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11 Dynamique symbolique

Dans le document Systèmes dynamiques (Page 67-72)

Soit 𝑌 un ensemble fini à 𝑘 éléments, on prendra en général 𝑌 = {1, … , 𝑘}. On considère l’espace métrisable compact

𝑋 = 𝑌des mots infinis et le décalage à 𝑘 symboles 𝜎 ∶ 𝑋 ←→ 𝑋. On munit 𝑋 de la distance 𝑑(𝑥, 𝑦) = 2−𝑖où 𝑖 est le

premier indice pour lequel 𝑥𝑖 ≠ 𝑦𝑖. C’est une distance ultramétrique, c’est à dire que 𝑑(𝑥, 𝑧) ⩽ max(𝑑(𝑥, 𝑦), 𝑑(𝑦, 𝑧)). Le diamètre de 𝑋 pour cette distance est1. De plus, si 𝑑(𝑥, 𝑥) < 1, alors 𝑑(𝜎(𝑥), 𝜎(𝑥)) ⩾ 2𝑑(𝑥, 𝑥′). Plus précisément, le compact 𝑋 est la réunion disjointe de 𝑘 parties compactes et ouvertes 𝑋𝑖 (les suites commençant par 𝑖) et 𝜎 ∶ 𝑋𝑖 ←→ 𝑋 est un homéomorphisme qui dilate les distances d’un facteur2.

On appelle cylindre les ensembles 𝐶 de la forme 𝜋−1

𝑙 (𝐴), où 𝜋𝑙 ∶ 𝑋 ←→ 𝑌

𝑙+1est la projection sur les 𝑙+ 1 premiers

facteurs et où 𝐴 est une partie quelconque de 𝑌𝑙+1. Les cylindres sont ouverts et fermés. Ils constituent une base dénom- brable d’ouverts, et une algèbre d’ensembles qui engendre la tribu produit (par définition de la tribu produit). Cette tribu produit est aussi la tribu Borélienne associée à la topologie produit. En effet, comme les cylindres sont fermés, la tribu engendrée par les cylindres est plus grande que la tribu borélienne. Réciproquement, comme tout ouvert est une réunions dénombrable de cylindres, tout ouvert est mesurable pour la tribu produit, donc la tribu produit est plus petite que la tribu borélienne.

On dit que 𝐶 est un cylindre élémentaire si il est de la forme 𝜋−1

𝑙 (𝑥) pour un point 𝑥 de 𝑌 𝑙+1

L’application 𝜎 a de nombreux compacts invariants. Il y a 𝑘 points fixes, qui sont les suites constantes. Il y a des orbites périodiques de toutes périodes.

Exercice 11.1. Montrer que le décalage 𝜎 a 𝑘𝑇 orbites de période 𝑇 (mais 𝑇 n’est pas forcément la période minimale).

On dit queΣ ⊂ 𝑋 est de type fini si il existe un nombre fini de mots finis tels que Σ est l’ensemble des mots ne contenant pas ces mots finis. Autrement dit,Σ est de type fini si et seulement si il existe des cylindres élémentaires 𝐶1,… , 𝐶𝑙tels que

Σ = 𝑋 −

𝑖⩾0,𝑗∈{1,…,𝑙}

𝜎−𝑖(𝐶𝑗).

Toute partie de type fini est un compact invariant par 𝜎. On vérifie facilement queΣ est de type fini si et seulement si il existe un cylindre 𝐶 tel queΣ = ∪𝑖⩾0𝜎−𝑖(𝐶).

Étudions en détails le cas d’un ensemble de type fini engendré par des mots interdits de longueur2. Il existe alors une matrice carrée 𝐴 de taille 𝑘× 𝑘, à coefficients positifs, tel que 𝐴(𝑖, 𝑗) = 0 si et seulement si le mot 𝑖𝑗 est interdit. On peut poser 𝐴(𝑖, 𝑗) = 1 pour les mots 𝑖𝑗 autorisés, mais ce n’est pas nécessaire. Autrement dit, on considère l’ensemble Σ𝐴⊂{1, … , 𝑘}, constituée des suites 𝑦

𝑛telles que 𝐴(𝑦𝑛, 𝑦𝑛+1) > 0 pour tout 𝑛. Cette partie est invariante par le décalage

𝜎, la restriction 𝜎𝐴de 𝜎 àΣ𝐴est le décalage de type fini associé à 𝐴.

