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La prise en compte de l’environnement par les textes internationaux issus d’instances ou de sommets internationaux a été relativement tardive. À cet effet, force est de reconnaître que la jurisprudence a annoncé des principes relatifs à la protection de l’environnement des États (B) avant même que des textes à portée internationale voient le jour (A).

A – Les textes internationaux

La question de l’environnement a été l’objet de conventions et de sommets internationaux vu l’intérêt que les États ont porté à son égard comme étant l’un des droits fondamentaux de l’Homme, sans pour autant qu’il ne soit consacré en tant que tel dans l’ensemble des Constitutions des pays méditerranéens. En effet, plusieurs Conventions internationales consacrent la reconnaissance d’un droit de l’Homme à l’environnement. Nous rappellerons ci-après les plus significatives73.

73 MOLINER-DUBOST, Le droit de chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé, R.J.E. 4 / 2003, p. 431 et s. ; PANNATIER, L’environnement, objet ou sujet de droit international ? Personne, société, nature, Scmidlin Bruno (dir.), Fribourg 1996, p. 143 et s. ; SMETS, Une Charte des droits fondamentaux sans droit de l’environnement, R.E.D.E. 4/2001, p. 383 et s. ; SUDRE, La protection du droit à l’environnement par la Convention européenne des droits de l’homme. Colloque CEDES des 6 et 7 octobre 1994 ; MARGUENAUD, Inventaire raisonné des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme relatif à l’environnement. Revue européenne de droit de l’environnement, 1, 1998, p. 5 et s. ; KISS, Peut-on définir le droit de l’homme à l’environnement ? R.J.E., 1976, p. 15.

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– La Convention européenne des droits de l’homme74

La Conférence européenne sur la conservation de la nature, organisée à Strasbourg en 1970 par le Conseil de l’Europe, a proposé l’élaboration d’un protocole à la Convention européenne des droits de l’homme garantissant à chacun le droit de jouir d’un environnement sain et non dégradé.

Ce protocole devait consacrer le droit de respirer un air et boire une eau raisonnable, exempts de pollution, le droit de se protéger contre les bruits excessifs et les autres nuisances et le droit à un accès raisonnable au littoral, à la campagne et à la montagne.

Malheureusement, cette proposition fut reprise sans résultat par une recommandation (720) de 1973 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Malgré l’absence de dispositions spécifiques à l’environnement dans la Convention, plusieurs décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme ont reconnu une atteinte à un droit lié indirectement à la protection de l’environnement (cf. Arrêt Zander contre Suède où la Cour qualifie le droit de jouir d’une eau non polluée comme un droit de caractère civil auquel s’applique l’article 6-1, reconnaissant ainsi à un propriétaire un droit subjectif à un environnement sain : C.E.D.H .25 novembre 1993, A, n.279 B75 ;

cf. Arrêt Lopez – Ostra c/ Espagne : une nuisance grave constitue aussi selon la Cour une ingérence dans la vie privée qui viole l’article 8 de la Convention : C.E.D.H. 9 décembre 1994, A, n.303-C76).

– Le Principe de Stockholm77

À l’issue de la Conférence de Stockholm en juin 1972, plusieurs textes furent adoptés.78

La déclaration sur l’environnement lie dans son préambule, les problèmes environnementaux des pays en développement à l’état de « sous-développement », et en même temps les problèmes environnementaux des pays développés à la situation « d’industrialisation ». Il démontre aussi les vertus d’un partage des tâches entre les citoyens, les collectivités et les gouvernements.

Vingt-six principes suivent le préambule.

La Déclaration de Stockholm dispose en effet que « l’homme a un droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien- être. Il a le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures » (principe 1).

74 ANGERS, DEJEANT-PONT, Le droit de l’homme à l’environnement, droit fondamental au niveau européen dans le cadre du Conseil de l’Europe et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Revue Juridique Européenne 4-1994, p. 373 s. ; FLAUSS, Actualité de la C.E.D.H., A.J.D.A., 1995, p. 214, A.J.D.A., 1996, p. 380.

75 Recueil de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (C.E.D.H.), série A, nº279-B, p. 38, paragraphe 22. 76 C.E.D.H., 9 décembre 1944, Lopez – Ostra c/Espagne, série A, n.303-C, J.C.P. 1995 (Semaine Juridique), G, 1, 3823, chronique F. SUDRE.

77 La Conférence des Nations Unies sur l’environnement humain rassemble à Stockholm environ 1 500 délégués représentant 113 pays de toutes les régions du monde, 40 organisations intergouvernementales, et près de 600 observateurs de 250 organisations non gouvernementales. Elle s’ouvre le 5 juin 1972 et le secrétaire général de la conférence souligne d’emblée que le thème « Environnement et Développement » constituera l’un des thèmes principaux de la conférence.

78 La Déclaration sur l’environnement, le plan d’action pour l’environnement, la résolution sur les dispositions institutionnelles et financières, la résolution sur la journée mondiale sur l’environnement, la résolution sur les essais d’armes nucléaires et enfin, la résolution sur la réunion de la deuxième conférence sur l’environnement.

