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Dynamique des parois sous l’action d’un courant - Transfert de spin

3.2 Application de la méthode à l’étude d’une nano-structure irradiée par des ions He +

4.1.1 Dynamique des parois sous l’action d’un courant - Transfert de spin

Équation de Laudau-Lifschitz-Gilbert (LLG) Modéliser la dynamique de l’aimantation dans le cadre du micromagnétisme revient à résoudre l’équation de Landau-Lifschitz [166], modifiée par l’ajout du terme phénoménologique d’amortissement introduit par Gilbert [167]

dm dt = −γ0m⇥ Heff+ α M2 s ✓ m⇥dm dt ◆ . (4.1)

Dans cette équation, m(r,t) représente l’orientation de l’aimantation, γ0 est le rapport gyromagnétique, et α est le coefficient d’amortissement qui tend à ramener l’aimantation vers l’état d’équilibre parallèle à Heff si elle

en est écartée. Heff est un champ effectif, prenant en compte le champ externe, mais intégrant également la

somme des contributions de toutes les interactions présentées au chapitre 1 (échange, interaction démagnétisante, anisotropie...), et traduit donc les configurations d’équilibre de l’aimantation.

4.1 Contexte Transfert de spin L’équation de LLG (4.1) ne suffit pas à modéliser complètement l’action d’un courant électrique sur une paroi de domaine. Pour ce faire, on doit introduire des termes supplémentaires, traduisant l’interaction entre un courant polarisé en spin et l’aimantation. Ces couples sont appelés couples de transfert de spin [6]. Ils sont généralement divisés en deux catégories, suivant la direction du courant de spin par rapport à la couche magnétique. Le courant de spin peut être normal à la couche, on parle alors du courant perpen-diculaire au plan (CPP dans la littérature), ou contenu dans celle-ci (CIP dans la littérature). Tandis que la considération des configurations CPP permet de bien expliquer le retournement des multicouches magnétiques, comme par exemple dans les jonctions tunnel magnétiques (MTJ), le cas de la propagation d’une paroi contenue dans une monocouche magnétique est généralement décrit par une configuration CIP. Nous commencerons donc par introduire les couples induits par la circulation d’un courant polarisé en spin dans le plan de la couche magnétique, ainsi que leur conséquence sur le déplacement des parois.

Lorsqu’un courant électronique circule dans un matériau magnétique, les électrons de conduction se polarisent en spin, par exemple du fait de l’interaction d’échange. Un couple sur l’aimantation survient lorsque le courant de spin n’est plus aligné avec celle-ci. Ceci se produit lorsque le courant de spin traverse une structure d’aimantation non-colinéaire, telle qu’une paroi de domaine.

La modélisation faisant consensus pour décrire les couples de transfert de spin qui surviennent alors consiste en l’ajout de deux termes dans l’équation de LLG (voir par exemple [7, 168, 169]) :

• le premier terme prend la forme τad. = (dm/dt)ad. = (u · grad) m. Le vecteur u a la dimension d’une

vitesse, dirigée suivant le mouvement des électrons, et a pour norme u = JP gµB/ (2eMs), avec J la densité de courant (en A/m2), P la polarisation en spin des porteurs de charge et g le facteur de Landé (⇡ 2). Il mesure la force de l’interaction entre courant de spin et aimantation. Ce premier couple τad. est qualifié d’adiabatique. En effet, il s’interprète comme la conservation du moment cinétique total, lorsque le spin de l’électron demeure aligné avec l’aimantation qu’il traverse. Le retournement du spin de l’électron de conduction à la traversée de la paroi implique que l’aimantation subisse un couple en retour (voir par exemple les références [6, 29, 168]).

• le second terme est par opposition qualifié de couple « non-adiabatique ». Ce terme peut en effet être considéré comme l’action sur l’aimantation de la composante hors équilibre du courant de spin qui, à la traversée de la paroi, n’est pas immédiatement alignée avec l’aimantation. Il est décrit par τn.−ad.=

dm/dtn.−ad = βm ⇥ (u · grad) m. Le facteur β détermine l’amplitude du couple non-adiabatique, par

rapport au couple adiabatique. β est petit devant l’unité, comparable au terme d’amortissement α. La discussion détaillée de l’origine de cette composante dépasse très largement le périmètre de cette thèse, et nous ne souhaitons pas l’aborder ici. Nous insisterons simplement sur le fait que β est uniquement lié au matériau et sur l’importance cruciale de la composante non-adiabatique dans les expériences de propagation de paroi [168, 170, 171].

