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Sachant, comme nous l'avons montré (4), que les "structures anthropologiques' de l'imaginaire" de G. ’v Durand trouvent leur assise conceptuelle dans l'arché- typologie de C.G. Jung, quels rapports entretiennent ces "structures figuratives" avec les thêmata d'Holton? A en croire ce dernier, aucun rapport ne peut être é-

tabli entre thêma et archétype , ces deux structures génétiques de,l'oeuvre; ce que nous avons tenté inci­ demment de montrer jusqu'ici est au contraire qu'il y a peu de différences entre elles deux, notamment en : : proposant une compréhension du rapport à la genèse de l'oeuvre chez Holton qui passerait par une anthropolo- gie du fait d'invention ou de création. A dire vrai, il s'agissait moins pour nous d'établir un rapport ”;.r "naturel", ou forcé, entre les deux structures, que de comparer deux attitudes épistémologiques à l'égard de la genèse de l'oeuvre. Deux attitudes qui, pour se dé­ clarer de même vocation anthropologique, n'en fournis­ sent pas moins des concepts et des méthodes spécifi-i ques: thêmata et analyse thématique pour Holton,

structures figuratives et mythanalyse pour Durand.

Mais dans les deux cas,lil faut le répéter, l'acceptai tion quele phénomène créatif également partagé par 1' humain quand il pratique la science, la technique ou 1 l'art, est un phénomène anthropologique compréhensi­ ble. A condition d'admettre l'existence ou la possibi-r lité de reconnaître de façon certaine un point-origi­ ne d'une dynamique créatrice que ce discours recèle; à condition d'adhérer d'une façon ou d'une autre à un 1 point de vue épistémologiquement génétique et historié co-critique, à condition enfin d'attribuer à certains faits de représentation le caractère d 'image complexe, synthétique d'une vision du monde et de la réalité. La divergence apparaît entre ces deux positions dans 1

le degré de profondeur de l'analyse, autre métaphore s spatiale pas plus étrangère à l'axe vertical de l'ana­ lyse thématique qu'à la pensée transcendantale de G. Durand. L'expression Hdqgbé de prôfondeur" reste atta­ chée à la régression vers le matériau symbolique: la "matière première de l'imagination créatrice"ço<BQmme l'énonce Holton. Ce dernier .selon :nousi pparnékemple, r. suit certaines positions anthropologiques fondées par Edward Sapir (entre autres': M. Mauss, E. Durkheim), u sur les rapports entre comportement individuel et com­ portement social. Pour Sapir, il n'existe pas de rapr»

port de causalité de l'un à l'autre, mais seulement des points de vue différents à l'égard d'une même to­ talité. Cette totalité ne serait autre que la culture, une culture qui trouverait ses fondements dans l'indi­ vidu et sa personnalité et non plus la culture essen­

tialiste traditionnelle conçue pour elle-même: "La culture d'un groupe n'est autre que l'inventaire de tous les modèles de comportement ouvertement manifes­ tés par tout ou partie de ses membres."(5).

Hors de l'individu, la culture ne peut exister. Indivi­ du et société, culture et personnalité, sont indissoci­ ables. Les empreintes du social ou du culturel ne peuv­ ent être recherchées que dans le psychisme individuel, celui du savant, de l'artiste, ou tout autre. Elles doivent se formuler en termes psychologiques. En lut­ tant contre l'essentialisme culturel, Sapir avait re­ connu à l'homme, de par son psychisme porté à la symbo­ lisation, une essence universelle présente et appré- hendable dans chacun des individus, essence que l'en­

