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2.5 Inspirations et contraintes

2.5.3 Caractère unique

Les échantillons étudiés dans le cadre de ce travail sont en nombre limité voire uniques. Leur hétérogénéité intrinsèque et leur altération leur confèrent un carac-tère unique et non-reproductible qui minimise les modifications physico-chimiques des composés. Les produits d’origine et les transformations subies par le matériau étant souvent méconnus, la production d’échantillons modèles de référence est dif-ficile à mettre en œuvre. Même si tel était le cas, l’évolution thermodynamique et

cinétique sur des temps longs est complexe et une reproduction est rarement possible

[Bertrand 2013b, Bertrand 2012a]. Le développement méthodologique doit prendre

en compte la complexité à se référer à des échantillons modèles.

Il est également important que la préparation d’échantillons uniques soit la moins invasive possible. C’est pourquoi la caractérisation de l’autofluorescence des com-posés a été privilégiée tout au long de ce travail. Comme nous l’avons évoqué à la section2.2, les marqueurs sont utilisés depuis une vingtaine d’années dans certains travaux portant sur les matériaux anciens pour identifier des composés organiques tels que les liants, vernis ou colles dans des coupes stratigraphiques de peinture

[Sandu 2012,Magrini 2013]. L’intérêt de ne pas recourir au marquage chimique des

composés est multiple : (i) la composition chimique de l’échantillon n’est pas modi-fiée par une ou plusieurs molécules externes, (ii) elle pourra être étudiée par d’autres techniques complémentaires, (iii) les propriétés intrinsèques du composé sont étu-diées.

L’impact de l’analyse sous faisceau doit être minimal pour ne pas modifier les gammes d’émission de photoluminescence que l’on étudie. Un compromis doit être fait entre un flux du faisceau suffisamment intense pour obtenir un signal pouvant être détecté mais en dessous du seuil inconnu a priori susceptible de provoquer un photoblanchiment13. Les sources intenses (laser, source à électrons, source à rayons X14, source ionique15, UV) peuvent provoquer une altération du matériau par dégât d’irradiation. L’interaction entre la source et le matériau peut modifier la structure atomique ou moléculaire. Il est cependant difficile de quantifier et caractériser les dommages causés par l’irradiation ayant abouti à une modification physico-chimique à l’échelle atomique et moléculaire [Bertrand 2014]. La photo-dégradation est fré-quente lors de l’étude de matériaux organiques. Cependant, les semi-conducteurs sont plus stables sous excitation UV, et les semi-conducteurs d’oxydes de zinc et cuivreux sont rapportés dans la littérature comme résistants au photoblanchiment [Sudhagar 2011,Zvezdanović 2009].

2.6 Conclusion

L’étude de l’évolution des techniques de photoluminescence montre l’intérêt de coupler la spectroscopie et l’imagerie pour caractériser des matériaux du patrimoine culturel. Photographier une œuvre sous une lampe émettant dans l’UVA est en-core utilisée aujourd’hui pour caractériser son état de surface ou pour identifier ses pigments [Anglos 1999, Pelagotti 2006]. À macro-échelle, les spectres sont une moyenne des signaux de photoluminescence. Il n’est alors pas possible de détecter les fluctuations d’émission à l’échelle du grain de pigment.

13. Extinction temporelle ou définitive de l’émission de photoluminescence suite à une irradiation par un rayonnement intense.

14. Les sources à rayons X sont utilisées pour des mesures en X-ray Excited Optical Luminescence (XEOL) [Armelao 2007].

15. Les sources ioniques sont utilisées pour des mesures en Ion Beam Induced Luminescence (IBIL) [Quaranta 2002,Quaranta 2007].