Chapitre 4 : Nature des parois de domaine dans les films ultra-minces précessionnel visqueux (! = cte) v itesse des p ar oi s uW∝ 2πα |β − α| β ↵ 1 u = JP gµB 2eMs x y z (t) (a) (b)

Figure 4.1 : Régimes visqueux et précessionnel. (a) Rappel de la géométrie de la paroi, définie au chapitre 1. L’angle désigne l’orientation de l’aimantation planaire. (b) Tracé schématique présentant les deux régimes de vitesse de déplacement de paroi de domaine sous l’action d’un courant circulant dans le plan de couche magnétique ultra-mince, dans le cas β > ↵. Dans les deux cas, la vitesse de la paroi est proportionnelle à la densité de courant J. La propagation est plus efficace d’un facteur β/↵ dans le régime visqueux, mais l’extension de ce régime est limitée par uW⇠ ↵/ |β − ↵|. Au-delà, l’aimantation de la paroi se met à précesser ( (t) varie continuement) et la vitesse s’effondre.

Régime visqueux & régime précessionnel En faisant des hypothèses simplificatrices sur la structure d’aimantation (paroi "rigide", à une dimension, et décrite entièrement par l’angle de sa composante planaire [cf. figure 4.1(a)]), il est possible de résoudre analytiquement l’équation de LLG décrivant le mouvement de la paroi sous l’action d’un courant dans le plan de la couche. Une discussion détaillée d’une telle résolution analytique est par exemple donnée dans la référence [169].

La première conclusion qui ressort de la résolution de l’équation de LLG est que, contrairement à l’intuition, seul le terme non-adiabatique en β permet de contribuer efficacement à un déplacement de la paroi dans les couches ultra-minces. D’autre part, le calcul du mouvement d’une paroi sous l’action d’un courant planaire (CIP) permet de distinguer deux régimes pour la propagation de la paroi, ce que nous avons décrit schématiquement en figure 4.1(b). Ces régimes sont très analogues à ceux qui surviennent lors de la propagation de la paroi sous l’effet d’un champ externe.

• Le premier régime est un régime qualifié de visqueux. Dans ce régime, l’angle décrivant l’orientation de l’aimantation planaire demeure constant au cours de la propagation ( ˙ = 0). La vitesse en régime stationnaire de la paroi est proportionnelle au courant, et est alors donnée par vstat.= βu/↵. Ce régime tient jusqu’à une vitesse critique uW, dont la valeur dépend de la géométrie de l’expérience et du matériau. En particulier on a uW / ↵/ |β − ↵|. Cette vitesse est souvent appelée limite de Walker, par analogie avec la propagation sous l’effet d’un champ externe. Puisque la vitesse u est proportionnelle au courant électronique J, la limite de Walker correspond de manière équivalente à un courant critique JW.

4.1 Contexte • Le second régime, dit précessionnel, s’établit au-delà de ce courant limite JW. Dans ce régime, le courant de spin, trop intense, conduit à la précession de l’aimantation planaire, et la vitesse de la paroi s’effondre. Avec la précession, la paroi avance et recule périodiquement, conduisant à un mouvement global vers l’avant, mais beaucoup plus lent que dans le régime visqueux. La vitesse moyenne de ce mouvement pour les grands courants est donnée par ¯vlim= u (1 + ↵β) /+1 + ↵2, ⇠ u, ce qui peut s’interpréter comme la conservation du moment cinétique.

Dans les deux cas, la direction de la propagation de la paroi a lieu dans une direction imposée par le signe de β et de la polarisation des électrons P . Dans les métaux de transition, on peut s’attendre à P > 0 et β > 0. La paroi est alors supposée se propager dans la même direction que la propagation des électrons. Dans certains matériaux, cependant, et notamment le semiconducteur (Mn,Ga) As, des propagations à l’encontre du mou-vement des électrons ont été interprétées comme résultant d’une polarisation en spin du courant électronique négative [172].

Dans la pratique, on souhaite déplacer les parois le plus rapidement possible, tout en gardant des courants faibles pour des questions de consommation énergétique, mais également pour éviter de surchauffer le matériau par effet Joule. Ceci est important afin d’accéder efficacement aux données dans des systèmes comme la race-track memory, sans toutefois effacer l’information en dépassant la température de Curie, ou même détruire le matériau. Pour déplacer rapidement la paroi, on pourrait souhaiter avoir une grande valeur de β, par rapport

à l’amortissement ↵, de façon à ce qu’elle se propage vite en régime visqueux (vstat. = βu/↵). Dans ce cas

cependant, la vitesse critique uW / ↵/ |β − ↵| est atteinte à des courants plus faibles, et on ne gagne pas en efficacité. On est donc en principe limité à une vitesse de l’ordre de la constante u = JP gµB/ (2eMs).

Des expériences récentes ont cependant soulevé des questions sur la validité de ce modèle. Même dans le cas d’une monocouche magnétique, il semble que les couples de transfert de spin induits par un courant dans le plan de la couche (CIP) ne suffisent pas à expliquer l’ensemble des observations expérimentales. Dans certains matériaux, où la couche magnétique repose sur un substrat présentant un fort couplage spin-orbite, les parois atteignent des vitesses très élevées sous courant. Il est donc nécessaire de raffiner le modèle des mécanismes conduisant à la propagation.