treprise anthropologique aurait à charge de révéler. On voit parla l'importance de toute analyse informant la question du psychisme. Et on saisit immédiatement par suite la résonnance qu'a pu avoir la jeune psychanaly­ se dans l'élaboration de la position anthropologique d'E. Sapir: non seulement elle ne pouvait pas l'igno­ rer, mais elle devait s'en emparer pour l'intégrer à son instrumentaiton compréhensive. Cependant, la psy­ chanalyse n ' est pas plus une discipline homogène que l'anthropologie. Dès son apparition, les fractures d' écoles, les scissions de doctrines s'opèrent. A quel cour ant de la psychanalyse E. Sapir se réfère-t'il? A celui de S. Freud et d'A. Adler et peut-être plus précisément à celle de G. Roheim. Mais sûrement pas à celle de C.G. Jung, dont "les types psychologiques" et la théorie de 1'"inconscient collectif" gênent Es Sapir: "Pourquoi y a-t-il quelque chose d'étrange et ' d'inquiétant dans cette grande idée des"types psycho­

logiques"? Parce qu'une fois de plus nous ne sommes pl.us protégés par un système de valeur absolu ,. Si 1 ' introverti et l'extraverti sont aussi antithétiques que le proclame le Dr. Jung, il ne faut pas s'attendre à les voir obéir aux mêmes vérités."(p.34, nous souli­ gnons). Systèmes de valeurs absolus, vérités universe­ lles, E. Sapir nepeut accepter cette relativité du ;> • psychisme auquel il oppose l'unité de l'orthodoxie freudienne, ni aucune relativité d'ailleurs: son sys­ tème anthropologique se veut obéir à l'unicité d'une conception des faits humains, et à l'universalité d' une essence de l'homme.

Quels rapport cette digression entretient avec une an-* thropologie de l'imagination scientifique, telle celle d'Holton, ou avec une anthropologie de l'imaginaire, telle celle de G. Durand? Pour ce dernier, nous savons qu'il choisit, à l'inverse,de Sapir, d'adhérer moins i aux "types psychologiques"de Jung, qu'à une archéty-

pologie fondatrice des "structures anthropologiques de l'imaginaire". Pour Holton, a contrario, le .choix est tout aussi net que celui de Sapir: "Il y a toujours un risque de confondre l'analyse thématique avec ce qu' :!. elle n'est pas: avec les archétypes jungiens, avec la métaphysique, avec les paradigmes et les visions du monde. "(p.46) . L'analyse thématique ne peut effective-!..: ment être confondue avec les archétypes jungiens. Mais

il faut, prendre garde qu'Holton confond lui-même ici 1 archétypes et .analyse de faits psychiques, selon des méthodes qui, chez Jung, relèvent de l'interprétation des rêves et des comportements; selon l'hypothèse que la psyché s'organise selon les lignes de force dont la structure des mythes nous délivrerait le code. En s' : empressant de nous mettre en garde, il confond le '><>■'!..Y point-origine (thêma, archétype, mythème, symbole ou schème verbal), comme structures figuratives dynamiques, et la méthode involutive de rècherche et de recomposi­ tion de ces mêmes point-origines dans une structure thématique ou mythanalytique. Hormis cette confusion entre concept et méthode, Holton veut nous dire qu'il prend ses distances, tout comme E. Sapir l'avait pro-n posé, vis à vis d'une régression analytique qui le -. < conduirait au-delà, ou en deçà, de la surface "objecti" ve" du discours ou du'.texte où il repère les thêmata, vers la ' profondeur par exemple des structures anthro-* pologiques qui manifesteraient, à un degré d'approfon­ dissement supplémentaire, plus conséquent sans doute, l'organisation d'une vision du monde en termes de ■ . Weltbild ou de World making; cette vision du monde v '

peut se développer en une métaphysique ou une mystique par exemple de "l'unité du monde", comme celle qu'Hol­ ton relève dans les écrits d'A. Einstein; ou celle d'n une quête de "l'unité de la connaissance" comme chez Niels Bohr. Mais, dans tous les cas, il y va de la mar nifestation, sous forme d'un système symbolique, de représentations affectivô-psychiques symbolisées par quelques mots ou un discours, et qui ressortent du my­ the .

VIII. LA SCIENCE DU SYMBOLIQUE E T LE PROBLEME 'DE LA ' '