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III. LE ROLE DU PROFESSEUR DANS LA CONTINGENCE : LA DEVOLUTION ET

III.2. Le double paradoxe de la dévolution et les tâches du professeur

III.2.1 Le double paradoxe

Il y a bien un double paradoxe de la dévolution :

¾Le premier paradoxe est celui que G.Brousseau a énoncé : si le professeur dit à l'élève ce qu'il vise, il ne peut l'obtenir. L'élève fera la tâche, voire jouera au jeu prévu, mais ne le fera que parce que le professeur le demande et ne mettra pas en jeu le savoir visé. ¾Le deuxième paradoxe est que l'on ne peut pas dire à l'enseignant(e) ce qu'il faut qu'il (elle) fasse pour dévoluer la situation. Si on le lui dit, il (elle) peut se conformer à la lettre de la consigne, comme l'élève, et ne pas obtenir cette dévolution à l'élève, car il (elle) s'appuiera sur des règles formelles apparentes de dévolution – formes langagières notamment, que l'on voit fréquemment les jeunes professeurs apprendre par compagnonnage avec des professeurs plus anciens – et substituera au réel travail de dévolution un scénario tout formaté, qui ne sera pas en mesure de déclencher la dévolution attendue, par une sorte d'effet Diénès32.

En formation des professeurs, des essais ont été faits pour tenter de définir malgré tout ce rôle du professeur dans la gestion des situations. La voie est étroite entre les deux écueils que sont, 1), ne pas donner d'aide, et 2), tomber dans le paradoxe signalé ci-dessus.

III.2.2 La dimension institutionnelle

On peut remarquer, de façon plus générale, que l’institution scolaire a depuis quelques années, de nouvelles exigences par rapport à ce que l'enseignant(e) doit mettre en œuvre dans sa classe : une pédagogie centrée sur les apprentissages des élèves, tenant compte de leurs différences tout en visant une culture commune. Cette culture commune n'est plus à restituer 'par cœur' comme jusqu'au milieu du XXème siècle, mais on demande aux sujets de l'école de comprendre, conceptualiser, manipuler… Cette évolution sociale rend plus crucial le problème de la dévolution dans l'institution scolaire aujourd'hui.

32 Dienès ayant affirmé que l'enseignement avec les fiches portant son nom ne pouvait que produire les apprentissages prévus, il s'est avéré que les professeurs utilisant ces fiches comme indiqué se désengageaient de l'apprentissage des élèves – puisqu'il était supposé assuré automatiquement – et donc, la relation didactique se trouvait rompue, d'où absence d'apprentissage. Un phénomène un peu analogue se produit actuellement avec les fiches des manuels "J'apprends les maths".

Si l'on tente un résumé de la façon dont sont décrits les rôles du professeur, par exemple dans les référentiels de compétence de l'Education Nationale, mais aussi dans les publications sur l'école et les articles de recherche en sciences de l'éducation, et dans les formations dispensées aux professeurs dans les IUFM, on peut dire que le professeur est maintenant supposé apte à :

¾permettre l'insertion de l’élève dans la progression au niveau de sa problématique personnelle (privée), et de son évolution ;

¾expliciter le répertoire (public) d'ostensifs de l'enseignement du niveau considéré (termes oraux, représentations graphiques, symboles écrits, résultats, relations, méthodes et techniques) ; et ceci, en se basant sur les ostensifs originaux produits par les élèves dans les problèmes de recherche (ce qui suppose de comprendre ces ostensifs non canoniques, de s'appuyer sur eux et de les dépasser) ;

¾organiser le temps et les situations pour permettre aux élèves de réaliser une acquisition et une structuration pertinente des savoirs : identification et enrichissement de notions mathématiques au travers des relations fondamentales supportées par des situations pertinentes.

Il y a de plus d'autres exigences nouvelles du côté du professeur :

¾ savoir relier un objet d'enseignement à ses fonctions sociales et scientifiques (culture scientifique, en Primaire ; mise en œuvre de dispositifs comme les TPE, au Secondaire).

¾ développer une certaine rigueur conceptuelle pour différencier et relier ce qui relève des connaissances personnelles (et privées), ce qui relève du savoir (nécessairement public), ce qui relève de son emploi dans des situations.

