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L’alternative actuelle à la dosimétrie in vivo classique est la dosimétrie de transit, qui a re- court au système d’imagerie portale électronique avec détecteur au silicium amorphe (EPID, aSi

Electronic Portal Imaging Device), équipement standard des accélérateurs linéaires modernes

(Fig.2.2). La dosimétrie de transit est alors effectuée en exploitant les images acquises par l’EPID au cours du traitement puis en comparant les résultats à une prédiction. En France, 13% des centres de radiothérapie sont dotés d’un système de dosimétrie de transit [70].

(a) Clinac® iX, Varian [111] (b) Synergy® , Elekta [28]

FIGURE2.2 – Illustrations des EPIDs des deux principaux constructeurs.

La dosimétrie de transit ne nécessite ni compétences particulières des manipulateurs, ni temps supplémentaire pour la mise en place d’un dosimètre dans le champ. Il suffit de sortir l’imageur portal pour enregistrer le traitement [95]. De plus, des images intégrées ou continues peuvent être acquises pour la plupart des configurations avec l’EPID, à l’exception de conflits méca- niques du bras et/ou imageur avec la table de traitement ou le patient, y compris les techniques IMRT et VMAT. Les caractéristiques, avantages et inconvénients des différentes méthodes de DIV en comparaison à la dosimétrie de transit sont présentées dans le tableau2.1.

TABLE2.1 – Avantages et inconvénients des dosimètres les plus utilisés pour la dosimétrie in vivo : diodes, MOSFETs, TLDs, comparés aux EPIDs.[13]

Dosimètre Avantages Inconvénients

Diodes Bonne sensibilité Non équivalent eau

Lecture en temps réel Nombreux facteurs correctifs

Forte expérience Étalonnage fréquent

Faible coût Dépendance en énergie

Réponse hors du champ (OAR) Câbles

MOSFETs Petit volume sensible Durée de vie faible

Lecture patient en place Reproductibilité, Incertitudes Fonctionnement sans câble possible

Implantable

TLDs Forte expérience Lecture différée

Pas de câbles Laboratoire dédié

Lecture par laboratoire distant possible Fading

Nombreuses formes Utilisation complexe

Equivalents tissus mous (Li) Sur réponse > 1Gy Incertitude de lecture

EPID Bonne résolution Risque de collision

Facilité de mise en place Non équivalent eau

Cartographie 2D numérique Nombreux facteurs correctifs Lecture patient en place possible Étalonnage dosimétrique complexe Ne modifie pas la distribution de dose Faible expérience en dosimétrie in vivo

2.2.1 L’acquisition des images

Les EPIDs actuels ont des surfaces de détection de 30x40cm pour Varian MS et de 41x41cm pour Elekta. Ils sont composés de plusieurs couches [7][92] :

— une couche en cuivre de 1mm

Après avoir traversé le patient, les photons arrivent sur cette couche, qui permet de pro- téger le système d’imagerie des rayonnements diffusés. Ils interagissent avec le métal par Effet de Compton diffusant des photons et des électrons.

— un écran de phosphore de 0.4mm

Les électrons diffusés réagissent avec le phosphore émettant des photons par lumines- cence. Ainsi, chaque photon émis à une certaine intensité en un lieu précis dans le phos- phore est un indicateur des photons arrivés sur la surface du détecteur

— une matrice de photo-diodes aSi :H de 1.5µm

Chaque pixel de la matrice (ex : 1024x768 pixels pour un AS1000 de Varian MS) comporte une diode, qui transforme les photons issus de la couche de phosphore en charge et ac- cumule cette charge jusqu’à la lecture. A cet effet, chaque diode est reliée à un transistor TFT (thin-film transistor ou transistor en couches minces).

FIGURE2.3 – Illustration schématique des couches de l’EPID [13]

La lecture du signal se fait ligne par ligne : une tension est appliquée aux transistors d’une ligne et les charges stockées quittent les diodes. Une image - appelée "frame" - se forme lorsque toutes les lignes ont été lues. Deux modes d’acquisition des images de l’EPID sont utilisés pour la DIV, en fonction de la technique utilisée, comme décrit dans le tableau2.2. En mode "intégré", les frames enregistrées pendant l’acquisition sont assemblées pour obtenir une seule image finale. En mode "continu", ("ciné" ou "movie" selon le constructeur), le résultat est un film, donc une succession d’images représentant l’évolution du traitement. Le nombre de frames par image et la vitesse d’acquisition des frames sont prédéfinies par l’utilisateur. Sur un accélérateur de Varian MS, par défaut une image est composée de 8 frames et la vitesse d’acquisition est de 8 frames par seconde.

