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Comme chez la larve, les gènes codant les PAMs apparaissent très faiblement exprimés dans les bactériomes des jeunes adultes, en dépit d’une forte croissance de la charge symbiotique. Outre ce ‘bridage’ de l’immunité, les analyses menées chez l’adulte ont suggéré une différence d’activité hormonale entre les insectes symbiotiques et aposymbiotiques. L’expression de jhip¸ un gène qui serait régulé par l’hormone juvénile, est induite de façon corrélée à l’accroissement du nombre de symbiotes. Chez l’insecte adulte, l’hormone juvénile intervient essentiellement dans les processus de maturation sexuelle (Riddiford, 2008). Le décalage entre l’induction du gène jhip, à J3 pour les symbiotiques et J7 pour les aposymbiotiques, suggère une activité de l’hormone juvénile plus précoce en conditions symbiotiques. Ce résultat renforce des données non publiées du laboratoire montrant que les femelles symbiotiques produisent des œufs plus gros que les aposymbiotiques à âge égal. Elles sont aussi fertiles plusieurs jours avant les femelles aposymbiotiques. Le lien entre symbiose, métabolisme et développement a été rapporté par plusieurs auteurs chez S. oryzae (Nardon and Wicker, 1981, Heddi et al., 1993, Grenier et al., 1994) mais c’est la première fois qu’un lien est établi entre le système endocrinien et la synchronisation de la physiologie de l’hôte avec son état symbiotique. Les travaux futurs nous diront si l’augmentation de l’activité endocrinienne est une cause ou une conséquence de l’accroissement du nombre de symbiotes. Sachant que l’induction de jhip commence trois jours après le début de la phase d’accroissement symbiotique, il est plus probable que cette dernière soit le signal qui déclenche la signalisation hormonale. Dans ce cas, il serait intéressant de comprendre comment ce signal est intégré, un travail qui ouvrira de nouvelles perspectives dans la compréhension de la communication moléculaire entre les endosymbiotes et leur hôte.

Enfin, continuer les investigations sur le stade adulte pourrait aussi permettre une meilleure compréhension de la fonction de certains gènes fortement exprimés dans le bactériome larvaire, mais dont le rôle vis -à-vis de la symbiose

Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2015ISAL0116/these.pdf © [F. Masson], [2015], INSA Lyon, tous droits réservés

127 demeure inconnu. C’est l’exemple des gènes fk506bp et megwb, qui sont les gènes les plus exprimés dans le bactériome larvaire (Vigneron et al., 2012). Une très forte expression implique un investissement énergétique important, suggérant une fonction importante des protéines correspondantes. Pourtant, l’inhibition des transcrits de ces deux gènes par iARN n’a révélé chez la larve aucun phénotype remarquable sur la morphologie du bactériome et des symbiotes, ni sur l’expression des gènes codant des PAMs. L’absence de détection d’un phénotype au stade larvaire n’exclut bien sûr pas une fonction à ce stade, mais il est également possible que les protéines codées par ces gènes soient produites au stade larvaire en prévision d’une fonction importante en début de vie imaginale, pendant la dynamique symbiotique.

Enfin, bien que l’intégration de l’endosymbiose à la physiologie et au développement de l’hôte ait maintenant été largement étudiée aux stades larvaire et adulte, de nombreuses questions subsistent encore concernant l’acquisition des endosymbiotes au stade embryonnaire, ainsi que leur contrôle lors de la restructuration tissulaire massive de l’hôte lors de la métamorphose. Des auteurs ont décrit très tôt l’héritage des endosymbiotes primaires du puceron du pois A. pisum (Uichanco, 1924, Buchner, 1965, Miura et al., 2003). Il n’existe cependant aucunes données sur les mécanismes moléculaires assurant ce transfert chez les modèles endosymbiotiques, ni sur la pénétration des endosymbiotes dans le milieu intracellulaire. Chez la drosophile, le symbiote facultatif Spiroplasma poulsonii colonise la lignée germinale par co-option avec la machinerie cellulaire responsable de la synthèse et de l’intégration du vitellus aux œufs (Herren et al., 2013). Un tel mécanisme pourrait également être utilisé par des endosymbiotes primaires. Chez A. pisum, lors du développement embryonnaire, les bactériocytes se différencient même en absence des endosymbiotes, suggérant que ces derniers ne participent pas au programme de différenciation des cellules de l’hôte (Braendle et al., 2003). Chez S. oryzae cependant, les souches aposymbiotiques créées en conditions de laboratoire ne développent pas de bactériome, suggérant que la colonisation des futurs bactériocytes à l’état embryonnaire et la différenciation de ces derniers dépendent largement de facteurs bactériens. Un tel impact de symbiotes sur le développement de leur hôte a déjà été observé chez la seiche

