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1.1 Cisplatine et médicaments anticancéreux

1.1.4 Effets secondaires du cisplatine

Le cisplatine n’a aucune spécificité particulière pour les cellules cancéreuses. Celles-ci sont plus rapidement détruites simplement parce qu’elles se répliquent très rapidement, à l’instar des cellules des follicules pileux, ce qui explique le développement d’alopécies chez certains patients. Bien que potentiellement traumatisant, la perte de poils et de cheveux est un phénomène réversible. Le médicament est susceptible de provoquer des dégâts de natures diverses au niveau d’organes sains, induisant l’apparition d’effets secondaires pouvant être plus handicapants et plus sévères que l’alopécie.

2. Les intégrines sont des protéines situées à la surface extérieure de la cellule, appelées récepteurs d’adhésion cellulaires. Leur rôle est notamment de connecter les cellules aux composants de l’environnement extracellulaire [64]

A) Neurotoxicité

Des symptômes de neurotoxicité peuvent être observés sur 65% des patients, 3 mois après l’achèvement d’une chimiothérapie, contre 11% immédiatement après. Les différents symptômes observés sont de l’engourdissement, des picotements et autres troubles du sens du toucher (pa- résthésie), mais également une réduction des réflexes tendineux et une faiblesse au niveau des jambes [65].

Les mécanismes d’induction de neurotoxicité par le cisplatine ne sont pas entièrement connus, mais il semblerait que le cisplatine agisse sur les neurones exposés, au niveau des ganglions de la racine dorsale, notamment en perturbant l’homéostasie intracellulaire du calcium. Combi- ner le cisplatine avec du GSH permettrait d’inhiber les diverses neuropathies sans altérer la cytotoxicité [65].

B) Ototoxicité

Une perte bilatérale et irréversible de l’audition des hautes fréquences ( >3000 Hz) a pu être observée sur 31% des patients, pour une dose de cisplatine de 50 mg m−2. L’ototoxicité est imputée à la formation de ROS et l’inhibition du GSH au niveau des cellules cochléaires. L’uti- lisation d’amifostine, représentée sur la figure 14 [65], en complément du cisplatine permettrait de limiter son ototoxicité, notamment en désactivant les métabolites du cisplatine ainsi que les ROS [65, 66]. P O O H O H S H N NH2

Figure 14 – Structure moléculaire de l’amifostine

C) Cardiotoxicité

Une bradycardie3 peut être observée 30 minutes à 2 heures après le début du traitement [65,67].

En outre, des cas de myocardite4, cardiomyopathie5 et d’insuffisance cardiaque congestive6 ont 3. Rythme cardiaque trop bas par rapport à la normale

4. Atteinte inflammatoire du myocarde 5. Dysfonctionnement du myocarde

pu être observés [63,67]. Ces divers symptômes sont imputés à l’altération des cellules des fibres musculaires cardiaques par les ROS dégagés par le cisplatine. Cette toxicité peut être inhibée par la L-carnitine (voir Figure 15), mais le cisplatine est reconnu pour altérer le métabolisme de cette molécule [67]. Administrer de la propyonyle-L-carnitine en complément du cisplatine

N

OH

OH O

Figure 15 – Structure moléculaire de la L-carnitine

pourrait limiter la cardiotoxicité [67].

D) Gastrotoxicité

Le cisplatine induit des symptômes de gastrotoxicité pour plus de 90% des patients. Ces symp- tômes sont de l’ordre de l’émétogénèse : nausées et vomissements, et d’autres perturbations gastriques comme des diarrhées [65].

Le chlorure de fer est connu pour être un catalyseur de la production de ROS, mais également pour augmenter l’émétogénèse induite par le cisplatine. La desferrioxamine, un chélateur du fer, aurait l’effet inverse, ce qui suggère que l’émétogénèse serait en partie induite par les ROS [68].

E) Néphrotoxicité

La néphrotoxicité est sans doute l’effet secondaire le plus important du cisplatine. La dégéné- rescence rénale provoquée par le cisplatine peut aboutir à une insuffisance rénale irréversible, en particulier pour les doses les plus élevées [65].

Les reins participent activement à l’élimination du cisplatine, par filtration glomérulaire et sé- crétion tubulaire (voir Figure 16), ce qui peut expliquer la forte concentration du cisplatine dans les cellules épithéliales du tubule proximal (de l’ordre du facteur 5 par rapport aux autres cellules) [63]. Les dégâts provoqués par le cisplatine sur ces cellules inhibent les fonction de sécrétion et de réabsorption tubulaire, notamment celle de la L-carnitine (figure 15), impliquée dans la protection des cellules du myocarde contre les ROS induits par le cisplatine (voir le paragraphe sur la cardiotoxicité). L’inhibition de la réabsorption de la L-carnitine provoque

une baisse de sa biodisponibilité, et induit donc un facteur de risque cardiovasculaire. (A) (B) (C) (D) SANG Filtration glomérulaire Réabsorption tubulaire Sécrétion tubulaire

Vers l’anse de Henlé : élaboration de l’urine

Figure 16 – Schéma de l’interface sang/rein au niveau du tubule proximal d’un néphron (l’unité structurale et fonctionnelle du rein). La réabsorption permet de récupérer des éléments du filtrat, afin de les recycler, en quelque sorte. La sécrétion permet d’affiner la filtration, en ajoutant dans le

filtrat des molécules insuffisamment filtrées par le glomérule. (A) : Glomérule ; (B) : Lumière du tubule ; (C) : Cellules épithéliales ; (D) : Capillaires péritubulaires. D’après Physiology of Urine

Formation [69].

Le mécanisme complet de la néphrotoxicité n’est pas complètement élucidé, mais il existe des méthodes efficaces pour minimiser ces symptômes :

- Hydratation adéquate avant, pendant et après le traitement, avec prise de diurétique en supplément.

- Allongement de la durée du traitement.

- Utilisation d’une solution salée [NaCl] à 3% pour le traitement.

- Utilisation de compléments néphroprotecteurs : amifostine, sélénium, silibinine... [65]

F) Autres effets secondaires notoires

La liste des effets secondaires du cisplatine est longue, et nous ne la détaillerons pas complè- tement. Nous verrons ici une dernière sélection d’effets secondaires, avant de nous intéresser aux alternatives au cisplatine, conçues entre autres pour limiter cette nocivité potentiellement traumatisante, handicapante, voire fatale.

En plus des effets secondaires décrits précédemment, le cisplatine est connu pour causer des al- lergies respiratoires (asthme, dyspnée...), gastrointestinales (crampes abdominales, diarrhées...) et cutanées (urticaire, érythèmes faciaux...) [65].

losuppresseur [63], un traitement par cisplatine induit un risque de 28% de développer une leucémie secondaire pour les doses les plus hautes [65].

Le cisplatine est aussi particulièrement nuisible à la reproduction. Les hautes doses peuvent provoquer une atteinte permanente à la fertilité des patients. De par sa capacité à traverser le placenta, le cisplatine possède des effets tératogènes et embryotoxiques justifiant sa contre- indication pour le traitement des femmes enceintes [65].

Enfin, le cisplatine présente également une hépatotoxicité, par la nécrose et la dégénérescence des cellules hépatiques [63]. Toutefois, la force des doses nécessaires font qu’en général, le cis- platine ainsi que ses dérivés ne sont généralement pas considérés comme hépatotoxiques [65].