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Chapitre II: Matériels et Méthodes

1 La Terre Adélie - Georges V (TAGV)

1.4 Dynamique du couvert de glace en Terre Adélie George V

La banquise varie de manière saisonnière en TAGV. Elle se retire jusqu’au trait de côte en été et atteint une extension maximale jusqu’à 62°S en hiver (Fig. 27). Au niveau de DDU, le couvert de banquise est présent au-dessus du site de carottage entre février/mars et novembre/décembre, soit environ 9 mois/an (Arrigo and van Dijken, 2003; Denis et al., 2009). Généralement, la concentration de glace est supérieure à 80% d'Avril à Octobre, et la période libre de glace où la concentration est inférieure à 20%, est plus variable (0-4 mois/an) et survient entre Décembre et Mars (Fig. 27). La dynamique temporelle et l'extension du couvert de banquise sont limitées en TAGV par la proximité de l'ACC (Fig. 30) et l’intensité du couplage vents catabatiques/upwellings, qui accélèrent la destruction printanière et retarde la reformation automnale du couvert de banquise (Orsi et al., 1995 ; Arrigo and van Dijken, 2003).

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Figure 27. Images satellite MODIS de la TAGV pour la saison hivernale (à gauche) et estivale (à droite), montrant la relation entre les sites de carottage (Commonwealth Bay- CB; Dumont D'Urville Trough-DDUT) et la répartition spatiale des différentes structures géographique de la région (FI=fastice ; MYI=multi yearice ; glacier du Mertz) ainsi que le cycle saisonnier du couvert de banquise. Images disponible sur http://lance2.modaps.eosdis.nasa.gov.

1.4.2 Les polynies: ‘sea ice factory’

 Généralités

Le terme polynie provient du russe « polynya » signifiant « clairière de glace». En 1970, l’organisation météorologique mondiale a défini les polynies comme étant des surfaces d’eau libre pendant l'hiver dans des régions où la banquise est présente. Ces structures constituent des zones clés pour la circulation thermohaline, par le biais de la formation d’eau dense (Fig. 28). De plus, les polynies sont caractérisées par des fortes biomasses de phytoplancton, et constituent ainsi zones capitales pour tous les niveaux trophiques de la chaine alimentaire (ex : les colonies de manchot Adélie sont co-localisées avec des polynies côtières en Antarctique; Arrigo and van Dijken, 2003).

En Antarctique, 37 polynies ont été identifiées autour du continent entre 1997 et 2002 (Arrigo and van Dijken, 2003). De taille variable (plusieurs dizaines à centaines de km2), ces structures permettent d’importants échanges de flux d’énergie entre l’océan et l’atmosphère. En effet, au cours de l’hiver le flux de chaleur océanique des polynies vers l'atmosphère est estimé deux fois supérieur à celui du pack ice (Maykut et al.,1978). Ainsi, même les polynies

56 de taille réduite peuvent avoir un impact conséquent sur les flux de chaleur à l'échelle régionale (Adolphs and Wendler, 1995).

 Formation des polynies

Les polynies se forment grâce à la convergence de facteurs atmosphériques et/ou océaniques tels que la force, la direction et la fréquence du vent et des courants, la distribution des masses d’air et d’eau, mais aussi de paramètres géographiques comme la bathymétrie, le trait et le relief de la côte, la présence de langue de glace, etc. (Maqueda et al., 2004). Suivant la persistance/récurrence des mécanismes qui les engendrent, les polynies sont des phénomènes plus ou moins récurrents. On distingue généralement deux types de polynies (Fig. 28).

Figure 28. Caractéristiques et formation des polynies en Antarctique.

La polynie à chaleur sensible est liée à un apport de chaleur océanique (Maqueda et al., 2004), le plus souvent par upwelling (Fig. 28). Ces polynies sont généralement étendues etsont caractérisée par une faible production de glace de mer. Du fait de son origine (océanographique), une telle structure apparait souvent dans des régions profonde au large, où la couche de surface froide est séparée des eaux sous-jacentes plus chaudes par une faible pycnocline rendant possible les mouvements de convection verticale (ex: Weddell Sea Polynya ou Maud Rise Polynya; Comiso et al., 2000).

