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Dynamique d’ascension

IV. Ascension capillaire de fluides à seuil

IV.5 Expériences d’ascensions du Carbopol

IV.5.5 Dynamique d’ascension

On s’intéresse désormais à la dynamique d’ascension, et non plus uniquement à la hau-teur maximale atteinte. On trace sur la figure IV.21 six courbes h(t), associées aux points de la figure IV.19. Elles représentent toutes des ascensions horizontales de Carbopol à 0,5 %. Quatre gels différents ont été utilisés (représentés par quatre types de lignes sur la figure). On constate que les hauteurs maximales ne sont pas les mêmes, ce qui n’est pas surprenant, comme nous l’avons déjà discuté (partie IV.5.1). Concernant la dynamique, on constate que dans les premiers temps, la pente (en échelle log-log) de la courbe h(t) est similaire pour les cinq expériences. On extrait alors une de ces courbes que l’on trace sur la figure IV.22, afin de voir quels paramètres de la loi d’Herschel-Bulkley donneraient le meilleur ajustement, dans l’hypothèse où une loi d’Herschel-Bulkley pour le comporte-ment du fluide permet d’ajuster les points expéricomporte-mentaux de cette courbe. Étant donné les résultats de rhéologie de la partie IV.3.3.3, on essaye en premier lieu naturellement d’ajuster (par la méthode des moindres carrés) la courbe expérimentale à l’aide de la loi théorique (IV.16) avec un exposant 0,5. On obtient la courbe bleue. On constate que dans les premiers temps, cet ajustement donne une ascension trop lente (pente plus faible que la

courbe expérimentale). Sachant que pour les temps courts, on a h ∼ tn/(n+1), l’exposant n

qui ajusterait mieux les données serait supérieur à 0,5. On essaye alors l’ajustement dans le cas limite n = 1, représenté par la courbe grise. À l’inverse, cet exposant donne une ascension trop rapide par rapport à la réalité. L’exposant qui permet d’ajuster le mieux les données est en fait n = 0.66, ce qui correspond à la courbe rose. Cet ajustement décrit bien les points expérimentaux.

On a donc trouvé d’une part qu’une loi d’Herschel-Bulkley avec n = 0,5 décrivait bien la rhéologie du Carbopol dans le rhéomètre et d’autre part qu’une loi d’Herschel-Bulkley

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Fig. IV.21:Hauteurs d’ascension h en fonction du temps t pour six expériences réalisées avec quatre gels différents (représentés chacun par un type de ligne) ; rugosité des surfaces r ∼ 20 µm

Fig. IV.22:Dynamique d’ascension d’un gel de Carbopol à 0,5 % (points noirs) ; les courbes en trait continu représentent les ajustements à l’aide d’une loi d’Herschel-Bulkley de puissance 1/2 (courbe bleue), 2/3 (courbe rose) et 1 (courbe grise).

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avec n = 0,66 décrivait bien les courbes d’ascension du Carbopol. On peut donc se deman-der légitimement pourquoi on décrit de deux manières incompatibles deux dynamiques d’un même fluide. En fait, une partie de la réponse réside dans le fait que le fluide n’est pas sollicité de la même manière dans les deux expériences. Dans les études rhéologiques, on effectue chaque point de mesure (à une valeur de gradient de cisaillement ˙γ) grâce à un cisaillement imposé pendant une durée de 40 s. Mais le Carbopol, lors d’une ascension, ne subit pas les différents cisaillement pendant la même durée. On trace sur la figure IV.23 le cisaillement moyen du Carbopol lors de l’ascension présentée sur la courbe IV.22, calculé par :

˙γmoyen = dh/dt

e/2 (IV.20)

On voit donc clairement que les gradients les plus élevées (autour de 2 s−1) ne sont

res-Fig. IV.23:Évolution au cours du temps du gradient moyen de cisaillement pour l’expérience relative à la figure IV.22

sentis par le Carbopol que très peu de temps, puisqu’on les atteint autour de t = 10−1 s.

À t = 10 s, le cisaillement n’est plus que de 10−1 s−1. Les 40 s que l’on passe sur chaque

point de mesure dans le rhéomètre ne reflètent donc pas du tout ce qui se passe pour le Carbopol lors de son ascension. Il est en fait cisaillé très peu de temps à de forts taux de cisaillement, et en revanche beaucoup plus longtemps dans des gammes de taux de cisaillement faibles.