La matrice 𝐴 est dite transitive, ou irréductible, si pour tous états 𝑖 et 𝑗, il existe 𝑛 ⩾ 0 tel que 𝐴𝑛(𝑖, 𝑗) > 0. Cela signifie qu’il existe un mot prenant la valeur 𝑖 puis la valeur 𝑗. Il est équivalent de demander qu’il existe 𝑛 ⩾ 0 tel que

𝑆𝑛𝐴∶= 𝐼 + 𝐴 +⋯ + 𝐴𝑛−1est à coefficients strictement positifs.

Proposition 11.1. Le décalage de type fini associé à la matrice 𝐴 est transitif si et seulement si la matrice 𝐴 est transitive.  Si la matrice 𝐴 n’est pas transitive, il existe 𝑖 et 𝑗 tels que 𝐴𝑛(𝑖, 𝑗) = 0 pour tout 𝑛. Soit 𝑋

𝑖 le cylindre 𝜋0−1(𝑖), où 𝜋0

est la projection sur le premier facteur. Il n’existe aucune suite prenant la valeur 𝑖 puis la valeur 𝑗, donc il n’existe aucune orbite partant de 𝑋𝑖et passant par 𝑋𝑗.

Supposons maintenant que 𝐴 est transitive, et soient 𝐶 et 𝐶′deux cylindres, déterminés par des suites finies admissibles

𝑥, 𝑥avec 𝑥= 𝑥0⋯ 𝑥𝑛et 𝑥= 𝑥0⋯ 𝑥

𝑚. Par transitivité de 𝐴, il existe une suite finie 𝑦 telle que 𝑦0= 𝑥𝑘et 𝑦𝑙= 𝑥′1. Notons

𝜎(𝑦) le mot 𝑦1𝑦2⋯ 𝑦𝑙. Soit alors 𝑧 un élément deΣ𝐴commençant par 𝑥𝜎(𝑦)𝜎(𝑥) (juxtaposition des mots finis). La suite

𝑧commence par 𝑥, donc elle est dans le cylindre 𝐶. De plus, la suite 𝜎𝑛+𝑙−1𝑧commence par 𝑥, c’est donc un élément de

𝐶. Dans le cas où 𝑥𝑛= 𝑥0, on prend 𝑧= 𝑥𝜎(𝑥′). 

On rappelle qu’une application continue 𝜑 est topologiquement mélangeante si, pour tous ouverts 𝑈 et 𝑉 , il existe 𝑁 tel que 𝜑−𝑛(𝑈 ) ∩ 𝑉 est non vide pour tout 𝑛 ⩾ 𝑁. Si 𝐴 est la matrice de permutation circulaire des coordonnées, alors le décalage 𝜎𝐴est transitif, mais pas topologiquement mélangeant. Pour une telle matrice, tous les états ont une période égale à 𝑘. On dit que la matrice 𝐴 est transitive et apériodique si il existe 𝑁 tel que 𝐴𝑁est à coefficients strictement positifs. Proposition 11.2. Le décalage de type fini associé à la matrice 𝐴 est topologiquement mélangeant si et seulement si la

matrice 𝐴 est transitive et apériodique.

 Comme dans la preuve précédente, si il existe 𝑖 et 𝑗 tel que 𝐴𝑛(𝑖, 𝑗) = 0 pour une infinité de valeurs de 𝑛, alors le système n’est pas mélangeant puisque pour 𝜎−𝑛(𝐶𝑗) ∩ 𝐶𝑖est vide pour ces valeurs de 𝑛.

Supposons maintenant que 𝐴𝑛est à coefficients strictement positifs pour 𝑛 ⩾ 𝑁 . On montre comme ci-dessus que, si

𝐶est un cylindre déterminé par une suite de longueur 𝑙, et si 𝑛 ⩾ 𝑁 , alors 𝜑−(𝑙+𝑛)(𝐶) = Σ𝐴pour 𝑛 > 𝑁 . Ceci implique le mélange. 

