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2.5 Inspirations et contraintes

2.5.2 Dynamiques

L’hétérogénéité dans les trois déclinaisons principales proposées précédemment exige le développement d’une méthodologie d’analyse permettant de détecter et d’extraire une information aux différentes échelles caractéristiques. La photolumi-nescence est une sonde de la structure de bande électronique des matériaux qui permet une caractérisation structurale à l’échelle du cristal (présence de niveaux de défauts, processus de recombinaison) :

1. elle permet une étude morphologique par l’observation de contrastes d’intensité entre domaines, parfois indiscernables par d’autres techniques. Ces contrastes mettent en évidence l’hétérogénéité de topologie ;

2. sans être une méthode de caractérisation directe de composés, la signature spectrale peut mener à une analyse chimique du matériau par déconvolution à partir de spectres de composés de référence [Matteini 2009] ;

Figure 2.33 – Hétérogénéité spatiale observée dans le résidu no317 en bronze découvert sur le site de Bibracte (France) et datant de 80–50 avant J.-C. a, Photographie du résidu no317. b, Image en microscopie optique en champ clair de la zone identifiée par une étoile rouge sur a. Barre d’échelle : 100 μm. c–d, Agrandissement de deux zones du résidu. c, Agrandissement d’une zone de la matrice scorifiée composée de grains de taille variable. d, Agrandissement d’une zone de structure eutectique. Barres d’échelle : 20 μm.

Matériaux anciens Caractéristiques d’analyse Hétérogénéité de topologie Hétérogénéité d’abondance Hétérogénéité de composition Dynamique spatiale Dynamique de sensibilité de détection Dynamique spectrale en excitation et en émission

Figure 2.34 – Représentation graphique du lien entre les spécifi-cités des matériaux anciens et les caractéristiques principales de la technique d’analyse. Les spécificités des matériaux anciens impactent directement les dynamiques de la technique de caractérisation.

3. l’intensité de photoluminescence n’est pas directement proportionnelle à la concentration des composés chimiques, mais dépend de la technique (gamme de sensibilité de détection, optimisation des gammes d’excitation et d’émis-sion) et du rendement quantique des composés. Une calibration de la technique peut cependant permettre une caractérisation de la variation d’intensité d’un même composé. Nous pouvons ainsi obtenir une information sur l’abondance relative d’un composé sur la surface de l’échantillon.

La caractérisation par photoluminescence est donc une méthode complémentaire à d’autres techniques, adaptée à la détection de la typologie d’hétérogénéité des matériaux de l’archéologie et du patrimoine culturel du corpus.

Un objectif de ce travail de thèse a été d’optimiser l’imagerie de photolumi-nescence à l’aune des spécificités des matériaux listés ci-dessus. Le dispositif expé-rimental doit permettre d’accéder à une dynamique spectrale, une dynamique de sensibilité de détection et une dynamique spatiale adaptées aux échelles d’hétérogé-néités évoquées ci-dessus [Thoury 2011b] (figure2.34).

• Dynamique spatiale. Rapport entre les dimensions x, y et z sondées (∆x, ∆y et ∆z) et les résolutions spatiales latérale et axiale (δx, δy et δz). Nous in-troduisons dans ce travail une définition de la dynamique spatiale que nous proposons d’évaluer par log10

q

∆x∆y∆z

δxδyδz . Dans ce travail, nous nous limite-rons aux dimensions x et y, puisque l’analyse est essentiellement surfacique dans nos matériaux sous excitation UVC : log10

q

∆x∆y

δxδy . La dynamique spa-tiale permet une analyse statistique des fluctuations locales de l’émission de photoluminescence. La taille du champ de vue ∆x et ∆y est déterminée par le mode d’acquisition de l’image. Une détection plein champ couplée à un balayage de l’échantillon (section1.3) permet d’atteindre un champ de vue le plus large possible [Wyant 1998]. La résolution spatiale δx et δy sera quant à elle déterminée par l’ouverture numérique de l’objectif, inversement

pro-∆x∆y (champ de vue) δxδy (résolution spatiale)

PL

λ

Figure 2.35 – Représentation schématique de la dynamique spa-tiale pour l’étude d’un matériau hétérogène. Le spectre bleu foncé correspond au signal moyenné sur la zone bleue foncé. Les spectres à macro-ou méso-échelle sont une somme des contributions de chaque phase lumi-nescente et le signal est complexe à interpréter. A micro-échelle, le spectre de chaque luminophore peut être collecté individuellement (spectres poin-tillés).

portionnelle à la résolution optique, et par la taille des pixels du détecteur selon le critère de Shannon-Nyquiest (section1.3.2.1). Alors qu’une analyse à macro-échelle donne une réponse spectrale moyennée sur la taille du champ de vue, la résolution spatiale permet de décorréler les réponses de photolumi-nescence des différents luminophores (figure 2.35) Par exemple, une analyse en microscopie de photoluminescence plein champ d’une couche picturale de pigments de blanc de zinc, dispersés dans de l’huile de lin a démontré le po-tentiel d’un dispositif à haute résolution spatiale sur un large champ de vue