Pour essayer de reproduire, lors de mesures rhéologiques, ce mode de sollicitation, on a effectué sur le même échantillon de Carbopol deux expériences qui diffèrent au niveau du temps passé à chaque gradient de cisaillement. Le nombre de points de mesure est identique dans les deux expériences. L’une applique, comme d’ordinaire, chaque taux de cisaillement voulu pendant 40 s, alors que l’autre applique chaque taux de cisaillement pendant une durée qui décroît logarithmiquement avec le cisaillement imposé : de 0,05 s

IV.5. Expériences d’ascensions du Carbopol 113

plus faible (10−3 s−1), de façon à ce que ˙γ ait la même évolution temporelle que lors

des ascensions. On obtient les deux courbes d’écoulement présentées sur la figure IV.24. On constate qu’à faible taux de cisaillement, on retrouve la même contrainte, ce qui est

Fig. IV.24:Courbes d’écoulement obtenues en appliquant des taux de cisaillement de deux ma-nières différentes :

correspond à une durée constante de mesure (40 s) quel que soit le taux de cisaillement ; correspond à une augmentation logarithmique de la durée de mesure lorsque le taux de cisaillement diminue ; les courbes en trait plein sont les ajustements d’Herschel-Bulkley associés ; les courbes se rejoignent pour un taux de cisaillement dont l’inverse donne un temps typique des relaxations de contraintes, il est proche de tc, le temps caractéristique du fluide déterminé par la loi d’Herschel-Bulkley.

logique dans la mesure où le Carbopol est, dans les deux cas, cisaillé plusieurs dizaines de secondes, qui est un temps suffisant pour observer la relaxation des contraintes et arriver à un régime permanent. En revanche, la courbe tracée à l’aide d’une durée variable pré-sente des contraintes plus importantes pour les valeurs élevées du taux de cisaillement. Si l’on ajuste ces deux courbes d’écoulement par une loi d’Herschel-Bulkley, on trouve un très bon accord, y compris avec la nouvelle méthode de sollicitation à durée variable. Les paramètres de ces ajustements sont récapitulés dans la table IV.2. On constate que

Méthode τ0 (Pa) n K (Pa·sn ) tc (s)

Durée constante avec ˙γ 16,6 0,50 9,8 0,34

Durée variable avec ˙γ 17,3 0,64 9,4 0,39

Tab. IV.2: Valeurs obtenues par les ajustements des courbes de la figure IV.24

l’on retrouve l’exposant n = 0,5 lorsque la durée de sollicitation est constante, et que l’exposant de la courbe à durée variable est n = 0,64, soit un exposant très proche de la valeur 0,66 qui ajustait au mieux la courbe d’ascension de la figure IV.22. On peut alors reprendre cette courbe et regarder ce que donnent les paramètres des deux ajustements

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rhéologiques (table IV.2) injectés dans l’équation théorique d’ascension (IV.16). On ob-tient la figure IV.25. La courbe bleue correspond à une durée de sollicitation constante

Fig. IV.25:Dynamique d’ascension et courbe d’ascension théorique utilisant les paramètres rhéo-logiques obtenus par les ajustements par la loi d’Herschel-Bulkley (cf. table IV.2) ; courbe bleue : n = 0,5 et courbe rose : n = 0,64

avec le taux de cisaillement (non représentative de ce que subit le Carbopol). De la même façon que lors des ajustements présentés sur la figure IV.22, cette courbe est assez éloi-gnée des données expérimentales et la pente aux temps courts n’est pas pertinente. En revanche, la courbe rose, qui correspond à la durée qui croît lorsque ˙γ diminue, est très satisfaisante. On précise que l’ascension et la rhéologie présentées sur cette courbe n’ont pas été effectuées sur le même Carbopol. Toutefois, même si ce modèle rhéologique est encore simplifié par rapport au cisaillement local entre deux plaques, cette explication est très réaliste et permet de bien expliquer le comportement observé. Dans l’idéal, il faudrait effectuer en parallèle de chaque ascension une mesure rhéologique où les durées des taux de cisaillement imposés seraient variables, à adapter selon l’expérience réalisée.

On a déterminé les paramètres de la loi d’Herschel-Bulkley qui permet de décrire la dynamique d’ascension capillaire du Carbopol. Afin de comparer les différentes ascensions entre elles, on présente ici toutes les courbes d’ascension h(t) de la figure IV.21 que l’on adimensionne. Les grandeurs sans dimension de l’ascension, définies dans la partie

IV.2.2.2, se calculent à partir des paramètres de la loi d’Herschel-Bulkley (n, τ0 et K),

de la hauteur maximale d’ascension hmax et de l’écartement e entre les plaques. On les

détermine pour chacune des six expériences. On rappelle leur expression ci-dessous :

• l’ordonnée adimensionnée est ˜h = h/hmax;

• l’abscisse adimensionnée est ˜t = t/tr avec le temps de relaxation donné par tr =

 K τ0 (1/n) 2(n+1) n hmax

e . L’exposant n est pris égal à 0,64 car cette valeur, qui décrit

bien la dynamique d’ascension, provient d’un ajustement d’une courbe rhéologique obtenue dans des conditions de taux de cisaillement similaires à ce que subit le