Nous allons maintenant nous intéresser aux décalages du point de vue de la théorie ergodique. Comme les cylindres sont compacts, toute suite décroissante de cylindres a une intersection non-vide. Cette propriété implique que toute mesure de probabilité additive sur les cylindres est en fait sigma additive, et se prolonge donc en une mesure de probabilité sur 𝑋. Comme tout cylindre est une réunion finie disjointe de cylindres élémentaires, une mesure de probabilité sur 𝑋 est en fait déterminée par sa valeur sur les cylindres élémentaires, c’est à dire par les valeurs

𝑚(𝑦0, 𝑦1,… , 𝑦𝑙) ∶= 𝑚(𝜋𝑙−1(𝑦0,… , 𝑦𝑙))

qui s’interprète comme la probabilité qu’une suite commence par 𝑦0,… , 𝑦𝑙. Réciproquement, la famille de réels positifs

𝑚(𝑦), 𝑦 ∈ ∪𝑙⩾0𝑌𝑙détermine une mesure de probabilité si et seulement si elle est compatible, c’est à dire si et seulement si

𝑚(𝑦0,… , 𝑦𝑙) = 𝑘

𝑖=1

𝑚(𝑦0,… , 𝑦𝑙, 𝑖)

pour tout 𝑙 ⩾0 et tout 𝑦 = (𝑦0,… , 𝑦𝑙) ∈ 𝑌𝑙+1.

Si 𝑝= (𝑝1,… 𝑝𝑘) est une probabilité sur 𝑌 , alors la mesure produit 𝑚 = 𝑝ℕest invariante pour le décalage. Rappelons que 𝑚= 𝑝ℕcorrespond à

𝑚(𝑦0,… , 𝑦𝑙) = 𝑝(𝑦0)𝑝(𝑦1)⋯ 𝑝(𝑦𝑙). Elle est ergodique, comme nous l’avons déjà montré.

Nous allons étudier une famille plus générale de mesures invariantes, les mesures de Markov, qui correspondent aux chaînes de Markov. On dit que 𝑄 est une matrice stochastique si c’est une matrice carrée 𝑘× 𝑘 à coefficients positifs telle que la somme des coefficients de chaque ligne vaut1, c’est à dire que 𝑄𝟏 = 𝟏, où 𝟏 est le vecteur de ℝ𝑘dont les coefficients sont égaux à1. La donnée d’une matrice stochastique 𝑄 et d’une mesure de probabilité 𝑝 = (𝑝1,… , 𝑝𝑘) sur {1, … , 𝑘} détermine une mesure sur 𝑋, déterminée par

𝑚(𝑦0,… , 𝑦𝑙) = 𝑝(𝑦0)𝑄(𝑦0, 𝑦1)𝑄(𝑦1, 𝑦2)⋯ 𝑄(𝑦𝑙−1, 𝑦𝑙).

La condition de compatibilité découle directement du fait que 𝑄 est une matrice stochastique. On rappelle l’interprétation probabiliste de la mesure 𝑚, qui est la loi d’une suite de variables aléatoires à valeurs dans 𝑌 , telle que la loi de 𝑦0est donnée par 𝑝 et, à chaque étape la loi de 𝑦𝑛+1si 𝑦𝑛vaut 𝑖 est 𝑗 ←→ 𝑄(𝑖, 𝑗).

Propriété 11.3. Le rayon spectral d’une matrice stochastique est égal à1.

 Si 𝑄 est une matrice stochastique, alors 𝑄𝑛est une matrice stochastique pour tout 𝑛. Ceci implique en particulier que la suite 𝑄𝑛est bornée, et donc que le rayon spectral de 𝑄 est inférieur ou égal à1. C’est donc 1, puisque 1 est valeur propre de 𝑄. 

On remarque que l’application 𝑝 ←→ 𝑝𝑄 (𝑝 est une matrice ligne) préserve l’espace(𝑌 ) des probabilités sur 𝑌 . De plus,

Propriété 11.4. Si 𝑚𝑝est la mesure de Markov associée à la matrice 𝑄 et à la probabilité 𝑝, alors 𝜎𝑚𝑝= 𝑚𝑝𝑄.

En particulier, la mesure 𝑚𝑝est invariante par 𝜎 si et seulement si 𝑝𝑄= 𝑝. On dit que 𝑝 est un probabilité stationnaire si 𝑝𝑄= 𝑝.

 Soit 𝑦 ∈ 𝑌𝑙+1un mot fini. La préimage par 𝜎 du cylindre élémentaire associé à 𝑦 est le cylindre associé à

𝑌 × {𝑦} =𝑖∈𝑌 (𝑖, 𝑦0,… , 𝑦𝑙) ⊂ 𝑌𝑙+2. On a donc (𝜎𝑚𝑝)(𝑦0,… , 𝑦𝑙) = ∑ 𝑖∈𝑌 𝑝(𝑖)𝑄(𝑖, 𝑦0)⋯ 𝑄(𝑦𝑙−1, 𝑦𝑙) = (𝑝𝑄)(𝑦0)𝑄(𝑖, 𝑦0)⋯ 𝑄(𝑦𝑙−1, 𝑦𝑙) = 𝑚𝑝𝑄(𝑦0,… , 𝑦𝑙).

