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11. Entretien d’expert-e

11.2 Echantillonnage

Maintenant que j’ai parlé de la position de l’entretien d’expert-e dans mon design de recherche, il importe d’expliquer comment j’ai sélectionné mon échantillon d’expert-e-s. En effet, une fois l’entretien d’expert-e sélectionné comme étant l’une des deux méthodes d’investigation utilisées dans ce travail, il me faut à présent me demander qui je vais interroger. Avant toute chose, s’agissant d’un échantillon d’expert-e-s, il me faut d’abord définir quelles personnes peuvent être considérées comme étant des « expert-e-s » pour mon sujet d’étude.

11.2.1 Définition des expert-e-s

Dans le cadre de ce travail, je m’intéresse à des personnes qui sont expertes du champ politique, et plus particulièrement expertes des discours ayant eu lieu autour des deux initiatives populaires concernant l’emprise étrangère et l’immigration de masse. Il s’agit de personnes faisant elles-mêmes partie du champ d’action auquel je m’intéresse dans mon étude (Meuser et Nagel, 1991), donc de politicien-ne-s ayant personnellement vécu l’une ou l’autre (ou idéalement les deux) initiatives. Plus précisément, je m’intéresse à des politicien-ne-s élu-e-s lors de l’une ou l’autre de ces initiatives au niveau national (Conseil des Etats ou Conseil National), ou, le cas échéant, au niveau cantonal (Grand Conseil ou Conseil d’Etat). Les politicien-ne-s élu-e-s au niveau communal n’ont pas été pris-e-s en compte car, selon moi, le niveau communal représente un échelon trop différent du niveau national, où les arguments et considérations sont parfois très spécifiques à une situation particulière, ce qui m’intéresse moins dans ce travail.

11.2.2 Technique d’échantillonnage

Après avoir défini les personnes que je pouvais considérer comme étant des expert-e-s pour le sujet d’étude qui m’intéresse, il a fallu sélectionner plus précisément l’échantillon d’expert-e-s que j’allais interroger. Pour avoir une idée générale des personnes constituant la population mère dans laquelle j’allais sélectionner mon échantillon, j’ai commencé par faire une liste des personnes impliquées en politique, au niveau national, lors des deux initiatives. Afin d’établir cette liste, j’ai consulté le site du parlement suisse, et plus précisément la liste des conseillères nationales et des conseillers nationaux

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ainsi que des conseiller-ère-s aux Etats depuis 1848 (Parlement Suisse, n.d.a ; n.d.b) J’ai ensuite regardé quel-le-s politicien-ne-s étaient élu-e-s lors des périodes qui m’intéressaient.

J’ai ensuite affiné cette sélection en consultant les prises de positions au sujet de ces deux initiatives au Conseil National et au Conseil des Etats10. De plus, pour prendre en compte les politicien-ne-s qui étaient impliqué-e-s dans la mise à l’agenda politique de ces initiatives, mais qui n’apparaissaient pas forcément dans ces prises de position, j’ai complété ces listes par une consultation des membres des deux comités d’initiative (Publications des départements et des offices de la confédération, 2011 : 5845- 5846). Cela n’a malheureusement pas donné de résultat pour l’initiative Schwarzenbach, étant donné que le comité ayant déposé l’initiative à l’époque était anonyme. Enfin, j’ai encore complété cette sélection en regardant quel-le-s politicien-ne-s apparaissaient dans mes autres sources (décrites au point 14.3).

Une fois cette liste générale des politicien-ne-s en main, j’ai voulu construire un échantillon par choix raisonné (Dépelteau 2010), c’est-à-dire en sélectionnant des politicien-ne-s qui se distinguaient des autres selon certaines caractéristiques, et faisaient sens pour mon étude. Ces caractéristiques étaient notamment : d’avoir pris position (au CN, CE, ou lors de débats, interviews télévisés) lors de l’une ou l’autre initiative ; ou d’être membre d’un des comités d’initiatives ; ou d’apparaître à plusieurs reprises dans le matériel empirique ; ou d’être président-e de parti/groupe parlementaire ; ou encore d’avoir vécu les deux initiatives. De plus, en sélectionnant l’échantillon, je voulais aussi respecter une certaine diversité au niveau de l’affiliation partisane et du canton.

La prise de contact devait ensuite se faire par e-mail. Cependant, je me suis vite rendu compte qu’il était compliqué, concernant l’initiative Schwarzenbach, de retrouver des politiciens11 ayant été élus il y a près de cinquante ans, et de savoir s’ils étaient encore en bonne santé/en vie. Deuxièmement, même concernant l’initiative contre l’immigration de masse, la prise de contact avec des personnes œuvrant au niveau national sans aide extérieure était très difficile, et j’ai eu des réponses négatives à mes demandes d’entretien.

