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3.3 Relations multimodales dans le mod` ele Bijama

3.3.3 Dynamique du mod` ele : Activations coh´ erentes

Comme pr´esent´e au chapitre 2, les unit´es du mod`ele se comportent comme des neurones `a prototype. Nous avons ´egalement soulign´e dans ce mˆeme chapitre, ainsi que dans la section 3.3.1, que l’unit´e effectue une reconnaissance globale ARg, qui est la conjonction («ET» logique) de reconnaissances«thalamiques»(entr´ees externes) et corticales (d´etection d’une bulle d’activit´e

A? dans une bande modulaire provenant d’une carte donn´ee). Cette activit´e de reconnaissance globaleARg d’une unit´e est mise en comp´etition avec celle des autres unit´es de la carte, ce qui se traduit par la construction d’un profil d’activit´es A? au sein de la carte, formant l`a aussi une«bulle»d’activit´e autour de celles qui ont la meilleure reconnaissance globale. Ainsi, si l’on poursuit l’exemple de la figure 3.9, une unit´e de la carte P effectue une reconnaissance thalamique et une reconnaissance corticale li´ee `a la position de l’´eventuelle bulle A? apparaissant dans la bande concern´ee de la carte associative R. De mˆeme pour les cartes Q et S. Les unit´es de la carte associative, elles, n’ont pas d’entr´ee externe, mais ont trois entr´ees corticales, qui correspondent `

a trois bandes modulaires (cf. figure 3.12). L’activit´e globale qui sert de base au calcul de A?

dans la carte associative est la conjonction de la d´etection de bulles d’activit´eA? dans les cartes P, Q et S, `a des positions particuli`eres au sein de chacune des bandes.

Bulles d’activite instables Bulles d’activite stables carte

associative carte associative

Fig.3.13 – Concordance des bulles d’activit´es dans les cartes li´ees : Lorsque les bulles d’activit´e ne sont pas en vis-`a-vis (`a gauche), elles sont instables, car elles s’affaiblissent les unes les autres `

a travers les liaisons inter-cartes. En revanche, lorsque les zones d’activation sont en vis-`a-vis, elles se renforcent, conduisant ainsi `a une situation stable (`a droite).

On constate ainsi que la comp´etition au sien d’une carte dans le mod`ele, d`es lors que des bandes modulaires sont impliqu´ees, se fonde sur une reconnaissance corticale, bas´ee sur les A?

d’une carte distante, et donc sur le r´esultat de la comp´etition d’une autre carte. La comp´etition au sein de la carte P, par exemple, d´epend du r´esultat de celle de la carte associative. Or cette derni`ere d´epend aussi du r´esultat de la comp´etition de la carte P (tout comme de celle des cartes Q et S). On voit ainsi que les comp´etitions sot toutes fortement coupl´ees. La dynamique observ´ee est la suivante (on se restreint au cas o`u une seule bulle deA?apparaˆıt dans chaque carte). Si les quatre bulles sont telles que celle de la carte associative est `a l’intersection (lorsqu’elle existe) des trois bandes modulaires o`u apparaissent les autres bulles, le syst`eme est stable car chaque bulle favorise la pr´esence des autres. Si, en revanche, on a un ´etat du type de celui de la figure 3.11, du fait du«ET»logique r´ealis´e dans les unit´es, aucune unit´e de la carte associative ne b´en´eficie de la conjonction d’une reconnaissance corticale provenant des cartes P, Q et S. Aucune bulle stable n’apparaˆıt dans la carte associative, et donc aucune unit´e au sein d’une bulle dans les carte P, Q et S ne se voit syst´ematiquement renforc´ee par l’apport d’une reconnaissance corticale fiable. Il en r´esulte que le syst`eme est alors en d´es´equilibre (cf. figure 3.13).

En pratique, le syst`eme reste en d´es´equilibre jusqu’`a trouver une configuration stable des quatre bulles, du type de celle de la figure 3.12. Le syst`eme de connexion, ainsi que le couplage des comp´etitions entre les cartes, assure donc ceci : les bulles d’activit´e A? se stabilisent sur des lieux connect´es entre eux. Si l’on ajoute `a cela que cette activit´e A? est celle qui module l’apprentissage, comme on le verra au chapitre 5, et en particulier l’apprentissage»thalamique»

des cartes P, Q et S, on comprend que l’auto-organisation des prototypes thalamiques fait que les ´ev´enements li´es, appris en mˆeme temps `a des endroits connect´es, sont repr´esent´es par des unit´es effectivement li´ees sur la carte.

