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Données paléontologiques sur l’hyène des cavernes

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 29-33)

Les analyses effectuées lors de cette thèse ont également porté sur un autre animal, appartenant à la famille des Carnivores, qui était un hôte régulier des cavités : l’hyène des cavernes.

Presque toutes les espèces d’hyènes actuelles ont été présentes en Europe au Pléistocène : l’hyène brune, l’hyène rayée et l’hyène tachetée (Kurtén, 1968). Seul le protèle (Proteles cristatus), une hyène insectivore, est resté spécifique de l’Afrique. Les restes d’hyène tachetée sont abondants dans les sites paléontologiques et sont présents dans la plupart des assemblages osseux provenant de grottes, ce qui a conduit à la définition d’une espèce (ou sous-espèce) particulière : l’hyène des cavernes, Crocuta (crocuta) spelaea.

1.2.1. Caractéristiques morphologiques de l’hyène des cavernes

Les hyènes se distinguent par leur alimentation : elles ont développé des molaires et prémolaires épaisses, de structure conique qui leur permettent de broyer les os pour en extraire la moelle et les tissus spongieux. Les hyènes appartenant au genre Crocuta montrent des prémolaires encore plus puissantes. Leurs dents carnassières sont allongées et forment des lames aiguisées. Leurs canines en revanche sont peu imposantes (Kurtén, 1968).

La ressemblance entre l’hyène des cavernes et l’hyène tachetée est telle que le statut d’espèce à part entière de l’hyène des cavernes fait débat, certains la considérant comme une sous-espèce de l’hyène tachetée (Kurtén, 1968; Turner, 1984; Werdelin & Solounias, 1991), tandis que d’autres lui donnent le statut d’espèce à part entière (Markova et al., 1995; Baryshnikov, 1999). Elle se distingue de l’hyène tachetée africaine actuelle par sa taille élevée et, dans les stades tardifs, par l’allongement de son humérus et de son fémur, doublé de l’épaississement des os de ses pattes, antérieures comme postérieures (Kurtén, 1968).

Le dimorphisme sexuel est peu marqué (Fosse, 1997), et les femelles d’hyène tachetée peuvent développer des pseudo-pénis par allongement de leur clitoris.

1.2.2. Origine évolutive de l’hyène des cavernes

Bien qu’il ne reste actuellement que quatre espèces de Hyénidés, représentant quatre genres différents, cette famille a été autrefois très diversifiée, près de 70 espèces fossiles ayant été décrites (Werdelin & Solounias, 1991). Les données paléontologiques suggèrent que cette famille est apparue il y a environ 25 Ma, à la fin de l’Oligocène. C’est à la fin du Miocène que la diversité spécifique est la plus importante, avec plus d’une vingtaine d’espèces coexistant à cette époque.

Les quatre espèces survivantes peuvent donc être considérées comme des reliquats d’un groupe autrefois très divers. Alors que le protèle est très différent, à la fois morphologiquement et sur le plan de sa diète, les trois autres espèces, l’hyène tachetée, l’hyène rayée et l’hyène brune se ressemblent, ce qui suggère que les lignées auxquelles elles appartiennent se sont séparées relativement récemment.

L’hyène des cavernes descend d’une hyène plus ancienne, C. sivalensis, qui vivait en Inde au Villafranchien. Elle se caractérise par une dentition plus primitive, et en particulier par la présence de molaires supérieures qui deviennent vestigiales ou disparaissent chez les espèces modernes (Kurtén, 1968). Durant le Pléistocène moyen, cette population se répand hors de son aire d’origine en direction de l’Europe, de l’Afrique et de la Chine.

Les premières hyènes appartenant au genre Crocuta apparaissent en Europe durant la glaciation de Günz. La première occurrence de cette espèce est observée à la Sierra d’Atapuerca et est datée de 0.78 Ma (Garcia & Arsuaga, 2001a). Des restes d’animaux de même taille que les hyènes tachetées africaines actuelles sont présents sur les sites de Süsenborn et Gombasek.

L’hyène aurait pu suivre deux voies pour arriver en Europe. A partir de la Péninsule arabique, où elle est présente il y a 1,5 Ma, elle aurait pu traverser le Bosphore aux périodes où il était accessible, ou contourner la Mer Noire par le Caucase, où des restes de C. sinensis sont enregistrés au Pléistocène inférieur (Garcia & Arsuaga, 2001a).

