• Aucun résultat trouvé

Doter chaque interlocuteur potentiel des femmes victimes de violences d’outils de réponses adaptés

Dans le document toutes les violences faites aux femmes, (Page 77-80)

La délégation aux droits des femmes et à l’égalité salue sur ce point la rédaction très précise de l’article 51 de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes qui prévoit que :

« La formation initiale et continue des médecins, des personnels médicaux et paramédicaux, des travailleurs sociaux, des magistrats, des fonctionnaires et personnels de justice, des avocats, des personnels enseignants et d’éducation, des agents de l’état civil, des personnels d’animation sportive, culturelle et de loisirs, des personnels de la police nationale, des polices municipales et de la gendarmerie nationale, des personnels de préfecture chargés de la délivrance des titres de séjour, des personnels de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et des agents des services pénitentiaires, comporte une formation sur les violences intrafamiliales, les violences faites femmes ainsi que sur les mécanismes d’emprise psychologique ».

ٰSensibiliser tous les professionnels de santé et, au premier chef, les médecins au repérage des signes et à la compréhension des symptômes de violences

Les médecins généralistes, gynécologues ou urgentistes sont souvent les premiers au contact des femmes victimes de violences, que ces dernières consultent pour des effets visibles de celles-ci ou des troubles divers (maux d’estomac, nausées, insomnies, anxiété, dépression, etc.) dont elles occultent parfois le lien avec les violences subies. Le film Anna, à vocation pédagogique pour les médecins généralistes, illustre parfaitement cette situation de femmes violentées, enfermées dans leur mutisme, que le questionnement et l’écoute, empathiques mais insistants, du soignant permet de débloquer.

Comme pour l’ensemble des professionnels de santé, notamment les sages-femmes et les infirmières, leur sensibilisation et leur formation sont donc primordiales, tant pour le repérage des violences que pour l’accueil des victimes, leur orientation voire l’établissement des preuves.

La thématique des violences faites aux femmes a certes été introduite dans la formation initiale des professionnels de santé (connaissance des différents types, épidémiologie et législation) mais n’est pas systématisée dans la formation continue.

De plus, cette formation reste à parfaire, en particulier concernant les conséquences psychotraumatiques des violences extrêmes et plus particulièrement des viols.

Les praticiens peuvent en effet être déstabilisés par des comportements et des attitudes paradoxaux des victimes (conduites à risques, dépendance à l’agresseur, intolérance au stress et à la douleur du fait de la mémoire traumatique) qu’ils ne comprennent pas, ou pire interprètent à mauvais escient, faute de connaissances. Ils pourront alors avoir des réactions culpabilisantes et moralisatrices déplacées.

C’est l’ensemble des thérapeutes, à commencer par les psychiatres et les psychologues, qui sont les interlocuteurs privilégiés des femmes victimes de violences, qu’il convient de former spécifiquement à la prise en charge de la véritable torture liée à la mémoire traumatique. Une méconnaissance de ses conséquences (cauchemars, insomnies, attaques de panique, etc.) entraîne des diagnostics erronés de schizophrénie ou de démence, alors même que les troubles psychotraumatiques correctement traités sont réversibles.

On sait aussi que, d’après Muriel Salmona, que 50 % des victimes de violences graves font des tentatives de suicide.

Seuls des spécialistes reconnus de ces questions peuvent sensibiliser aux mécanismes et aux enjeux intervenant dans le cadre des violences conjugales (stratégie de l’agresseur et organisation de son emprise)60 ainsi qu’aux traumatismes majeurs (sidération puis état de dissociation) engendrés notamment par les viols.

La délégation aux droits des femmes et à l’égalité estime que la question des violences doit être présente à l’esprit de tous les médecins (généralistes et spécialistes, notamment les gynécologues et les spécialistes de la douleur/algologues) et de tous les professionnels de santé (infirmier(e)s, sages-femmes, kinésithérapeutes…) lors des consultations et entretiens avec des patientes mais aussi leurs enfants. Poser la question : « Avez-vous subi ou subissez-vous des violences ? » s’il s’agit d’une adulte ou l’aider à libérer sa parole lorsqu’on est en présence d’un enfant, une telle vigilance devrait être systématique lors d’un entretien médical classique.

Une étude réalisée en 2006 auprès de la population fréquentant le centre médical de Romainville, portant sur 51 médecins et 2 sages-femmes qui ont posé de façon systématique, lors de leur consultation, 3 questions à 557 patientes pour dépister des violences verbales, physiques et sexuelles subies au cours de leur vie (quel que soit le motif de consultation) a ainsi révélé que 63 % ont déclaré avoir été victimes de violences, dont 43 % de violences verbales, 42 % de violences physiques et 15% de violences sexuelles.

