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Le droit de déposer des observations 99

Section 2 – La nécessaire garantie du droit d’intervention 99

A.   Le droit de déposer des observations 99

Seuls certains intéressés peuvent déposer des observations écrites et orales dans le cadre d’un renvoi préjudiciel445

. La Cour a toujours refusé l’intervention de parties tierces au litige au principal, qui n’auraient pas été admises à intervenir devant la juridiction de renvoi446

. Ré-

444 En effet, seule l’audience – si elle est tenue – introduit un certain degré de contradictoire dans la procédure :

PERTEK J., op. cit., spéc. p. 147.

445 Article 23 (ex-article 20) du statut de la Cour de justice : il s’agit des parties, Etats membres, de la Commis-

sion et de « l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union qui a adopté l’acte dont la validité ou

l’interprétation est contestée ». Ce droit est étendu aux Etats parties à l’accord sur l’Espace économique euro-

péen, l’Autorité de surveillance AELE qui peuvent déposer des observations « lorsque l’un des domaines

d’application de l’accord est concerné ».

446 CJCE, ord., 3 juin 1964, Costa c/ E.N.E.L., aff. 6/64, Rec. p. 1194, spéc. pp. 1197-1998; CJCE, ord. prés., 26

février 1996, Biogen, aff. C-181/95, Rec. p. I-717, pts. 5-6; CJCE, ord. prés., 12 septembre 2007, Tietosuojaval-

tuutettu, aff. C-73/07, Rec. p. I-7075, pts. 10-12. La Cour n’applique pas la procédure d’intervention de l’article

40 de son statut, mais fonde sa solution sur la procédure préjudicielle et l’article 23 du statut. Seront considérées comme « parties au litige » autorisées à intervenir devant la Cour de justice, toutes personnes « qui ont cette

qualité dans le litige pendant devant la juridiction nationale » : CJCE, 1er mars 1973, Bollmann, aff. 62/72, Rec.

cemment, elle a encore restreint cette participation en rejetant la requête émanant de deman- deresses qui avaient, postérieurement au renvoi préjudiciel, été admises à l’intervention dans la procédure au principal447

.

Ce droit de déposer des observations est-il toutefois suffisant en cas de relevé d’office ? Ce dernier ne vient-il pas compromettre l’utilité des observations que les parties et autres inter- venants pourraient déposer ? Telle semble avoir été l’analyse de la Cour de justice dans l’affaire Phytheron lorsqu’elle prit argument de ce que seule l’ordonnance de renvoi était no- tifiée aux parties et autres intervenants. Dès lors, le relevé d’office, en l’occurrence une recti- fication d’office des faits de l’affaire au principal, aurait ôté l’utilité à leurs observations448

. Or, l’on peut douter du bien fondé de pareille analyse. Certains objecteront d’abord que, la procédure préjudicielle n’étant pas une procédure contradictoire, il ne faudrait pas analyser le droit de déposer des observations comme une véritable garantie pour les parties intéressées449

. A notre avis, la jurisprudence de la Cour va toutefois dans le sens d’une relative protection des parties au principal et autres intervenants. S’il est vrai que la procédure préjudicielle n’est pas a priori une procédure contradictoire, il est des éléments qui introduisent une apparence de contradictoire, parmi lesquels notamment la procédure orale450

. Il est dès lors concevable de considérer le droit de déposer des observations comme une garantie au bénéfice des parties et autres intervenants.

Ensuite, l’analyse faite dans l’arrêt Phytheron semble peu fondée au regard de la jurispru- dence même de la Cour de justice : s’il est vrai que les observations écrites sont faites sur la seule base de la décision de renvoi, elles sont ensuite notifiées à toutes les parties et tous les intervenants susceptibles de participer à la procédure. Dès lors, si une observation écrite con- tient une proposition de relevé d’office, il sera toujours concevable que les autres intervenants – qu’ils aient ou non eux-mêmes déposé des observations écrites – répondent lors de la procé-

447 CJUE, ord. prés., 16 décembre 2009, Football Association Premier League Ltd e.a., aff. jtes. C-403/08 et C-

429/08, non encore publié au Recueil, pts. 9-10. Sur cette ordonnance, voir : PICOD F., « Rejet d’une demande de

participation à une procédure préjudicielle émanant d’intervenants dans une procédure nationale », JCP G,

2010, p. 357.

448 Arrêt Phytheron préc., pt. 14. 449 Voir en ce sens : G

IPPINI-FOURNIER E., op. cit., spéc. p. 966.

450 En ce sens, il faut renvoyer aussi à l’arrêt Deutsche Telekom (CJCE, 10 février 2000, aff. C-50/96, Rec. p. I-

743) : C’est « au regard de l’article 6 de la CEDH et de la finalité même du droit de tout intéressé à une procé-

dure contradictoire et à un procès équitable au sens de cette disposition » que la Cour peut décider de la réou-

dure orale451

. Par conséquent, un débat pourrait s’organiser autour du point de droit que la Cour a été sollicitée de relever d’office452

. Plus encore, la Cour pourrait poser, suite aux ob- servations écrites, une ou plusieurs questions aux parties et autres intervenants afin que ceux- ci se prononcent sur la proposition contenue dans les observations écrites de l’un d’entre eux453

.

De la même façon, lorsque l’ordonnance de renvoi contient – du moins implicitement – une question de droit que la Cour pourrait en déduire et relever d’office, les observations écrites, puis orales, devraient permettre aux intervenants de se prononcer sur cette question.

En revanche, lorsque la proposition du relevé d’office n’a été faite qu’au stade de la procédure orale, voire même dans les conclusions de l’avocat général ou encore lorsque c’est de l’initiative de la seule Cour de justice que s’avère nécessaire le relevé d’office, les observa- tions – même orales – semblent insuffisantes pour garantir un débat sur ce point. La réouver- ture de la procédure orale est susceptible d’y remédier.