Théorème 11.5. Pour toute matrice stochastique 𝑄, il existe 𝑝(𝑌 ) tel que 𝑝𝑄 = 𝑝, et donc tel que la mesure de

Markov 𝑚𝑝est invariante par 𝜎.

 La méthode est classique. On considère n’importe quel 𝑞 ∈ (𝑌 ), et la suite 𝑞𝑛 ∶= (𝑞 + 𝑞𝑄 +⋯ + 𝑞𝑄𝑛−1)∕𝑛. Par

compacité de(𝑌 ), cette suite a des valeurs d’adhérence, et ces valeurs d’adhérence 𝑝 vérifient 𝑝𝑄 = 𝑝.  Étudions maintenant les propriétés ergodiques des mesures de Markov. On commence par un lemme naturel : Lemme 11.6. Soit 𝑄 une matrice stochastique. Si 𝑄 admet une unique probabilité invariante 𝑝, alors la mesure de Markov

𝑚𝑝correspondante est ergodique pour l’application 𝜎. De plus, la matrice 𝑆𝑛𝑄∕𝑛 converge vers 𝑃 , la matrice stochas-

tiques dont toutes les lignes sont égales à 𝑝.

 Pour tout 𝑞 ∈ (𝑌 ), on a (𝑞 + 𝑞𝑄 + ⋯ + 𝑞𝑄𝑛−1)∕𝑛 ←→ 𝑝. En effet, chaque valeur d’adhérence de cette suite est une

probabilité invariante, donc est égale à 𝑝. Ceci implique que la matrice 𝑆𝑛𝑄∶= (𝐼 + 𝑄 + 𝑄2+⋯ + 𝑄𝑛−1)∕𝑛 converge

vers la matrice 𝑃 dont toutes les lignes sont égales à 𝑝.

Soient 𝐶 et 𝐶les deux cylindres élémentaires déterminés par les mots finis 𝑦= 𝑦0⋯ 𝑦𝑙et 𝑧= 𝑧0⋯ 𝑧𝑚. Pour 𝑛 assez grand, on a

𝑚𝑝(𝜎−𝑛(𝐶) ∩ 𝐶) = 𝑝(𝑧0)𝑄(𝑧0, 𝑧1)⋯ 𝑄(𝑧𝑙−1, 𝑧𝑙)𝑄𝑛−𝑚−1(𝑧𝑚, 𝑦0)𝑄(𝑦0, 𝑦1)⋯ 𝑄(𝑦𝑙−1, 𝑦𝑙).

Si deux suites 𝑎𝑛et 𝑏𝑛sont égales à partir d’un certain rang, alors la convergence vers 𝑎 de la suite 𝑎𝑛en moyenne de cesaro est équivalente à la convergence de 𝑏𝑛vers 𝑎 en moyenne de Cesaro. Ici, on a

𝑚𝑝(𝐶)(𝑆𝑛𝑄∕𝑛)(𝑧𝑚, 𝑦0)𝑄(𝑦0, 𝑦1)⋯ 𝑄(𝑦𝑙−1, 𝑦𝑙) ←→ 𝑚𝑝(𝐶)𝑚𝑝(𝐶) donc 1 𝑛 𝑛−1 ∑ 𝑖=0 𝑚𝑝(𝜎−𝑛(𝐶) ∩ 𝐶) ←→ 𝑚𝑝(𝐶)𝑚𝑝(𝐶).

Cette convergence a alors lieu pour tous ensembles mesurables 𝐶 et 𝐶. Lorsque 𝐶 = 𝐶′est invariant, on obtient que

𝑚𝑝(𝐶) ∈ {0, 1}. 

La dernière affirmation de la preuve ci-dessus n’est pas évidente, nous la détaillons maintenant.

Propriété 11.7. Soit une algèbre d’ensemble qui engendre la tribu. Soit 𝑚 une mesure de probabilité invariante d’une

application mesurable 𝜑.

Si 𝑚(𝜑−𝑛(𝐶) ∩ 𝐶) ←→ 𝑚(𝐶)𝑚(𝐶) pour tous 𝐶 et 𝐶dans, alors la mesure 𝑚 est mélangeante.