Finalement, devant la difficulté d’accès au terrain, j’ai changé de technique d’échantillonnage. J’ai décidé de procéder avec la technique de l’échantillon par « boule de neige ». Cette technique est en effet adaptée lorsque l’on travaille « sur des phénomènes dont l'accès s'avère difficile » (Dépelteau, 2010 : 228). Ici, il faut procéder de la manière suivante :

10 D’après les noms des participant-e-s aux débats politiques au Conseil National et au Conseil des Etats lors de ces deux initiatives (Archives fédérales suisses, n.d.a, n.d.b ; Services du parlement, n.d.)

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Il s'agit de constituer l'échantillon en demandant à quelques informateurs de départ de fournir des noms d'individus pouvant faire partie de l'échantillon. (…) On pourra quémander à ces nouvelles personnes de contacter à leur tour d'autres personnes (…) qui peuvent participer à l'étude. On procédera de la sorte jusqu'à ce qu'on juge que l'échantillon est complet (Ibid. : 227).

Ainsi, l’idée a été de contacter un politicien que je connaissais et qui avait été membre du Grand Conseil du canton de Neuchâtel durant l’initiative Schwarzenbach. Ce politicien m’a accordé un premier entretien d’expert, et m’a mise en contact avec d’autres politicien-ne-s, par cet effet « boule-de-neige ». Il faut ajouter que si la technique utilisée a pour finir été l’échantillon « boule-boule-de-neige », j’ai tout de même veillé à respecter une certaine diversité au niveau des affiliations partisanes, de l’échelon politique et du canton (même si au final il y a une grande majorité de politicien-ne-s de Romandie). J’ai aussi tenté d’interviewer des personnes ayant vécu les deux initiatives, afin d’avoir une vision comparative et de saisir l’évolution du sujet dans le temps (en accord avec ma sous-question de recherche 4).

11.2.3 Description de l’échantillon

L’échantillon est constitué de sept politicien-ne-s (6 hommes et 1 femme), qui ont été élu-e-s au niveau national ou cantonal lors de l’une, l’autre ou les deux initiatives. Il y a une majorité d’hommes dans cet échantillon, ce qui est surtout dû au fait que les femmes n’avaient pas encore le droit de vote et de représentation politique durant l’initiative Schwarzenbach. De ces politicien-ne-s, trois ont vécu les deux initiatives.12 Le tableau qui suit présente une vision d’ensemble de mon échantillon. Il y est inscrit l’année de naissance des interviewé-e-s, ainsi que des informations concernant leur affiliation partisane, l’échelon politique (cantonal ou national) et le canton qu’ils/elles représentaient lors des deux initiatives. Il faut ajouter que tous les prénoms sont des prénoms d’emprunt.

Présentation du/de la politicien-ne

Seconde initiative sur l’emprise étrangère (1970)

Initiative sur l’immigration de masse (2014) Prénom D’emprunt Année de naissance Affiliation partisane

Echelon Canton Affiliation partisane Echelon Canton Manuela 1973 --- --- --- Parti Socialiste Conseil National VD Hugo 1969 --- --- --- Parti Libéral

Radical Conseil National GE Ray 1967 --- --- --- Union Démocratique du Centre/ Indépendant Conseil National NE

12 Je ne compte pas les politicien-ne-s qui ont vécu l’initiative Schwarzenbach durant la petite enfance et n’en gardent aucun souvenir

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Walter 1965 --- --- --- Parti Libéral Radical Grand Conseil VD Martin 1957 --- Début de l’intérêt politique --- --- Parti Socialiste Conseil National NE Georges 1946 Parti Socialiste Grand Conseil NE Union Démocratique du Centre Conseil National BE Jean 1932 Parti Libéral (futur PLR) Conseil d’Etat NE --- --- ---

Fig. 1 : présentation des politicien-ne-s

Il me faut relever que je ne suis pas parvenue à interroger de politicien œuvrant à l’échelon national durant l’initiative Schwarzenbach. Cela est dû au fait que la plupart sont décédés ou dans des maisons de retraite/soins. J’ai contacté le seul conseiller national d’époque n’étant pas dans cette situation, mais il se trouvait malheureusement à New-York, et il a été impossible d’effectuer un entretien. Il faut ajouter que même si la majorité des politicien-ne-s représentent un canton romand, certain-e-s parlent aussi l’Allemand ; de plus, je prends en compte les discours de politicien-ne-s de cantons alémaniques et tessinois dans l’analyse de mes autres sources.