• Aucun résultat trouvé

T ABLEAU 6 – E NTREVUES

4.6 ECA ET L ' ADOPTION AU B RÉSIL

Au Brésil, le Statut de l'enfant et de l'adolescent réglemente depuis les années 1990 l'adoption et tout ce qui sřy rapporte. Les changements produits par ce nouveau code ont été exhaustivement analysés par les anthropologues brésiliens. Fonseca affirme que la réponse

70 Selon le reportage publié dans le lien suivant : http://oglobo.globo.com/pais/mais-da-metade-das- clinicas-de-reproducao-esta-irregular-5694664#ixzz22jRFnQJ8

108

sociale à la nouvelle législation peut être vue comme un indice de la manière particulière dont plusieurs personnes voient dans lřapprobation des lois la solution aux problèmes comme la pauvreté et l'inégalité sociale. De cette manière, en garantissant le droit à la vie, à la santé, à l'éducation, à la culture, au loisir, à la liberté et à la vie de famille, entre autres, cette loi devrait changer le destin des enfants brésiliens (Fonseca 2004a).

LřECA marque le passage des enfants au statut de sujets de droit. Ce changement marque la transition d'une politique de contrôle des enfants à une politique qui vise à les protéger, voire à garantir leurs droits. Malgré la croyance qui voudrait que cette avancée soit une initiative avant-gardiste brésilienne, elle est plutôt le résultat de la convergence des mouvements sociaux nationaux, de la promulgation du nouveau Code civil, en plus dřêtre un écho aux débats internationaux sur les droits des enfants, telle la Convention des droits des enfants des Nations Unies (1989).

Malgré son appréciation de cette initiative brésilienne, Fonseca est penchée sur les limites de lřadéquation de cette loi à la réalité brésilienne et sur la spécificité de l'enfance comme sujet d'une loi (Fonseca, 2004a). En analysant les documents internationaux écrits à partir du début du XXe siècle, l'auteure nous montre que la volonté d'aider les enfants dans le besoin a toujours été présente. Cependant, la désignation dřun responsable devant garantir le soin des enfants a pris du temps. Le fait que lřÉtat soit aujourd'hui responsable de la protection des enfants, résulte de dynamiques non linéaires et dřintenses débats confrontant différentes philosophies.

En questionnant comment les principes universalistes du langage des droits se sont traduits au niveau local, Fonseca trace les limites de l'ECA. Notamment l'absence de cette pratique de circulation des enfants connue au Brésil comme « filhos de criação71 » dans la description des familles de substitution. Cela montre, selon l'auteure, une résistance des juristes brésiliens aux pratiques autres que l'adoption plénière.

Les modifications apportées à lřECA en 2009 comportent dřimportants changements. Entre autres, elle vise la diminution du nombre dřenfants en institution, grâce à une réévaluation de la situation de l'enfant tous les 6 mois. Basée sur ces évaluations et les plans de

71 Le terme peut être traduit comme « enfants d‟élevage ». C'est la pratique par laquelle on élève l'enfant de

109

réintégration familiale, la loi prévoit aussi de pouvoir intervenir dans les cas de destitution du pouvoir familial avec plus de précision et dřefficacité. Dans ces cas, la décision doit obligatoirement être prise dans les 120 jours. Cette limite des 120 jours inquiète ceux qui pensent quřune décision sur un sujet aussi délicat doit être très prudente et mérite réflexion. Par contre, cette contrainte de temps limité définit ces cas comme une priorité absolue dans le système judiciaire. Les plus favorables à cette limite de temps essaient de nous convaincre que ce n'était pas la prise de décision qui causait la lenteur de ces processus, mais la liste d'attente.

Lřefficacité semble être une préoccupation très répandue dans la réécriture de 2009. La création du Cadastre National d'Adoption (CNA) souligne le souci de réintégration familiale des enfants et adolescents en placement institutionnel. Avec l'aide du CNA, on peut connaître le nombre d'enfants disponibles dans chaque district judiciaire ainsi que le nombre de candidats à l'adoption. Les chiffres publiés sur le site du Conseil National de Justice (CNJ), montrent qu'il y a un nombre ridiculement plus élevé de candidats que d'enfants disponibles à l'adoption. On attribue cet écart, à une discordance entre les caractéristiques des enfants disponibles et les désirs des adoptants, reliés en particulier à des critères dřâge, de race, de problèmes de fratrie.

Malgré la spécificité du CNA, la situation accablante que les statistiques décrivent était déjà connue des spécialistes et des intervenants. Ces données permettraient de gérer plus efficacement les priorités de placement en famille de substitution quand cela est jugé nécessaire. En outre, ces données encouragent lřorganisation de campagnes de sensibilisation visant à changer ce qui est souvent appelé la « culture d'adoption » brésilienne. LřECA est une loi qui a eu pour but de changer le destin des enfants brésiliens. Presque deux décennies après son approbation la nouvelle écriture de la loi vise à se donner les moyens dřatteindre ce but. Avec l'aide du CNA, on a non seulement un portrait de l'adoption au Brésil, mais surtout on réalise ce quřil faut changer pour que l'adoption puisse fonctionner comme alternative à lřaccueil institutionnel. Curieusement, dans un pays qui se vante de diversité, la différence reste un obstacle important dans les pratiques et dynamiques familiales.

Pour les personnes adoptées, la réécriture garantit la préservation des dossiers et la possibilité de les consulter après lřâge de 18 ans.

110

« Art 48. L'adopté a le droit de connaître son origine biologique, et de recevoir un accès illimité au processus dans lequel la mesure a été appliquée après avoir complété 18 (dix-huit) ans.

Paragraphe unique.

L'accès à la procédure d'adoption peut également être accordé à l'enfant adopté de moins de 18 (dix-huit) ans, à leur demande, fourni des conseils et une assistance juridique et psychologique » (ECA, 2010).

Il s'agit d'une grande conquête pour les adoptés qui désirent entreprendre une recherche des origines. Pourtant, une fois de plus, la loi brésilienne méconnaît la réalité locale. Je fais référence ici à cette pratique dřadoption irrégulière connue comme « adoption à la brésilienne ». Cette pratique consiste à élever et à enregistrer l'enfant de quelqu'un d'autre comme le sien. Cette procédure efface complètement l'existence d'autres parents. Grâce à un plus grand nombre de naissances en milieu hospitalier, cette pratique a beaucoup diminué dans les dernières décennies. Cependant, les personnes adoptées irrégulièrement ont beaucoup de difficultés à faire valoir leurs droits. En choisissant de ne pas évoquer ces cas, la loi brésilienne néglige une grande partie des adoptés et considère donc les enfants de « l'adoption à la brésilienne » comme des « non adoptés ».

Reconnaître les droits des « adoptés à la brésilienne » est un défi juridique, puisque cette pratique est irrégulière. Toutefois, l'histoire et les modifications du droit nous prouvent que la loi est un artefact culturel. Ainsi la loi doit-elle s'ajuster aux besoins sociaux et culturels de la société en question. La loi compte sur le contrôle des naissances pour limiter et graduellement éliminer cette pratique. Néanmoins, les adoptés « à la brésilienne » des décennies précédentes sont aujourdřhui discriminés envers le droit à leurs origines. L'emphase sur lřirrégularité de ce type dřadoption et l'acte criminel (fausseté idéologique) sont des facteurs supplémentaires qui sřajoutent aux difficultés que rencontrent déjà ces adoptés. En dépit du fait que ce type d'adoption était irrégulière, ces personnes ont besoin aujourdřhui, pour avoir les mêmes droits que les autres, d'être tout d'abord reconnues comme des adoptés.

111