Si 𝑚(𝜑−𝑛(𝐶) ∩ 𝐶) tend vers 𝑚(𝐶)𝑚(𝐶) en moyenne de cesaro pour tous 𝐶 et 𝐶dans, alors la mesure 𝑚 est

ergodique.  Posons 𝑚𝑛(𝐶, 𝐶) = 𝑚(𝜑−𝑛(𝐶) ∩ 𝐶) et 𝑀 𝑛(𝐶, 𝐶′) = 1 𝑛 ∑𝑛 𝑖=1𝑚(𝜑−𝑖(𝐶) ∩ 𝐶′).

Les preuves sont identiques, nous allons par exemple traiter le cas de la suite 𝑀𝑛. On considère dans un premier temps l’ensemble des parties 𝐶 de 𝑋 telles que 𝑀𝑛(𝐶, 𝐶) ←→ 𝑚(𝐶)𝑚(𝐶) pour tout 𝐶 . On va montrer que cette

ensemble est une classe monotone, et donc que c’est l’ensemble de tous les mesurables. Il est clairement stable par com- plémentation. Soit 𝐶𝑘 une suite croissante d’ensembles vérifiant la propriété ci-dessus et 𝐶 = sup 𝐶𝑘. On vérifie faci- lement quelim inf 𝑀𝑛(𝐶, 𝐶) ⩾ 𝑚(𝐶𝑘)𝑚(𝐶) pour tout 𝐶′ ∈ . En appliquant cette inégalité à 𝑋 − 𝐶′ on déduit que lim 𝑀𝑛(𝐶, 𝐶) = 𝑚(𝐶)𝑚(𝐶), et donc que 𝐶 vérifie la propriété voulue.

On a montré que 𝑀𝑛(𝐶, 𝐶) ←→ 𝑚(𝐶)𝑚(𝐶) pour tout ensemble mesurable 𝐶 et tout 𝐶′∈. On considère maintenant l’ensemble des parties 𝐶de 𝑋 telles que cette convergence a lieu pour tout borélien 𝐶. On montre comme ci-dessus que c’est une classe monotone, et donc que c’est l’ensemble des boréliens. 

Théorème 11.8. Soit 𝑄 une matrice stochastique. Les propriétés suivantes sont équivalentes :

1. La matrice 𝑄 est transitive.

2. La matrice 𝑄 admet une unique probabilité invariante 𝑝, dont les coefficients sont tous strictement positifs. 3. 𝑆𝑛𝑄∕𝑛 ←→ 𝑃 , une matrice stochastique à coefficients strictement positifs dont toutes les lignes sont égales.

4. Il existe une probabilité invariante 𝑝 à coefficients strictement positifs et telle que la mesure de Markov 𝑚𝑝 est ergodique.

 1 ⇒ 2 Supposons la matrice 𝑄 transitive. Si 𝑝 est une probabilité invariant, alors 𝑝𝑄𝑛= 𝑝 pour tout 𝑛, donc 𝑝(𝑆𝑛𝑄∕𝑛) =

𝑝. En particulier, on peut prendre 𝑛 tel que 𝑆𝑛𝑄est à coefficients strictement positifs, et on déduit que 𝑝 est à coefficients strictement positifs.

Soit maintenant 𝑞 un autre probabilité invariante, qui est donc elle aussi à coefficients strictement positifs. Soit 𝑖 l’indice qui maximise le rapport 𝑝𝑖∕𝑞𝑖, et soit 𝑟 = 𝑝𝑖∕𝑞𝑖, de sorte que 𝑝𝑖 ⩽ 𝑟𝑝𝑗 pour tout 𝑗. En posant 𝑆 = 𝑆𝑛𝑄∕𝑛, qui est une matrice stochastique à coefficients strictement positifs, on a

𝑗 𝑝𝑗𝑆(𝑗, 𝑖) = 𝑝𝑖= 𝑟𝑞𝑖 =∑ 𝑗 𝑟𝑞𝑗𝑆(𝑗, 𝑖) ⩾𝑗 𝑝𝑗𝑆(𝑗, 𝑖).

La dernière inégalité étant une égalité, on déduit que 𝑟𝑞𝑖𝑆(𝑗, 𝑖) = 𝑝𝑗𝑆(𝑗, 𝑖), et donc que 𝑝𝑗 = 𝑟𝑞𝑗 pour tout 𝑗. Comme 𝑞 et

𝑝sont des probabilités, on a 𝑞= 𝑝. 2 ⇒ 3 est donné par le Lemme.