[Thoury 2011b]. On observe l’émission de grains de ZnO adjacents, de

dia-mètre 580 nm sur un champ de vue de 107×150 μm2 limité par le détecteur. Le champ de vue permet d’imager simultanément quelques centaines de grains pour caractériser la représentativité des propriétés de photoluminescence. • Dynamique spectrale. Rapport entre la gamme spectrale accessible et la

ré-solution spectrale. Comme pour la dynamique spatiale, nous pourrons l’esti-mer par log10∆λδλ, avec ∆λ la gamme spectrale accessible et δλ la résolution spectrale. Une accordabilité de la longueur d’onde en excitation (source ac-cordable et système de sélection spectrale) et en émission, ainsi qu’un contrôle de la monochromaticité sont un apport essentiel pour segmenter les lumino-phores d’excitation et d’émission de photoluminescence distinctes (section1.3)

[Comelli 2008]. La résolution spectrale δλ sera déterminée par le degré de

PL

λ δλem

Δλem

Figure 2.36 – Schéma représentant l’accordabilité spectrale en émission pour l’étude d’un matériau hétérogène. En reprenant le spectre schématisé figure2.35, l’accordabilité spectrale en émission permet de sélectionner les émissions de chaque luminophore, pour les identifier individuellement. Lorsque δλem augmente, la résolution spectrale est dé-gradée mais le flux détecté est amélioré. La plage spectrale d’émission est ∆λ.

monochromaticité est au prix de la diminution du flux de l’excitation. Le corollaire en détection est valable. Pour augmenter la gamme spectrale cessible ∆λ en excitation et en émission, il faut : (i) utiliser une source ac-cordable continûment sur une large gamme spectrale et ayant un flux adapté aux rendements quantiques des espèces luminescentes ; (ii) utiliser une détec-tion ayant une sensibilité spectrale supérieure à 30–50% sur une large gamme [Heffelfinger 1997] (figure2.36). Dans l’exemple précédent des couches de pein-tures de pigments de ZnO dispersés dans l’huile de lin, la longueur d’onde d’excitation est optimisée dans l’UVC (260 nm) avec une monochromaticité de ∼0,1 nm (source synchrotron accordable) pour imager la luminescence des pigments de ZnO en minimisant la contribution du liant. En émission cepen-dant, la dynamique spectrale est volontairement faible par l’utilisation d’une détection multi-spectrale (δλ élevé) pour maximiser le flux détecté. En détec-tion, la dynamique spectrale sera principalement exploitée en spectroscopie. • Dynamique de sensibilité de détection. Comme précédemment, nous pourrons

la quantifier par log10∆IδI, où ∆I est la gamme de détection accessible et δI la plus petite différence d’intensité détectée. δI est principalement liée à l’échantillonnage de détection tandis que ∆I est conditionnée par la dyna-mique de détection du capteur et la transmission de la chaîne de détection. Pour atteindre une grande dynamique de sensibilité de détection, plusieurs paramètres instrumentaux peuvent être optimisés : (i) la transmission de la chaîne optique, (ii) les temps de collection, adaptés aux rendements quan-tiques des composés, et (iii) l’accordabilité du flux, adaptée aux composés à haut et à faible rendement quantique (figure2.37). Les paramètres du capteur, et notamment la capacité des photosites (section 1.3.3), sont déterminants dans l’évaluation de la dynamique de sensibilité de détection. La dynamique de codage sur laquelle sera affichée l’intensité détectée sera contrainte par la

DYNAMIQUE D’ANALYSE

Dynamique spectrale

PARAMETRES INSTRUMENTAUX

Δx, Δy (champ de vue) δx, δy (taille de pixel et ON)

Δλexc, Δλem (gamme spectrale)

δλexc, δλem (résolution spectrale)

Dynamique spatiale Dynamique de sensibilité de détection ΔI (Q.E.(λ), T(λ), Capacité des photosites) δI (profondeur d'échantillonnage)

Figure 2.37 – Tableau résumant les liens entre les dynamiques d’analyse et les paramètres instrumentaux. F.O.V. : champ de vue. O.N. : ouverture numérique de l’objectif. ∆λ : intervalle spectrale d’ac-cordabilité d’excitation (noté exc) ou d’émission (noté em). δλ : résolution spectrale d’excitation (noté exc) ou d’émission (noté em). Q.E.(λ) : réponse spectrale du détecteur. T(λ) : transmission de la chaîne optique.

charge électronique maximale que les photosites peuvent contenir avant d’at-teindre la saturation. La dynamique de détection du capteur seul peut être définie par ∼ logCapacit´e des photositesBruit . Elle est ensuite codée sur 2nbits (8 ou 16 bits pour les capteurs les plus courants), correspondant à la profondeur d’échantillonnage de l’intensité collectée par les photosites. En pratique, la profondeur d’échantillonnage est le nombre de niveaux de gris sur lesquels l’in-tensité est échantillonnée lors de l’affichage d’une image (δI). Dans l’exemple précédent, les images de photoluminescence des pigments de ZnO sont affi-chées sur 16 bits (65536 niveaux de gris) avec une transmission optimisée à partir de 400 nm.

Pour obtenir les dynamiques d’analyse adaptées aux échantillons, les paramètres instrumentaux listés figure2.37doivent être optimisés. Des compromis doivent être effectués. Par exemple, l’acquisition d’un champ de vue millimétrique à haute résolu-tion spatiale par balayage est faite au détriment du temps de collecrésolu-tion des données.