En conclusion, si des éléments pour la modélisation du professeur dans la TSD ont commencé à être explorés, ils sont loin d'être encore suffisamment constitués pour que ce modèle soit raisonnablement opérationnel. Les autres théories n'ont pas non plus d'appui suffisant à ce niveau : il existe certes des pratiques de formation des professeurs qui supposent une réflexion sur son rôle, mais la recherche est à poursuivre pour obtenir des résultats utilisables de façon générique33. Notons que la recherche en langue anglaise a fourni des avancées notables dans ce domaine (cf. Malara & Zan, 2002). Les recherches en cours attestent toutes, par ailleurs, de la difficulté qu'il y a pour l'enseignant(e) à piloter dans la classe des situations complexes, telles que celles proposées dans le cadre de la TSD.

Les chapitres suivants de ce texte étudient quels procédés peuvent permettre de construire des milieux de pertinence attestée, dans l'enseignement secondaire ou supérieur en particulier. L'un de ces procédés, le retournement de situation, s'avère être un mécanisme efficace de production de milieu où la nécessité d'une connaissance se fait jour. Il serait donc une carte maîtresse dans le jeu de la deuxième boucle évoquée au II. : c'est ce qui sera examiné dans les exemples du chapitre 3.

Cependant, tout autant que de fournir des exemples des cadres théoriques décrits ci-dessus, il importe d'approfondir la question de l'utilisation des signes en relation avec les situations. C'est un point sur lequel la TSD est restée relativement muette : le niveau du premier degré (Enseignement primaire) des premières réalisations explique dans une certaine mesure cette faiblesse de prise en compte, dans la mesure où les écritures mathématiques convoquées ont pu paraître suffisamment élémentaires pour ne pas mériter un traitement spécifique.

Cette question s'impose cependant à tout chercheur qui s'engage dans la construction de situations au niveau secondaire ou supérieur : les premiers milieux organisés sont déjà, si puis

dire, saturés de formulations et de signes mathématiques. Le rôle des sémioses est actuellement un sujet de recherche pour de nombreux chercheurs, certains proches de la TSD comme Conne (Conne 2002 et 2003), et d'autres plus éloignés comme Durand-Guerrier (Durand-Guerrier, 2003). De nombreux chercheurs travaillant plutôt dans le paradigme 'Mathematics Education' se sont intéressés à cette question dans une perspective cognitiviste : savoir ce que les élèves comprennent des signes mathématiques, relier signes, contexte et concept (Radford 2003, Godino 2002, 2005, Steinbring 2005). Notre travail s’en distingue par l’approche de ce qui relie signes et situation (le contexte dans ces travaux) : les signes sont, dans une perspective de la TSD, des éléments constitutifs d’une situation, et cci est elle-même un signe de la connaissance à enseigner. Ce fonctionnement dynamique est à la base de la constitution de milieux.

Nous avons produit une première étude sur le rôle des signes dans la constitution et l'organisation de situations (cf. Bloch, 2005 CERME), et des travaux sont en cours, notamment dans le cadre de l'enseignement spécialisé.

ANNEXE : le schéma de l'articulation milieu théorique/milieu expérimental

?

S

ÉLECTIONNER LES VARIABLES

A

NALYSER

S & C

A PRIORI

Interroger les

VD et les C

Ré-interroger

la consistance

Légende : SF : situation fondamentale VD : variables didactiques S&C : savoirs et connaissances

MODELE DE MILIEU

EPISTEMOLOGIQUE

SF

MATHÉMATIQUE

S

AVOIRS CULTURELS ET LEURS DÉCOUPAGES IMPLIQUÉS PAR LA TRADUCTION EN MILIEUX SUJET ÉPISTÉMIQUE

MODELE DE

MILIEU

EXPERIMENTAL

A PRIORI

P

RÉVOIR LES SCÉNARIOS

E

NVISAGER LES VALEURS POSSIBLES DES VARIABLES SUJET GÉNÉRIQUE

CONTINGENCE

JOUER LES

SCÉNARIOS À UN

NIVEAU DONNÉ

VALEURS DES VD

FIXÉES

SUJET À NIVEAU SPÉCIFI ; SUJET RÉEL

Donner des valeurs aux variables

Prévoir les

formes du jeu

Prise en charge

des C réelles

et de leur

articulation au

savoir

(procédures)

CHAPITRE 3

ARTICULER ETUDES MACRO ET MICRO DIDACTIQUES