3 ⇒ 1 Si 𝑆𝑛𝑄∕𝑛 ←→ 𝑃 à coefficients strictement positifs, alors 𝑆𝑛𝑄est à coefficients strictement positifs pour 𝑛 grand. 2 ⇒ 4 Est donné par le Lemme.

4 ⇒ 3 Supposons que 𝑚𝑝est ergodique. Dans ce cas on a la convergence en moyenne de Césaro de 𝑚𝑝(𝜎−𝑛(𝐶) ∩ 𝐶′) vers 𝑚𝑝(𝐶)𝑚𝑝(𝐶) pour tous 𝐶 et 𝐶mesurables. En appliquant cette convergence lorsque 𝐶= 𝜋0−1(𝑖) et 𝐶 = 𝜋0−1(𝑗), on obtient que 𝑝(𝑖)𝑆𝑛𝑄(𝑖, 𝑗)∕𝑛 ←→ 𝑝(𝑖)𝑝(𝑗) pour tous 𝑖, 𝑗. Comme 𝑝(𝑖) > 0 ceci prouve 3. 

Exercice 11.2. Soit 𝐴 une matrice 𝑘× 𝑘 transitive à coefficients positifs. Il existe une mesure de Markov 𝑚 ergodique dont

le support estΣ𝐴.

On dit que la matrice 𝑄 est apériodique si il existe 𝑛 tel que 𝑄𝑛est à coefficients strictement positifs. L’exemple typique d’une matrice stochastique transitive mais pas apériodique est la matrice d’une permutation circulaire des états.

Théorème 11.9. Les propriétés suivantes sont équivalentes pour une matrice stochastique 𝑄.

La matrice 𝑄 est transitive et apériodique.

𝑄𝑛←→ 𝑃 , une matrice stochastique à coefficients strictement positifs dont toutes les lignes sont égales.

La valeur propre1 est de multiplicité algébrique égale à 1, et toutes les autres valeurs propres complexes sont de

module strictement inférieur à1.

Il existe une mesure invariante 𝑝 à coefficients strictement positifs telle que la mesure de Markov 𝑚𝑝est mélangeante.

 Le fait que le premier point implique le second est une des variantes du théorème de Perron-Frobenius. Nous l’admettons ici, nous y revenons au chapitre13, théorème13.8.

Réciproquement, si 𝑄𝑛←→ 𝑃 , et si 𝑃 est à coefficients strictement positifs, alors il existe 𝑛 tel que 𝑄𝑛est à coefficients strictement positifs, c’est à dire que 𝑄 est apériodique.

Supposons que 𝑄𝑛 ←→ 𝑃 . Le calcul fait ci-dessus montre alors que 𝑚𝑝(𝜎−𝑛(𝐶) ∩ 𝐶) ←→ 𝑚

𝑝(𝐶)𝑚𝑝(𝐶′) pour tous cylindres élémentaires 𝐶 et 𝐶, et donc pour tous ensembles mesurables 𝐶 et 𝐶. La mesure 𝑚𝑝est donc mélangeante.

Supposons que 𝑄𝑛←→ 𝑃 . Soient 𝐶 et 𝐶les deux cylindres élémentaires déterminés par les mots finis 𝑦= 𝑦

0⋯ 𝑦𝑙et

𝑧= 𝑧0⋯ 𝑧𝑚. Pour 𝑛 assez grand, rappelle l’expression

𝑚𝑝(𝜎−𝑛(𝐶) ∩ 𝐶) = 𝑝(𝑧0)𝑄(𝑧0, 𝑧1)⋯ 𝑄(𝑧𝑙−1, 𝑧𝑙)𝑄𝑛−𝑚−1(𝑧𝑚, 𝑦0)𝑄(𝑦0, 𝑦1)⋯ 𝑄(𝑦𝑙−1, 𝑦𝑙)

et donc, sous notre hypothèse 𝑚𝑝(𝜎−𝑛(𝐶) ∩ 𝐶) ←→ 𝑚𝑝(𝐶)𝑚𝑝(𝐶′). Cette convergence pour les cylindre entraîne cette convergence pour tous les ensembles mesurables 𝐶 et 𝐶, c’est à dire le mélange de 𝑚𝑝.

