle-ci étant dirigée plutôt vers le niveau supérieur de la ville. Les skateurs usent donc de ces milieux particuliers pour leur usage spécifique, mais également pour une utilisation classique des espaces générés dans la ville : ils prennent les transports, visitent les parcs, et se promènent le long des rivières. Ils ont donc deux niveaux de pratique de ces lieux.Par ailleurs, l’écologie du skateboard à Tôkyô se localise également dans un entre-trois plus large, qui est l’espace qui ne correspond à aucun de ces trois milieux. Il est l’espace majori- taire de la ville, le plus pratiqué et le lieu de résidence des citoyens.

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91 C’est dans cet espace partagé avec les autres habitants et qui se construit entre les 3 milieux cités plus haut que s’exprime majoritairement l’appropriation de la ville par les skateurs. Ils parcourent là un espace qui n’est pas celui des marges, mais au contraire celui du quotidien, il est donc le plus difficile à pratiquer. C’est le lieu de la constante vigilance, des conflits avec la sécurité, des actions interlopes et des stratagèmes ou tactiques mis en place par les skateurs. Ainsi, la pratique du parcours en skateboard à Tôkyô est fortement influencée par la géographie de la ville et par les différents milieux qui la composent. L’écologie personnelle du skateur se construit donc dans l’acceptation de ces milieux, ou dans leur négation, tout comme elle se développe dans l’espace entre ces milieux. Elle est exclusive à cette ville et influe donc sur la manière dont les skateurs la pratiquent.

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