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Rappelons que la déclaration de Stockholm est adoptée dans le cadre d’un Sommet des Nations Unies et concerne l’ensemble des pays méditerranéens membres de cette organisation79.

Mais il faut garder en mémoire que ladite déclaration n’est pas contraignante, ses principes ne sont que des guides et des déclarations d’intention ; l’ensemble conserve un caractère très général80.

Vingt ans plus tard, le Sommet de la terre de Rio abordera la question de l’environnement avec une approche plus approfondie.

– Le Sommet de Rio81

Selon le principe « 1 » de la Déclaration de Rio – Conférence mondiale réunissant aussi les pays méditerranéens membres des Nations Unies – les êtres humains « ont droit à une vie saine ». Ce principe est interprété comme incluant le droit à un environnement sain.

Ainsi, comme nous l’avons déjà remarqué, nous sommes encore très loin, mais pas seulement en droit international de l’environnement, de la possibilité pour les particuliers de déposer une plainte contre un État devant une juridiction ayant une compétence obligatoire et pouvant imposer une enquête et une sanction elle aussi obligatoire.

B – La jurisprudence

Il existe aussi une jurisprudence internationale dans le domaine de la protection de l’environnement. Elle remonte aux années 1940 avec la sentence du tribunal arbitral américano-canadien du 11 mars 1941, dans l’affaire Fonderie du Trail. Selon cette sentence : « d’après les principes du droit international (…) aucun État n’a le droit d’user de son territoire ou d’en permettre l’usage, de manière que des fumées provoquent un préjudice sur le territoire d’un autre État ou aux propriétés de personnes qui s’y trouvent, s’il s’agit de conséquences sérieuses et si le préjudice est prouvé par des preuves claires et convaincantes ».

En 1949, la Cour Internationale de Justice (C.I.J.) dans l’affaire Détroit de Corfou considère qu’aucun État ne peut utiliser son territoire aux fins d’actes contraires aux droits d’autres États.

79 L’Espagne, la France, Monaco, l’Italie, la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, l’Albanie, la Grèce, la Turquie, la Syrie, le Liban, Israël, Chypre, l’Égypte, la Libye, la Tunisie, l’Algérie, le Maroc et Malte.

80 Le plan d’action pour l’environnement est quant à lui composé de 109 recommandations pour les États et les organisations internationales. En fait, la conférence de Stockholm a surtout marqué l’évolution du droit de l’environnement par son impact médiatique. Les crises pétrolières de 1973 et 1974 devaient en effet se charger de reléguer au second plan voire plus loin encore les problèmes environnementaux.

81 La Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (C.N.U.E.D.) réunit 175 États et 120 chefs d’État ou de gouvernement, et les représentants de 1 400 organisations non gouvernementales. La problématique environnement – développement, déjà présente lors de la Conférence de Stockholm de 1972, est approfondie en 1992. Le principal résultat de cette nouvelle conférence a été d’aboutir à un accord sur la nécessité de promouvoir l’idée d’un développement durable, c’est-à-dire un développement qui réponde aux besoins du présent sans mettre en péril la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Lors du Sommet de Rio, a tout d’abord été adopté un document de 800 pages, l’Agenda 21. Comme précédemment, le couple environnement – développement constitue une priorité : ainsi, pour satisfaire les besoins fondamentaux, mieux protéger et gérer les écosystèmes et assurer un avenir plus sûr, il faut développer un partenariat mondial. Simple plan d’action, l’Agenda 21 est purement incitatif, il n’est pas contraignant pour ses signataires. Second texte non contraignant, adopté à Rio, la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement énumère les vingt- sept grands principes d’une gestion durable des ressources de la planète.

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En 1956, la sentence arbitrale de l’affaire du lac Lanoux82 fait allusion à l’atteinte aux droits des États

étrangers que peut constituer une pollution des eaux frontalières.

La C.I.J.83 avait aussi abordé indirectement la question dans l’affaire des essais nucléaires en 1995 :

« l’environnement n’est pas une abstraction, mais bien l’espace où vivent des êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et leur santé, y compris pour les générations à venir. L’obligation générale qu’ont les États de veiller à ce que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle respectent l’environnement dans d’autres États ou dans des zones ne relevant d’aucune juridiction nationale fait maintenant partie du corps de règles du droit international de l’environnement ».84

Elle a également abordé plus directement le sujet de l’existence de règles du droit international de l’environnement dans l’arrêt Nabcikovo – Nagymaros85 : « la Cour ne voit aucune difficulté à reconnaître que les

préoccupations exprimées par la Hongrie en ce qui concerne son environnement naturel dans la région affectée par le projet Nabcikovo – Nagymaros avaient trait à un « intérêt essentiel » de cet État, au sens où cette expression est utilisée à l’article 33 du projet de la Commission du droit international ». « …la Cour tient à relever que de nouvelles normes du droit de l’environnement, récemment apparues, sont pertinentes pour l’exécution du traité…».

L’une des questions qu’un juriste soulève à la lumière des textes internationaux et de la jurisprudence concerne la portée juridique constitutionnelle du droit de l’environnement. C’est pourquoi il convient d’examiner dès à présent la valeur constitutionnelle de ce droit à un environnement sain dans les États méditerranéens86 dont la Constitution le consacrent.