Supposons que 𝑚𝑝est mélangeante et 𝑝 à coefficients strictement positifs. Dans ce cas on a la convergence de 𝑚𝑝(𝜎−1(𝐶)∩

𝐶) vers 𝑚𝑝(𝐶)𝑚𝑝(𝐶) pour tous 𝐶 et 𝐶mesurables. En appliquant cette convergence lorsque 𝐶= 𝜋−10 (𝑖) et 𝐶 = 𝜋 −1 0 (𝑗),

on obtient que 𝑝(𝑖)𝑄𝑛−1(𝑖, 𝑗) ←→ 𝑝(𝑖)𝑝(𝑗) pour tous 𝑖, 𝑗. Comme 𝑝(𝑖) > 0 ceci implique que 𝑄𝑛←→ 𝑃 . 

Exercice 11.3. Soit 𝑄 une matrice stochastique transitive. Montrer que 𝑄 est apériodique si et seulement si1 est une

racine simple du polynôme caractéristique de 𝑄, et si de plus les autres valeurs propres complexes sont de module <1. Finissons ce chapitre par quelques considérations sur la dynamiques topologiques des décalages de type fini. On se donne donc une matrice 𝐴 à coefficients positifs. On suppose de plus que chaque ligne de 𝐴 contient un coefficient non nul. On peut penser à 𝐴 comme à une relation sur l’ensemble{1, … , 𝑘}, et donc à une dynamique multivaluée. (avec 𝑖𝑅𝑗 si et seulement si 𝐴(𝑖, 𝑗) > 0). L’état 𝑖 ∈ 𝑌 est dit errant si 𝐴𝑛(𝑖, 𝑖) = 0 pour tout 𝑛 ⩾ 1. Sinon, il est dit récurrent (il n’y a pas lieu de distinguer point non-errant et point récurrent dans ce cas simple ou l’espace des états est discret, ces points sont aussi les points récurrents par chaines).

On peut noter la relation 𝑖  𝑗 si et seulement si il existe 𝑛 ⩾ 1 tel que 𝐴𝑛(𝑖, 𝑗) > 0. C’est en fait la relation de connection par chaines. La relation est une relation d’équivalence sur l’ensemble des points récurrents. On dit que 𝐴 est transitive si elle l’est en tant que dynamique multivaluée, c’est à dire si pour tous 𝑖 et 𝑗 dans1, … , 𝑘, il existe 𝑁 tel que

𝐴𝑁(𝑖, 𝑗) > 0. Si 𝐴 n’est pas transitive, alors :

Proposition 11.10. Si la matrice 𝐴 n’est pas transitive, alors il existe une partition de l’alphabet 𝑌 en deux parties non

vides 𝐼 et 𝐽 qui ont la propriété que 𝐴𝑛(𝑖, 𝑗) = 0 pour tout 𝑛, 𝑖 ∈ 𝐼, et 𝑗 ∈ 𝐽 .

 On peut en donner une démonstration élémentaire, mais nous allons en donner une qui utilise les considérations précé- dentes sur les fonctions de Lyapounov des relations dynamiques. En effet ici la relation associée à 𝐴 est fermée, et engendre la relation transitive fermée 𝑖𝐿𝑗 ⇔ ∃𝑛 ∶ 𝐴𝑛(𝑖, 𝑗) > 0. Si la matrice 𝐴 n’est pas transitive, alors la relation 𝐿 n’est pas totale, donc il existe une fonction de Lyapounov non triviale, c’est à dire ici un vecteur 𝑓 ∈ ℝ𝑘qui a la propriété que

𝑓(𝑗) ⩽ 𝑓 (𝑖) si 𝐴(𝑖, 𝑗) > 0. En considérant une valeur appropriée de la fonction 𝑓 , on partitionne {1, … , 𝑘} en deux parties

𝐼et 𝐽 telles que 𝑓(𝑖) < 𝑓 (𝑗) si 𝑢 ∈ 𝐼, 𝑗 ∈ 𝐽 . Ceci implique que 𝐴(𝑖, 𝑗) = 0. Dans la situation de la propriété, l’ensemble 𝐽vérifie 𝜎−1(Σ𝐴∩ 𝐽) = Σ

𝐴∩ 𝐽ℕ.

Exercice 11.4. L’état 𝑖 est récurrent pour 𝐴 si et seulement il existe un mot commençant par 𝑖 qui est non-errant pour 𝜎𝐴.

On dit que 𝜏 est une période de l’état 𝑖 si 𝐴𝜏(𝑖, 𝑖) > 0. L’ensemble 𝑇 (𝑖) des périodes de 𝑖 est un semi-groupe de ℕ, c’est à dire qu’il est stable par addition. L’état 𝑖 est dit errant si 𝑇(𝑖) = {0}.