C’est durant le Cromérien, quelques centaines de milliers d’années plus tard, que l’hyène des cavernes atteint sa taille distinctive. Les hyènes des cavernes européennes sont plus grandes que les hyènes tachetées africaines, mais on observe une gradation de taille continue entre les spécimens européens, du sud de la Russie, du Proche Orient et les spécimens africains.

1.2.3. Alimentation

Les hyènes du genre Crocuta se nourrissent principalement de proies de grande taille et de taille moyenne. Contrairement aux autres hyènes qui mangent surtout des charognes et chassent peu (5,8%), les hyènes tachetées tuent elles-mêmes 72,6 % des animaux qu’elles consomment, et jusqu’à 90,6% dans certaines régions (Bourdillat, 2008). Elles chassent généralement en groupe, ce qui permet d’attaquer de plus grosses proies, d’augmenter les taux de réussite et de mieux défendre leurs proies contre les charognards et les autres prédateurs.

La taille du groupe dépend du nombre de proies susceptibles d’être chassées et de la présence de concurrents.

Durant les périodes interglaciaires, les milieux boisés rendent la chasse difficile et engendrent un fort taux de charognage des carcasses, ainsi qu’une importante mortalité des jeunes.

Durant les périodes glaciaires, les paysages ouverts favorisent la chasse (Fosse, 1997).

Les assemblages osseux retrouvés dans les tanières d’hyènes se regroupent selon deux types : (i) les assemblages où prédominent les artiodactyles (cerf élaphe, renne) et les grands bovidés (auroch et bison), et (ii) les assemblages où sont représentés les périssodactyles (Equidés et Rhinocérotidés), accompagnés des proboscidiens (mammouth). Cette répartition pourrait être due à des facteurs environnementaux, éthologiques et taphonomiques (Fosse, 1997).

Les repaires contiennent également des coprolithes, qui sont des excréments fossiles, attribués à l’hyène des cavernes. Ces coprolithes concentrent les pollens, issus de l’eau de boisson ou de l’ingestion des restes végétaux contenus dans le tube digestif des proies (Leroi-Gourhan, 1966). Leur analyse palynologique permet de reconstituer ponctuellement l’environnement végétal des hyènes (Carriòn et al., 2001; Yll et al., 2006; Carriòn et al., 2007).

1.2.4. Paléo-éthologie de l’hyène des cavernes

Deux types de repaires ont pu être utilisés par l’hyène des cavernes. Les premiers sont de petite taille et contiennent une grande quantité d’ossements, ainsi que de coprolithes. Ils auraient, pour la plupart, été utilisés durant les périodes interglaciaires (Sutcliffe, 1969). Les seconds sont plus grands et contiennent moins d’ossements et de coprolithes. Ils auraient majoritairement été utilisés durant les périodes froides. Dans ces derniers, les vestiges osseux

sont généralement concentrés dans les diverticules étroits, avec principalement des ossements appartenant à des sujets nouveaux-nés, jeunes et juvéniles (Fosse, 1997).

La comparaison des différents repaires d’hyène des cavernes permet de relever leurs traits caractéristiques. Les hyènes affichent une préférence pour les repaires contenant un nombre élevé d’entrées, avec une salle relativement vaste mais de faible hauteur (moins d’un mètre).

C’est là que sont généralement retrouvés les restes de proies. Des tunnels étroits partent de cette salle et conduisent à des petites chambres où sont effectuées les mises-bas. Des petites galeries, creusées par les hyénons, leur permettent de se mettre à l’abri des mâles adultes.

Les vestiges osseux sont abondants dans les zones proches de l’entrée, ainsi qu’aux abords du repaire, tandis que les zones de défécation sont généralement situées à l’extérieur (Fosse 1997).

Chez l’hyène tachetée actuelle, les repaires de petite taille sont fréquentés durant des périodes courtes, de quelques semaines à quelques mois (Kruuk, 1972; Mills, 1994), tandis que les repaires plus grands peuvent être occupés durant plusieurs années. Les femelles ont un à deux hyénons par portée qu’elles élèvent dans des repaires de petite taille, fréquentés uniquement par la cellule familiale (Mills, 1985). C’est à partir de la cinquième année que les jeunes sont réunis et élevés en commun (Kruuk, 1972).

2. LA PALEOGENETIQUE

Si l’analyse morphologique des vestiges animaux du Pléistocène permet de connaître l’apparence et la manière dont ont évolué certaines espèces aujourd’hui éteintes, l’étude de l’ADN ancien, ou paléogénétique, a ouvert un champ nouveau en paléontologie en donnant accès au matériel génétique qui subsiste dans les fossiles.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 29-33)