Souhaitant développer l’utilisation de la spectro-imagerie à micro-échelle, nous avons constitué un corpus d’échantillons représentatifs des spécificités des matériaux anciens, et pour lesquels les procédés de fabrication ou l’altération demeurent mal connus. Plus précisément, les matériaux de ce corpus sont des semi-conducteurs à gap direct et à grande énergie excitonique favorisant une recombinaison radiative excitonique. Ce sont des matériaux hétérogènes en composition, en abondance et en topologie. Pour caractériser l’hétérogénéité des matériaux, nous avons adapté un dispositif expérimental d’imagerie existant. Les microscopes de la ligne DISCO du synchrotron SOLEIL ont été utilisés pour une étude en photoluminescence, avec une excitation continûment accordable entre 200 et 600 nm, et une émission optimisée du visible au proche infrarouge.

En conclusion, la spécificité des matériaux anciens impose des optimisations méthodologiques, notamment lors de l’analyse en photoluminescence sous excitation UVC. Le matériau et les questions posées conditionnent les spécificités instrumentales. La microscopie de photoluminescence utilisée classiquement en biologie, avec des marqueurs de luminescence à haut rendement quantique et dans des gammes d’excitation–émission connues ne sera pas la méthode retenue pour mes travaux. Une méthodologie originale a donc été mise en place, adaptée et optimisée à nos matériaux. Celle-ci passe par la réalisation de développements instrumentaux qui optimisent les dynamiques spatiale, spectrale et de sensibilité de détection, de telle sorte que les échelles d’hétérogénéité du matériau soient prises en compte. Ces développement feront l’objet du prochain chapitre.

Optimiser la micro-imagerie de la

ligne DISCO pour l’étude des

matériaux anciens

Sommaire

3.1 Introduction . . . . 80 3.2 Calibration radiométrique du dispositif expérimental initial 80 3.2.1 Standards de calibration . . . . 80 3.2.2 Stabilité de la source synchrotron . . . . 85 3.2.3 Bilan photonique en excitation . . . . 89 3.2.4 Dynamique spatiale . . . . 91 3.2.5 Linéarité de détection . . . . 95 3.2.6 Bilan. . . . 97 3.3 Optimisation de la chaîne optique du microscope . . . . 97 3.3.1 Homogénéisation du faisceau excitateur . . . . 97 3.3.2 Optimisation de la détection . . . . 107 3.4 Traitement des images . . . 115 3.4.1 Correction radiométrique . . . . 115 3.4.2 Construction d’images à partir de mosaïques . . . . 117 3.5 Conclusion . . . 118

Ce chapitre est consacré à la présentation des développements instrumentaux mis en place sur le dispositif d’imagerie de photoluminescence plein champ multi-spectral, Télémos, introduit au chapitre 2. Le chapitre décrit les étapes de calibra-tion et d’optimisacalibra-tion conduites en cohérence avec les concepts analytiques décrits à la section 2.5.2, dans le but de proposer une approche optimisée pour détecter la typologie d’hétérogénéités caractérisant les matériaux anciens révélée par photolu-minescence. Je présenterai tout d’abord la calibration radiométrique que nous avons effectuée pour développer une imagerie spectrale permettant l’obtention de données quantitatives. Les avantages ainsi que les limites de la source synchrotron seront présentés au regard de ses spécificités en terme de stabilité et de flux. Les mesures de caractérisation de la chaîne de détection seront ensuite présentées, ainsi que les travaux de conceptions optiques que j’ai menés afin d’optimiser l’illumination plein champ et la sensibilité de détection. J’aborderai enfin le traitement des images mis en place pour obtenir des données quantitatives.

3.1 Introduction

Le microscope pré-existant d’imagerie plein champ multi-spectrale Télémos est décrit en section 2.3.2.1. Un faisceau monochromatisé synchrotron est injecté dans un microscope inversé dans une configuration en épi-illumination puis focalisé dans le plan de la surface de l’échantillon. L’utilisation d’un miroir dichroïque et d’une roue de filtres interférentiels permet la sélection spectrale de l’émission de photolu-minescence. Le signal est finalement détecté par une caméra CCD (figure 3.1).

Figure 3.1 – Microscope d’imagerie plein champ Télémos de la ligne synchrotron DISCO. Photographie du statif de microscope (gauche), et schéma adapté de Bertrand et al. (droite) [Bertrand 2013a].