Nous verrons au chapitre 6 que le m´ecanisme de couplage des comp´etitions, et l’apprentissage qui en d´ecoule, conduit `a ce que nous appelons apprentissage coh´erent : l’apprentissage, bien que local `a chaque unit´e, donne lieu `a l’´emergence d’une organisation des prototypes au sein des cartes, assurant que des ´ev´enements correspondant aux diff´erentes modalit´es d’un mˆeme ´

ev´enement soient physiquement reli´es dans l’architecture, alors que la connectivit´e en bande modulaire est partielle.

Le pr´esent chapitre a montr´e que l’emploi d’une connectivit´e totale pour r´ealiser la liaison entre les cartes corticales charg´ees des diff´erentes modalit´es ´etait irr´ealisable. L’emploi d’une connectivit´e partielle par bandes modulaires, inspir´e de la biologie corticale, s’est av´er´e suffisant pour permettre la prise en compte d’´ev´enements relatifs `a une modalit´e donn´ee dans une carte correspondant `a une autre modalit´e. Nous avons expos´e les contraintes qui p`esent alors sur l’activation des unit´es dans notre mod`ele : les unit´es des cartes reli´ees ayant une activit´e A?

stable sont en vis-`a-vis, situ´ees dans des bandes modulaires connect´ees les unes aux autres. Pour le montrer, nous avons dˆu supposer que les ´ev´enements d´etect´es dans les cartes corticales de notre mod`ele ´etaient des «bulles» d’activit´e A?, sans expliciter comment ces bulles ´etaient form´ees. C’est l`a l’objet du prochain chapitre, qui expose comment un m´ecanisme de comp´etition local permet de faire ´emerger au niveau global d’une carte cortical la pr´esence d’une telle bulle d’activit´e.

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Comp´etition locale dans les mod`eles

d’inspiration corticale

On parle aujourd’hui en informatique de«Decision Making», c’est-`a-dire d’algorithmes qui prennent une d´ecision. Or qu’est-ce que d´ecider, si ce n’est trancher une question, analyser les multiples aspects d’une situation pour faire un choix, correspondant `a un objectif donn´e. Du point de vue de l’information, d´ecider, c’est r´eduire une information riche en une information des plus pauvres qui soit : acceptation ou rejet, par exemple. Cette r´eduction est le point difficile de toute d´ecision, car il faut qu’elle soit pertinente au regard de crit`eres parfois incertains, ou dont le rapport avec l’information `a r´eduire n’est pas facilement explicitable. D´ecider, c’est bifurquer, et prendre le risque de se priver de tous les possibles encore envisageables avant la d´ecision. Mais c’est aussi une r´eduction d’information tr`es pr´ecieuse : pouvoir d´ecider ou non de d´eclencher une alarme incendie, d’apr`es plusieurs indices (temp´erature, fum´ee, ...) peut sauver des vies.

Pour r´esumer, d´ecider, c’est r´eduire l’information pour lui donner un sens et la rendre ex-ploitable. Ainsi, passer des innombrables pixels qui composent la photo d’une pomme au mot

«pomme»est un acte de r´eduction, qui r´esulte d’une succession de d´ecisions op´er´ees par l’en-semble du cerveau. C’est en ces termes de r´eductions, qui se combinent, se compl`etent, s’au-tod´eterminent, que peuvent ˆetre consid´er´es les calculs effectu´es par les diff´erents modules qui composent notre mod`ele. Au sein de chaque module, la r´eduction constructive d’information, qui est une d´ecision a priori locale, est un effet ´emergent de la mise en comp´etition de plusieurs calculs. Il s’agit donc d’une d´ecision collective, dont l’aspect ´emergent ressemble `a ceux obser-v´es dans les automates cellulaires (cf. chapitre 1), est le choix d’activer quelques unit´es parmi l’ensemble, qui sont consid´er´ees comme repr´esentatives des entr´ees actuellement pr´esent´ees au r´eseau. Dans le cadre multimodal pr´esent´e au chapitre 3, il est important de pr´eciser que ce choix se fait s´epar´ement au niveau de chaque modalit´e. On parle de comp´etition locale : les unit´es d’une mˆeme carte rentrent en comp´etition pour l’activation.