Par ailleurs, l’entretien prénatal précoce au quatrième mois de grossesse, sachant en outre que cette période peut favoriser le déclenchement des violences, constitue un moment privilégié de repérage sous réserve, là encore, d’une méthodologie adaptée dispensée aux médecins.

Ainsi que le souligne Gilles Lazimi, médecin généraliste et membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, les bénéfices du questionnement systématique

60 Stratégie de l’agresseur : sélectionner sa victime, l’isoler, l’humilier, la terroriser, inverser la culpabilité et assurer son impunité.

sont nombreux. Les patientes peuvent enfin parler, être écoutées, reconnues comme victimes et mises en relation avec le réseau de soutien dont elles ont besoin. Le praticien peut aussi faire le lien avec des pathologies présentes ou passées.

L’échange avec le praticien, comme avec tout autre interlocuteur préalablement formé à la stratégie systématiquement mise en place par l’agresseur, permet aussi de remettre les choses à leur place : « Il y a un agresseur, il y a une victime. Il n’avait pas le droit, elle n’y est pour rien et la loi existe pour la protéger ».

Il importe enfin d’informer les médecins sur l’intérêt majeur du certificat médical de coups et blessures comme support à une plainte pour violences.

Un guide de rédaction de ce certificat devrait être fourni à tous les médecins, de même qu’une explication de la notion d’Incapacité totale de travail (ITT), notion juridique très mal connue des médecins.

L’ITT, établie par un médecin légiste, permet de qualifier pénalement les faits (contravention ou délit) et détermine donc l’orientation de la procédure. Elle correspond à la durée pendant laquelle la victime éprouve une gêne notable dans tous les actes de la vie courante.

Certificat médical et ITT sont des éléments essentiels dans la constitution d’un dossier de plainte pour violences, que les médecins doivent bien maîtriser.

Les médecins légistes sont, par ailleurs, favorables au changement de dénomination de l’ITT, source de confusion pour les victimes et terme mal compris par les professionnels. Ils préfèreraient l’expression « incapacité fonctionnelle ».

ٰAssurer à tous les intervenants une formation spécifique à la problématique des violences et à leur traitement

Des modules de formation des différents acteurs ont déjà été mis en place dans le cadre des plans gouvernementaux successifs de lutte contre les violences faites aux femmes.

La MIPROF a été chargée de définir le cahier des charges d’un plan de formation transversal et interministériel sur cette thématique, à destination de l’ensemble des professionnels concernés  : médecins, gendarmes, policiers, magistrats, enseignants, travailleurs sociaux…

La délégation aux droits des femmes et à l’égalité insiste sur l’importance du premier accueil, quel que soit l’interlocuteur, pour la femme violentée prête à ce moment-là à parler.

Elle souhaite ainsi que ce plan soit rapidement opérationnel. Elle souligne, en outre, l’intérêt de programmes de formation conjointe des différents intervenants (par exemple médecins-magistrats-policiers), car cela permet d’instaurer une démarche partenariale entre les acteurs, telle celle mise en œuvre dans le département de Seine-Saint-Denis, qui repose sur une confiance mutuelle et un travail collaboratif dans le respect des prérogatives et des pouvoirs de chacun.

Il importe aussi que ces programmes incluent une information sur les dispositifs existants et les différents recours possibles : dépôt de plainte, recueil des preuves, éloignement du conjoint violent, accompagnement protégé des enfants lors de l’exercice du droit de visite, etc.

La délégation aux droits des femmes et à l’égalité attire par ailleurs l’attention des pouvoirs publics sur l’exacerbation des comportements sexistes dans les territoires

ultramarins ainsi que sur l’augmentation de la gravité des violences, dont ont fait état les déléguées aux droits des femmes de Martinique, Guadeloupe et la Réunion lors de la rencontre organisée au Conseil économique, social et environnemental le 10 juin 2014.

Si, d’une manière générale, en Outre-mer comme en métropole, la relation conjugale est au coeur des violences subies par les femmes, avec une recrudescence préoccupante à la Réunion, des spécificités requièrent une vigilance particulière.

Il s’agit notamment de l’ampleur des violences sexuelles intrafamiliales commises sur les mineures, signalées en Martinique, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie et en Guyane. Ce phénomène est corrélé à un nombre très élevé de grossesses précoces.

Les déléguées aux droits des femmes des territoires ultramarins ont, dès lors, souhaité une dénonciation affirmée sur le plan juridique des violences sexuelles, ainsi qu’une plus grande latitude laissée à chaque collectivité pour la gestion des budgets affectés à la lutte contre les violences, afin de mieux les adapter aux réalités du terrain.

Maintenir la vigilance en matière de prévention

Dans le document toutes les violences faites aux femmes, (Page 77-80)