Lemme 11.11. Soit 𝑇 un semi-groupe de ℕ qui contient un élément non nul. Alors il existe un nombre entier 𝑟 >0, le

PGCD des éléments de 𝑇 , tel que tous les éléménts de 𝑇 sont des multiples de 𝑟, et tous les multiples de 𝑟 sont des éléments de 𝑇 sauf un nombre fini d’entre eux.

 La suite 𝑟𝑘des PGCD des 𝑘 premiers éléments de 𝑃 est une suite décroissantes à valeurs dans ℕ, donc elle se stabilise à une valeur 𝑟. Il existe alors une relation 𝑟= 𝑛1𝑝1+⋯ + 𝑛𝑘𝑝𝑘, où 𝑛𝑖 ∈ ℤ et 𝑝𝑖sont les éléments de 𝑃 classés par ordre croissant. Posons maintenant 𝑚=|𝑛1|𝑝1+⋯ +|𝑛𝑘|𝑝𝑘. Soit 𝑎 un grand multiple de 𝑟. Par division Euclidienne, on écrit

𝑎= 𝑏𝑚 + 𝑞𝑟, où 0 ⩽ 𝑞 < 𝑚∕𝑟, et donc

𝑎= (𝑏|𝑛1| + 𝑞𝑛1)𝑝1+⋯ + (𝑏|𝑛𝑘| + 𝑞𝑛𝑘)𝑝𝑘.

Si 𝑎 > 𝑚2∕𝑟, donc 𝑏 > 𝑚∕𝑟, alors les coefficients sont tous des entiers positifs donc 𝑎 ∈ 𝑃 . 

Pour chaque 𝑖, on note 𝜏(𝑖) le PGCD des périodes de l’état 𝑖. On convient que 𝜏(𝑖) = 0 si 𝑖 est un état errant. Propriété 11.12. Si 𝐴 est transitive, tous les états ont la même période.

 Soient 𝑖 et 𝑗 deux états, et soient 𝑛 et 𝑚 tels que 𝐴𝑛(𝑖, 𝑗) > 0 et 𝐴𝑚(𝑗, 𝑖) > 0. Alors si 𝑙𝜏(𝑖) est une période de 𝑖,

𝑙𝜏(𝑖) + 𝑛 + 𝑚 est une période de 𝑗 et donc est un multiple de 𝜏(𝑗). On a donc, 𝑙𝜏(𝑖) + 𝑛 + 𝑚 = 0 mod 𝜏(𝑗) pour tout 𝑙 assez grand, ce qui implique que 𝜏(𝑖) = 0 modulo 𝜏(𝑗), c’est à dire que 𝜏(𝑗) divise 𝜏(𝑖). De manière symétrique, 𝜏(𝑖) divise 𝜏(𝑗), donc 𝜏(𝑖) = 𝜏(𝑗). 

Lemme 11.13. Les périodes 𝜏(𝑖), 𝑖 ∈ 𝑌 sont toutes égales à 1 si et seulement si il existe 𝑁 tel que 𝐴𝑁(𝑖, 𝑗) > 0 pour tous

𝑖et 𝑗. On dit alors que 𝐴 est apériodique.

 Si tous les coefficients de 𝐴𝑁sont strictement positifs, alors il en est de même de 𝐴𝑛pour tout 𝑛 ⩾ 𝑁 . Ceci implique en particulier que 𝑝(𝑖) = 1 pour tout 𝑖.

Réciproquement, si 𝑝(𝑖) = 1, alors il existe 𝑘𝑖 tel que 𝐴𝑛(𝑖, 𝑖) > 0 pour tout 𝑛 ⩾ 𝑘𝑖. Il existe donc 𝑘 tel que tous les coefficients diagonaux de 𝐴𝑛sont strictement positifs lorsque 𝑛 ⩾ 𝑘. Si de plus 𝐴 est transitive, alors pour tout (𝑖, 𝑗), il existe 𝑚(𝑖, 𝑗) tel que 𝐴𝑚(𝑖,𝑗)(𝑖, 𝑗) > 0. Comme 𝐴𝑚(𝑖,𝑗)+𝑛(𝑖, 𝑗) ⩾ 𝐴𝑛(𝑖, 𝑖)𝐴𝑚(𝑖,𝑗)(𝑖, 𝑗), on déduit que ces coefficients sont

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