Dans ce chapitre, nous ´etudions la notion de comp´etition locale dans les mod`eles de cortex, dans la mesure o`u c’est l’existence d’une d´ecision au niveau de chaque parcelle de tissu cortical qui nous apparaˆıt ˆetre la cl´e de la souplesse et de la pertinence des d´ecisions globales prises par les humains lors de leur comportement. Le m´ecanisme de comp´etition est, par l`a-mˆeme, indis-pensable `a l’insertion de la perception dans le comportement. Dans les mod`eles informatiques du cortex, cette d´ecision est ´elabor´ee collectivement par les unit´es qui composent un module, par l’entremise d’un processus de comp´etition.

Nous abordons tout d’abord l’origine de la notion de comp´etition locale, tant math´ematique que biologique. Nous ´etudions ensuite les algorithme de comp´etition Winner-take-most, et parmi

eux le mod`ele des cartes auto-organisatrices de Kohonen, qui permet de r´ealiser la comp´etition locale sur l’´equivalent d’une maxicolonne corticale. Ensuite, nous nous int´eresserons `a un mod`ele de comp´etition local, les champs neuronaux, appel´e CNFT (Continuum Neural Field Theory), et aux avantages qu’ils apportent dans la mise en œuvre du processus de comp´etition. Enfin, nous montrerons comment notre propre mod`ele r´ealise la comp´etition : Il s’inspire des mod`eles pr´ec´ e-demment cit´es, mais s’en ´ecarte pour permettre de lier la comp´etition aux relations multimodales ´

etudi´ees au chapitre pr´ec´edent.

4.1 La comp´etition au cœur de l’auto-organisation

Lorsqu’on consid`ere le cortex et les mod`eles qui en ont ´et´e propos´es, il apparaˆıt qu’un ne peut pas dissocier la notion de comp´etition de celle d’auto-organisation dans ce cadre. En effet, le tissu cortical semble s’organiser de lui-mˆeme en fonction de l’information qu’il traite, ce qui est r´ealis´e dans les mod`eles informatiques par un apprentissage comp´etitif, dont on trouvera une excellente pr´esentation dans [Fritzke, 2006]. Cette capacit´e d’auto-organisation nous parait ˆetre au cœur de l’extrˆeme souplesse dont fait preuve le tissu cortical en ce qui concerne la r´epartition des calculs `a sa surface.

En effet, bien qu’il existe une relation d’une part entre la nature et la localisation des entr´ees que re¸coit le cortex, et le type de calculs qui s’effectuent dans une r´egion donn´ee du cortex d’autre part, cette relation apparaˆıt assez peu fig´ee, et prˆete `a ˆetre remise en cause pour s’adapter `a un changement du monde ext´erieur ou `a une d´egradation du tissu cortical. Nous avons par exemple mentionn´e au chapitre 2 que les aveugles de naissance ont un cortex occipital impliqu´e dans l’in-t´egration d’informations tactiles. Chez eux comme chez les voyants, cette partie du cortex a la particularit´e d’ˆetre li´ee `a un noyau du thalamus, le corps genouill´e lat´eral. Or, chez les voyants, c’est au niveau de ce noyau que sont rassembl´ees les informations provenant de la r´etine, et cet afflux conditionne l’organisation du cortex occipital pour traiter l’information visuelle par des filtres tr`es d´edi´es, de type filtres de Gabor [Daugman, 1988]. La comparaison avec le cortex occipital des aveugles montre que le mˆeme tissu cortical, selon qu’il est destinataire ou non d’in-formations visuelles, peut assumer des fonctions li´ees `a des modalit´es aussi diff´erentes que vision et toucher. Il en va de mˆeme des r´eorganisations observ´ees en cas de l´esions [Siroh et al., 1996]. On comprend ais´ement que de telles capacit´es de calcul, pour lesquelles la relation entre le substrat et l’information qu’il traite est aussi«flottante», retiennent l’attention des disciplines de traitement de l’information. La mod´elisation de des processus est d´esign´ee dans ces disci-plines par le terme d’apprentissage non supervis´e, qui est un terme regroupant les techniques de quantification vectorielle, qui nous d´etaillons dans ce chapitre. Les mod`eles d’auto-organisation corticale sont inclus dans cet ensemble de techniques, mais ont la particularit´e d’effectuer cette quantification en respectant un crit`ere de topologie. Quantification vectorielle et conservation de la topologie de l’information sont les deux faces d’une mˆeme pi`ece, `a savoir la nature tr`es parti-culi`ere de la comp´etition qui sous-tend les processus d´ecisionnels s’op´erant sur toute la surface corticale.