TABLE2.2 – Paramètres des modes d’acquisitions des images EPID propres à chaque technique.

3D CRT IMRT VMAT

Etalonnage de l’EPID Dose (CU) Aucun

Mode d’acquisition

Integré

(Pframes par faisceau = une image)

Ciné

(8 frames = une image) Vitesse d’acquisition (frames/s) 4 à 10 8 par défaut

2.2.2 Les algorithmes de dosimétrie in vivo de transit

Il existe plusieurs méthodes de DIV de transit. La méthode dite "de prédiction" consiste en une comparaison entre l’image prédite à partir du plan de traitement et celle obtenue par l’EPID au cours du traitement, ou alternativement une comparaison entre la fluence prédite et celle obtenue sur l’EPID. La méthode dite "de rétroprojection" [37] [88] [114] [115] détermine la dose dans le patient à partir de l’image du traitement et des informations du plan et du CT du patient. Cette dose calculée est comparée à la dose prédite par le système de planification.

Par exemple, l’algorithme de rétroprojection développé et utilisé en interne à l’Institut du Can- cer des Pays-Bas (Nederlands Kanker Instituut) reconstruit la distribution de dose en 3D[115] à partir des images acquises par l’EPID (en mode intégré ou en mode ciné pour 3frames/s), des informations du plan et du CT du patient. Cette distribution de dose est comparée à la distri- bution de dose planifiée. Les résultats sont contrôlés pour la surface recevant au moins 50% de la dose, sous forme d’une évaluation Gamma 3D. Les plans sont contrôlés au cours de trois séances consécutives de la première semaine. D’après les publications récentes [77] [78], pour un critère gamma de 3%/3mm, 20% des plans requièrent une intervention et seuls 0.3% dé- viations observées sont considérées pertinentes cliniquement. Le succès de cette pratique est accru par l’automatisation du processus[82] : les images sont acquises, transmises et compa- rées sans l’intervention d’un tiers. Des messages alertent l’utilisateur de tout dépassement des tolérances. Parmi les déviations relevées, il y a les changements anatomiques du patient, les er- reurs d’administration et planification, et les fausses alertes dues aux limites de la méthode.

De même, l’algorithme développé à l’Institut de Physique de l’Università Cattolica del Sacro

Cuore détermine le rapport entre la dose calculée par le TPS et la dose déterminée à partir de

l’image acquise par l’EPID, pour des régions d’intérêt de 4x4mm sur l’axe [30] [33] [89]. Selon les dernières publications, 10% des sessions contrôlées étaient hors tolérance. 70% des déviations étaient dues à des erreurs techniques (administration du traitement, planification), 20% à des changements morphologiques et 10% à des limites de la méthode [32].

Enfin, le Service de Physique Médicale de l’Institut Curie utilise le logiciel de DIV EPIgray® . Co-développé avec l’entreprise DOSIsoft S.A., ce logiciel s’appuie aussi sur un algorithme par rétroprojection [37]. Le formalisme d’EPIgray® , issu des travaux de thèses précédentes ([10] [13]), reconstruit à partir des images de l’EPID la dose reçue en un ou des points d’intérêt choisis par l’utilisateur. Récemment, une version a été lancée donnant la possibilité de calculer la dose de jusqu’à 50 points placés de manière automatique dans le volume cible, permettant ainsi de calculer un écart de dose moyen sur un nombre statistiquement significatif de points. Une fois

appliquée de manière systématique en clinique, cette démarche rapprochera le calcul, jusqu’ici limité à quelques points choisis, d’un calcul de dose tri-dimensionnel.

Les différentes techniques de DIV de transit citées ci-dessus répondent finalement toutes aux mêmes exigences légales et fournissent des réponses à la question principale : "Est-ce que j’ad- ministre au patient la dose prévue, dans les limites des tolérances fixées ?".