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I. Introduction

La maladie de la mosaïque en tirets (ou BSD pour « Banana streak disease ») est causée par le complexe d’espèces Banana streak virus (BSV). Deux sources d’infections existent: 1) chez tous les bananiers, le virus est transmis à partir de plants infectés vers des plants sains par au moins 5 espèces de cochenilles selon le mode non-circulant, semi-persistant (Kubiriba et al., 2001; Meyer et al., 2008; Muturi et al., 2013; Su, 1998), et 2) chez les bananiers porteurs d’une copie de génome B (issu de l’espèce Musa balbisiana), le virus est restitué à partir des intégrations virales eBSV infectieuses du génome B induisant une auto-infection. Dans les deux cas, les symptômes de la maladie sont identiques. Les symptômes les plus courants sont des cassures chlorotiques sur les feuilles, se transformant en nécroses, et l’éclatement du pseudo-tronc (Lassoudière, 2007, voir Fig. 1.9).

Le bananier est une plante à croissance végétative. Le cœur du plant est constitué d’un bulbe, d’où émergent le méristème principal et les méristèmes secondaires (Fig. 2.1). Le méristème principal produit le pied principal, également appelé « pied mère » (PM), qui est le pied sélectionné pour produire un régime fruitier en conditions de culture. Les méristèmes secondaires produisent des rejets (numérotés R1, R2, …, Rn) qui assurent les cycles de culture suivants, faisant du bananier une culture pérenne. Lorsque le pied mère abouti à la production d’un régime et que celui-ci est récolté, le pied mère est coupé pour laisser la place à un des rejets désormais considéré comme le nouveau pied mère, et qui donnera à son tour un régime fruitier. Ce mode de croissance génère une « touffe » de bananier à partir d’un bulbe portant le pied mère et les différents rejets (Fig. 2.1). En conditions de culture, les producteurs sélectionnent généralement un rejet principal et deux rejets secondaires en plus du pied mère ; et renouvellent les bananeraies en remplaçant les touffes entières tous les 10 à 15 ans en moyenne.

Ce mode de croissance végétatif implique une transmission des particules virales entres les différents organes d’une touffe (pied mère et rejets) lors d’une infection systémique, lui permettant de persister dans une même touffe sur plusieurs cycles de culture, et augmentant ainsi le risque de propagation. Néanmoins, les différentes observations au champ rapportent des apparitions sporadiques et transitoires d’infections, sans induire d’épidémie sur les parcelles de bananiers hybrides porteurs de génome B. De plus, certains plants montrent une réversion des symptômes et parfois de l’infection après un temps donné, indiquant une régulation efficace de l’infection jusqu’à une guérison complète. Ces observations laissent supposer que les hybrides

78 porteurs d’une copie de génome B régulent les infections BSV, limitant ainsi la dispersion du virus sur les parcelles.

Les essais présentés dans ce chapitre visent à décrire les dynamiques d’infections BSV d’origine endogène en conditions contrôlées. L’hypothèse développée en amont de ce travail propose que la coévolution entre les génomes hybrides AAB et les intégrations eBSV ont permis le développement d’une régulation efficace des infections BSV par les bananiers hybrides natifs AAB (tels que les plantains). Le terme ici de régulation « efficace » implique des cas de réversion de l’infection, et de retour à un phénotype sain après une infection. Cette hypothèse implique également que les hybrides AAB et AAAB « synthétiques », développés au cours des programmes de sélections de bananiers (tels que l’hybride FHIA-21, AAAB) et ne profitant pas du même historique de coévolution, ont une régulation moins efficace que les hybrides natifs. Une récente étude épidémiologique indique qu’en République Dominicaine où l’hybride FHIA-21 (issu d’un croisement plantain AAB x AA) est largement cultivé, la prévalence du BSV est plus importante dans les parcelles de culture du FHIA-21 que dans celles de plantains natifs (Membo x Hembra ou « MxH », AAB, Martinez, 2015, thèse). Cependant les génomes du FHIA-21 et du plantain comparés dans cette étude diffèrent par la ploïdie du génome A (AAAB pour FHIA-21, AAB pour MxH). Lors de mes travaux de thèse, nous avons souhaité comparer la régulation d’infections chez des hybrides natifs et synthétiques tous deux triploïdes AAB. Ainsi, des hybrides synthétiques (AAB issus du croisement IDN 110T (AAAA) x PKW (BB)) et des hybrides natifs (AAB, plantains des cultivars « Big Ebanga », « Bois Blanc » et « Nzorba ») ont été suivis au cours d’infections BSV d’origine endogène. Les résultats sont présentés dans ce chapitre.

L’objectif de ce premier chapitre a été i) de quantifier les fluctuations de charge virale au cours du temps, ii) d’observer la répartition de la charge virale dans la touffe, et iii) de tester l’hypothèse de coévolution entre génome AAB et eBSV en comparant les dynamiques d’infection entre des hybrides AAB natifs et synthétiques.

79 Quelle méthode pour suivre une infection BSV chez des bananiers hybrids interspécifiques ?

Diverses méthodes sérologiques et moléculaires ont été développées pour la détection de particules virales chez les plantes (Hull, 2014). L’une des plus utilisées pour la détection du BSV chez le bananier est la méthode qui associe sérologie et biologie moléculaire : l’immunocapture-PCR (« IC-PCR », Harper et al., 1999). La capture de particules virales par des anticorps polyclonaux reconnaissant plusieurs espèces de BSV permet de sélectionner spécifiquement les particules virales libres. Des amorces spécifiques de chaque espèce BSV, parfois utilisées en multiplex (Le Provost et al., 2006), sont utilisées pour amplifier par PCR l’ADN viral contenu dans les particules immunocapturées, et permettent une détection sensible de l’infection. Cependant, l’immunocapture-PCR ne permet pas de quantifier précisément la charge virale (c’est-à-dire, la quantité de particules virales dans le plant infecté). Une semi-quantification reste possible en diluant le broyat de plante dans lequel les particules virales sont fixées avec les anticorps, pour estimer des différences entre charges virales importantes (Fig. 2.3). Néanmoins, la principale limite quantitative de cette méthode réside dans la saturation des anticorps lors de leur fixation sur les tubes et dans un encombrement stérique lors de la capture des particules virales. Pour cette raison, nous avons souhaité développer une méthode de quantification du BSV par PCR quantitative (qPCR) pour mesurer la charge virale dans des bananiers infectés. Le principal objectif de cette méthode est de distinguer a posteriori l’amplification provenant des séquences ADN eBSV présentes dans le génome B de celle provenant des ADN épisomaux des particules virales infectant le plant. L’article suivant présente cette méthode et les limites de son utilisation pour du diagnostic. Cet article a été soumis dans la revue « Journal of General Virology » en septembre 2019.

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Article 1 :

Extrachromosomal viral DNA produced by infective endogenous viral