A l'inverse, les polynies à chaleur latente (Fig. 28) sont de taille plus réduite et généralement localisées en milieu côtier. Ces structures sont liées à l'action des vents de surface ou courants océaniques (Zwally et al. 1998 ; Maqueda et al., 2004). Ainsi, dans les zones littorales

57 l’impact des vents catabatiques permet la formation de glace en surface qui est continuellement formée et exportée plus au large, provoquant ainsi le maintien de conditions d’eau libre près de la cote (Fig. 28). Certaines polynies ont des taux de production de glace très élevés (ex : 390 km3/an pour la polynie de Ross et 181 km3/an pour la polynie de Darnley en Antarctique de l’Est; Tamura et al., 2008), et sont de ce fait qualifiées d’usines à glace. L’étendue de ces polynies peut également être liée de la présence de structures géographiques telles qu'une baie ou langue de glace, comme pour la polynie du Glacier de Mertz (Arrigo and van Dijken, 2003).

 Les polynies en TAGV

La polynie du Glacier de Mertz (MGP-Mertz Glacier Polynya), située dans la partie orientale de la TAGV entre 142 °E et 146°E (Fig. 29), est le résultat de l'action de vents catabatiques extrêmement violents et persistants dans la région, combinée à la présence de la langue de glace du Glacier de Mertz ou MGT (Mertz Glacier Tongue). En effet, la MGT agit comme une barrière en amont de la polynie aux courants côtiers de glace entrainés le long de la cote par les Easterlies, et permet ainsi l'extension de la polynie vers l'Ouest et le Nord (Frezzotti et al., 1998). L’addition de ces phénomènes confère à la MGP une dynamique importante (production de glace de mer, activité biologique, formation d’eau dense ; Arrigo and van Dijken, 2003 ;Tamura et al., 2008 ; Kusahara et al., 2011).

La MGP a une superficie de presque 6,000 km2 en hiver (concentration de glace ≤ 10%; Arrigo and van Dijken, 2003), soit un facteur de près de quatre fois inférieur à la taille de la polynie de Ross, la plus importante en Antarctique. Toutefois, avec une production de glace annuelle d'environ 120 ± 11km3, la MGP est la 3ème polynie la plus productive en Antarctique (Tamura et al., 2008). De plus, de récentes études montrent que la production d'eau dense et donc d'ALBW dans cette zone contribue à hauteur de 25% à l'AABW, ce qui en fait la troisième source après la Ross Sea Bottom Water (RSBW) et la Weddell Sea Bottom Water (WSBW) (Rintoul et al., 1998; Jacobs et al., 2004; Meredith et al., 2013). Egalement très productive, l’activité biologique dans la MGP peut se maintenir durant trois mois en hiver ce qui conduit à une productivité primaire (PP) annuelle d'environ 65 g.C.m-2, soit globalement trois fois moins qu'en Mer de Ross ou d'Amundsen, deux des zones les plus productives en Antarctique (Arrigo and van Dijken, 2003).

58 Plus à l’Ouest le long de la cote, la polynie de Dumont D'Urville (DDUP-Dumont d’Urville Polynya) (66.11°S-139.31°E) est plus réduite (Fig. 29), avec une taille d'environ 1,000 km2 (concentration de glace ≤ 10%; Arrigo and van Dijken, 2003). Contrairement à la MGP, la DDUP s’étend plutôt le long de la cote linéairement sous l’action de vents catabatiques, et peut être modulée saisonnièrement et localement par le développement et l’ancrage de fastice et d’icebergs au dessus des hauts fonds de la zone (Massom et al., 2009). Toutefois, la DDUP est très productive avec une PP annuelle d'environ 55 g.C.m-2, mais à la différence de la MGP, l'activité biologique connait généralement deux pics de productivité fin Décembre et début Mars (Arrigo and van Dijken, 2003).

Figure 29. Image satellite MODIS montrant la relation entre les sites de carottage et la répartition spatiale de la polynie de Dumont D’Urville (DDUP) et de la polynie du Glacier de Mertz (MGP) en TAGV.

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