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LE DOSSIER D ’ŒUVRE, OBJET PIVOT DE L’ORGANISATION MUSEALE MUSEALE

Si le dossier d’œuvre résulte des formes d’organisation interne, il joue également un rôle pivot entre les acteurs. En effet, la base du travail des différents acteurs du musée est l’œuvre d’art. Dépossédée de celle – ci car figée dans les espaces d’exposition ou protégée dans les réserves, l’œuvre est l’objet phare de la base du

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travail de chaque corps de compétences dans les institutions muséales sans réellement pouvoir être approchée. C’est donc autour de son histoire, de « sa face documentaire » que les acteurs du musée œuvrent et mettent en place leurs compétences afin d’accompagner cette objet muséal, porteurs de connaissances et d’histoire, de la manière la plus accessible possible au regard de tous. Je m’attacherai dans la partie suivante à démontrer comment le dossier d’œuvre est ainsi le réceptacle d’une organisation mais également un objet pivot entre l’organisation interne et les espaces de médiation dédiés au grand public.

2.2.1LA TRIVIALITE DU DOSSIER DŒUVRE ; UNE METADOCUMENTATION

Si le dossier d’œuvre est le pendant de l’objet muséal, il est destiné à accompagner la vie de l’œuvre183, il est le complément de son inscription à l’inventaire, comme nous avons déjà pu l’aborder, il est son « representanem 184», sa « face documentaire185 ». Le dossier d’œuvre se constitue traditionnellement de la même manière avec 71 champs documentaires186réglementés et répartis en quatre rubriques. Il

184Charles Pierce, Ecrits sur le signe (Paris: Seuil, 1978).

185Giguère, « Art contemporain et documentation ».

186La description des rubriques documentaires de l’œuvre sont disponibles en ligne sur le site Joconde : Espace Professionnel /Méthode d’inventaire informatisé /De

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n’existe pas de normalisation pour la constitution de ces dossiers, ni pour leur communication d’ailleurs mais ils se constituent et se formalisent sensiblement de la même manière selon les musées dans la répétition de gestes traditionnels.

FIGURE 17 - SOUS POCHETTE DOSSIER D'OEUVRE - LA PISCINE

Le contenu des dossiers d’œuvre est défini par l’objectif de rassembler les éléments les plus fiables et pertinents pour les actions du musée mais selon l’organisation des processus d’inventaire, de récolement et d’organisation documentaire, voire les processus de chaque service dans les grands musées, leur mode de consultation voire de conservation laisse apparaitre de grandes disparités. Leur enrichissement fait partie des constantes scientifiques des musées et nécessite du personnel formés et compétents pour le dépouillement des nombreuses revues historiques et artistiques.

l’inventaire à la

documentation :http://www.culture.gouv.fr/documentation/joconde/fr/partenaires/AI DEMUSEES/methode.htm#De%20l'inventaire%20%C3%A0%20la%20documentation

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Ils sont généralement organisés au sein d’un espace physique dédié, classés sur des étagères pour faciliter leur consultation et organisées matériellement à l’intérieur de boites, pochettes et sous pochettes. Dans leur devoir de diffusion des connaissances, les musées doivent les rendre accessibles mais leur contenu, au confluent de plusieurs domaines juridiques et peu appréhendables par le grand public par leur caractère scientifique, sont souvent en consultation restreinte. En effet, les musées opèrent souvent une dichotomie entre leur bibliothèque accessible au grand public et leur service de documentation contenant les objets documentaires constitutifs des pratiques des acteurs et des processus autour de l’œuvre qui sont eux, accessibles sur autorisation ou sur rendez-vous.

Cette dichotomie est due à la vision hiérarchique des différentes documentations autour de l’œuvre. Si on considère que l’œuvre est un document primaire, producteur d’informations, au sens des travaux de Suzanne Briet187, qui privilégie la relation entre le document et l’ensemble du processus de documentation :

« Est-ce qu’un animal vivant est un document ? Non mais les photographies et les catalogues d’étoiles, les pierres dans un musée de minéralogie et les animaux qui sont catalogués et présentés dans un zoo sont des documents ».

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La logique documentaire nous mène à considérer le dossier d’œuvre

comme de la documentation secondaire. Cependant la

documentation scientifique est perçue différemment de la documentation produite sur les œuvres, comme les monographies ou les catalogues d’exposition dans l’espace muséale. Cette différence de perception est due d’une part à la composition des documents hétérogènes que l’on peut trouver dans le dossier destinés à la médiation documentaire interne alors que les documents secondaires produits à partir du dossier d’œuvre sont destinés à la médiation culturelle.

Nous avons vu que la typologie documentaire constitutionnelle du dossier d’œuvre ne concernait pas seulement les documents initiaux au processus mais également des photocopies de monographies ou des archives privées ou publiques. Les documents amassés dans les dossiers d’œuvre sont donc des documents mixtes car certains sont constitutifs des pratiques muséales quand d’autres sont générés par l’acte de copie. La force du dossier d’œuvre est cette mixité documentaire qui fait de son « tout »une « méta –documentation » que je propose d’observer dans sa « trivialité188». Yves Jeanneret avance l’idée de trivialité autour de trois hypothèses comme une constante historique et intangible à la pérennité des « êtres culturels »

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« Tout s’opère, parce que les hommes ont besoin pour élaborer leur culture de travailler la matière, de concevoir des techniques, de façonner des objets. Tout se crée, parce qu’à chaque appropriation de ces objets, l’histoire des investissements ouvre des nouveaux espaces symboliques, porteur de sens et de lien. Tout se transforme, parce que la culture est faite de la reprise et de la reconstruction constante des objets et de leur forme. »

En effet, le dossier d’œuvre « s’opère », il est le résultat d’un processus de transactions communicationnels symboliques entre plusieurs acteurs, uneméta-documentation pluri-sémiotique évolutive (un dossier documentaire qui a pour force de regrouper des documents primaires, secondaires, historiques et des documents d’action capables de se redessiner au fur et à mesure de son évolution, il est en ce sens une méta-documentation).

Il a pour objectif de servir de médiation documentaire aux différents acteurs du musées, il «crée », à partir de son appropriation de nouveaux contenus documentaires tels que le cartel, le catalogue, les commentaires scientifiques, la fiche d’exposition…et se « transforme » dans les nouveaux dispositifs de médiation sur les œuvres

Titre Sous pochettes Documents conservés dans la

sous-pochette

Historique Fiche mouvement œuvre, acte

d’acquisition, copie catalogue d’inventaire, acte de vente,

courrier de provenance de

l’œuvre entre musées et/ou

donateurs/vendeurs, lettres