Euprymna scolopes, dont le développement de certains epithelia est

conditionné par la présence du symbiote secondaire Vibrio fisheri

(McFall-Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2015ISAL0116/these.pdf © [F. Masson], [2015], INSA Lyon, tous droits réservés

128 Ngai and Ruby, 1991, McFall-Ngai, 2014). Investiguer les mécanismes d’établissement de la symbiose au stade embryonnaire chez S. oryzae permettrait de mieux comprendre le rôle des endosymbiotes dans ce processus. La métamorphose est également un stade qui soulève de nombreuses questions quant au maintien de l’endosymbiose. Lors de cette étape de leur développement, les insectes holométaboles restructurent très largement l’ensemble de leurs tissus (Gullan and Cranston, 2005). Ces restructurations peuvent avoir un impact radical sur les populations microbiennes hébergées par l’hôte. Les cas les plus marquants sont ceux des moustiques des genres Aedes,

Culex et Anopheles, dont la flore intestinale larvaire est totalement éliminé e

lors de la métamorphose, le jeune imago devant acquérir une nouvelle flore à partir de son environnement (Moll et al., 2001). A l’heure actuelle, le seul modèle d’insecte endosymbiotique dont la métamorphose a été décrite est la fourmi charpentière, Camponotus floridanus (Stoll et al., 2010b). Au stade larvaire, l’ensemble des cellules de la couche externe de l’intestin moyen sont porteuses du symbiote primaire Blochmania floridanus. Au début de la métamorphose, l’intestin moyen s’élargit et seule une faible proportion de ses cellules contient Blochmania, puis le nombre de cellules infectées augmente jusqu’à la fin de la métamorphose, où la totalité de l’intestin est de nouveau infectée (Stoll et al., 2010b). Les mécanismes permettant ces changements de fréquence d’infection des cellules restent inconnus. Chez S. oryzae, la métamorphose, réalisée en seulement trois jours, s’accompagne du déplacement inter-tissulaire des endosymbiotes. S. pierantonius a été observé dans le milieu extracellulaire de la nymphe, associé à une induction de l’expression de gènes codant des PAMs au niveau systémique (Anselme, 2006, Anselme et al., 2006). De plus, des observations en microscopie réalisées lors de ma thèse ont montré des noyaux à chromatine condensée dans les bactériocytes d’individus en fin de dernier stade larvaire, suggérant une destruction des bactériomes larvaires par apoptose au moment du passage au stade nymphal. Ces résultats semblent indiquer que les bactériocytes imaginaux proviennent de l’infection de novo de cellules intestinales, vraisemblablement des cellules souches observées à multiples reprises le long de l’intestin moyen (données non publiées). Quel signal déclenche la destruction du bactériome larvaire et la sortie des endosymbiotes ? Quels mécanismes moléculaires permettent aux symbiotes de survivre dans le milieu extracellulaire et d’infecter

de novo des cellules intestinales ? Ces mécanismes sont-ils conservés chez les

Cette thèse est accessible à l'adresse : http://theses.insa-lyon.fr/publication/2015ISAL0116/these.pdf © [F. Masson], [2015], INSA Lyon, tous droits réservés

129 endosymbiotes « anciens » au génome dégénéré, et ne portant pas de gènes de virulence ?