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Dynamique de la douve au sein de la manade non traitée

Chapitre 2 : Dynamique de population de Fasciola hepatica dans la faune

III. Dynamique de la douve au sein de la manade non traitée

Notre deuxième objectif est de comprendre la dynamique de transmission des douves au sein de la manade de la Tour du Valat qui ne reçoit aucun d'antihelminthique. Pour cela, l’étude de la génétique des populations de douves, nous permettra de connaitre la structuration des douves et les échanges au sein du troupeau.

En effet, la génétique des populations fournit un moyen de comprendre certains processus des populations parasitaires tels que les modèles de dispersion, la démographie, les systèmes d'accouplement, la transmission, qui ont tous des implications importantes pour l'épidémiologie (Criscione et al., 2005; de Meeûs et al., 2007; Nadler, 1995). Plusieurs études ont montré que les pratiques d'élevage et de gestion des troupeaux peuvent affecter la structure des populations de parasites (Grillo et al., 2007). Il a été suggéré que les déplacements des hôtes définitifs est un facteur clé pour maintenir des niveaux élevés de flux de gènes chez F. hepatica (Bazsalovicsová et al., 2015; Semyenova et al., 2006). Cette hypothèse est étayée par les résultats de plusieurs études précédentes sur la génétique de F. hepatica. Par exemple, dans une étude de Vilas et al., (2012) en Espagne, la comparaison de la génétique des douves issues de moutons et de vaches a révélé une structure génétique beaucoup plus marquée chez les douves de moutons que chez celles de vaches. Les auteurs expliquent cela par le fait que les moutons étaient dans des zones de pâturage restreintes alors que les vaches laitières provenaient de plusieurs fermes et pâturaient sur de très grandes superficies. De plus, les échanges de bovins et le partage des prairies entre les fermes ne sont pas rares, de sorte que les vaches ont de nombreuses occasions de pâturer dans plusieurs champs partagés. Ces conditions facilitent la dispersion des parasites provenant de différentes fermes, ce qui augmente la probabilité d'un flux de gènes entre les populations géographiques proches. De même, à Cuba, (Vázquez et al., 2016) ont montré, dans la plupart des cas, une absence de différenciation entre localités chez des douves provenant de bovins et de buffles sur l'île de Cuba, où les transports d’animaux entre les différentes régions sont fréquents. Une autre étude en Grande Bretagne a montré qu’il n’y avait aucune structuration génétique entre les parasites de moutons et de bovins, indiquant une panmixie et un flux génétique élevé (N.

Beesley et al., 2017). Au Royaume-Uni, les animaux sont fréquemment déplacés et circulent entre régions, et il est probable que les mouvements de bétail au Royaume-Uni contribuent au flux génétique élevé observé. Même une faible dispersion peut annuler toute structure de population observée. Dans le contexte de la Camargue, nous devrions nous attendre à n'avoir dans un même élevage, aucune structuration et un flux de gène important entre les différents lots. En effet, les individus pâturent sur de grande surface et les veaux restent un an avec leurs mères, permettant des échanges de douves par la suite avec les autres lots.

Nos résultats indiquent que les populations de douves de la manade de la Tour du Valat

sont à l’équilibre d’Hardy Weinberg, avec un FIS moyen non significatif de 0,027 ± 0,07

SD, et un fort polymorphisme allélique (4 à 25 allèles par locus). Ces résultats sont indicateurs d’une prédominance de l’allofécondation dans ces populations de douves, ce qui est en accord avec les précédentes études (N. Beesley et al., 2017; Vazquez-Prieto et al., 2015; Vilas et al., 2012). De plus, nous n’observons pas dans ces populations de différenciation génétique (FST moyen non significatif de 0,026 ± 0,03 SD) ni de structuration à l’exception de trois infra-populations taureaux qui sont significativement différenciées des autres. Tous ces résultats montrent qu’il n’y a aucune structuration génétique entre les infra-populations de douves, et qu’il existe un flux de gènes important entre les différents lots de l’élevage. Dans notre étude, ce flux de gènes peut-être attribué au fait que les bovins analysés appartiennent à la même race, et sont originaires de la même manade (Tour du Valat). Cependant, le mode de vie des animaux peut aussi grandement influencer le flux de gènes. Les bovins de la Tour du Valat pâturent toute l’année sur de vastes territoires (environ 4 taureaux par hectare), ce qui augmente l’exposition des individus à la fasciolose et favorise en l’absence de traitement leur infestation tout au long de l’année. Les individus fréquentent en effet plusieurs sources de contamination au fil du temps. Par ailleurs, nous observons très peu de clonalité et une très forte diversité génotypique : seulement 36 génotypes multilocus (GTLM) identiques pour 655 GTLM au total. Pour chaque GTML, plusieurs copies se retrouvent dans le même animal, mais certains sont aussi partagés par plusieurs bovins. Les bovins qui partagent les mêmes génotypes multiclonaux n’appartiennent pas forcément aux mêmes lots. Par exemple, un mâle et une femelle d’âge différent, abattus deux années distinctes peuvent héberger des douves de même génotype multilocus. Cette faible clonalité peut être expliquée par la longévité de F. hepatica chez les bovins qui est moins longue que

chez les moutons (Durbin et al, 1952). En effet, il a été montré qu’un mécanisme tardif de défense permettrait d'éliminer 80 % des douves installées dans les canaux biliaires 6 mois après l’infestation chez les bovins (Doyle, 1972). Il est donc possible que les animaux s’infestent tout au long de l’année, et à différents endroits au gré de la rotation des pâtures.

Il a été démontré que plus la diversité génétique des populations est importante, plus la probabilité de l’apparition de douves résistantes aux anti-helminthiques est élevée (Vázquez et al., 2016). Il est donc très important de comprendre les conséquences des traitements, à la fois sur les hôtes définitifs et sur la diversité de la douve.

IV. Dynamique de la douve entre des troupeaux traités et non