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L’édentement constitue une préoccupation qui est toujours d’actualité pour le chirurgiens dentiste. Bien que la tendance en Europe soit à la diminution du nombre de dents perdues, le nombre de patient édentés reste suffisamment élevé pour que l’édentement constitue un domaine où des progrès restent à réaliser notamment pour certaines franges de la population qui y sont particulièrement exposées, à savoir les personnes âgées les plus fragiles et dépendantes.

1.1.1. La prévalence de l’édentement

Les données sur l’édentement sont assez disparates. Elles ont été collectées à différents moments et les études dont elles ont fait l’objet sont souvent anciennes à l’échelle de l’évolution démographique. En 2016 l’édentement total et la perte sévère de dents* concernait 302.342.000 personnes (263 801 à 339 035)2 dans le monde selon L’Institut for Health Metric and Evaluation (IHME) soit une prévalence de 4,1% pour la totalité de la population mondiale (7.349.472.000). Cependant l’édentement total n’est pas uniformément réparti. Il touche les personnes les plus âgés et les plus fragiles du point de vue socio-économique.

* On entend par perte sévère des dents, un édentement laissant moins de 9 dents. (Définition du

Cochrane Handbook of systematic reviews, Higgins and Green, 2011).

Pour ce qui concerne l’Europe, l’étude WHS (World Health Survey) a apporté les résultats suivants :

2 Vos et al., « Global, regional, and national incidence, prevalence, and years lived with disability for 328

diseases and injuries for 195 countries, 1990–2016: a systematic analysis for the global burden of disease study 2016 », 1224.

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Tableau 1 : Prévalence de l’édentement dans les pays à hauts revenus : (WHS 2002-2004)

Pays à hauts revenus Taille échantil lon

% sur population totale (Intervalle de confiance)

Age <50 ans (I.C) Age ≥50 ans (I.C) Finland 1,013 8.3% (6.7–10.3) 3.0 % (1.3–6.9) 13.4 % (10.9–16.4) France 1,008 9.8 % (7.0–13.6) 4.1 % (2.1–7.8) 15.7 % (10.9–22.0) Ireland 1,014 14.3% (11.8–17.2) 5.7 % (3.4–9.2) 22.8 % (17.9–28.6) Israel 1,536 9.8 % (8.2–11.8) 3.1 % (1.9–4.9) 17.4 % (13.3–22.4) Luxembourg 700 10.0 % (8.0–12.5) 8.1 % (5.9–11.0) 11.2 % (7.7–16.1) Norway 984 2.1 % (1.4–3.2) 0.3% (0.1–1.4) 4.7 % (2.8–7.7) Portugal 1,030 7.9 % (6.5–9.6) 2.0 % (0.9–4.1) 15.0 % (11.0–20.2) Spain 6,373 7.6 % (6.8–8.5) 2.8 % (1.8–4.2) 12.1 % (10.7–13.7) Sweden 1,000 5.1 % (3.4–12.5) 4.9 % (1.8–12.5) 5.4 % (2.9–9.7) Total 14,658 8.6 % (7,3-10,2) (7.3–10.2) 3.5% (2.4–5.0) 13.6 %(11.4–16.2)

Source : Tyrovolas et al, « Population prevalence of edentulism and its association with depression and self- rated health », 2016, p 4.

1.1.2. Evolution du taux d’édentement dans la population globale

La méta-analyse conduite par Kasselbaum et al3 rapporte une tendance mondiale à la baisse du taux d’édentement total, puisque en 1990 le taux de personnes édentées était de 4,4% (en moyenne) alors qu’en 2010 il ne représentait plus que 2,4% de la population mondiale.

Remarquons que cette valeur est inférieure à celle du Global Burden of Disease 2016 1 (estimée à 4,1%) étant donné que le GBD-2016 prend en compte non seulement les édentements totaux mais aussi les édentements sévères ou sub-totaux, c'est-à-dire les patients ayant moins de 9 dents restantes.

Quoiqu’il en soit, même si les valeurs de prévalence ne correspondent pas tout à fait, elles restent cohérentes. La tendance déclinante, elle, peut être considérée comme un fait avéré.

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1.1.3. Evolution de la prévalence chez les personnes âgées

S’il existe une baisse de la prévalence dans la population globale, celle-ci serait elle perceptible chez les + de 65ans, malgré l’augmentation de cette population qui concentre à elle seule la majorité des cas d’édentement ?

En effet, dans les les pays les plus développés, la population âgée ne fait qu’augmenter. Par exemple dans le scénario central d’évolution de la population Française fourni par l’INSEE, la proportion de personnes âgées de plus de 65 ans est en constante augmentation.

En 2020 cette proportion devrait atteindre près de 20,1 %4

Les données recueillies par Kasselbaum et al montrent clairement que la baisse du taux d’édentement sévère concerne l’ensemble des générations de plus de 20ans.

Ainsi l’on peut voir que la prévalence de l’édentement total et sévère des personnes ayant entre 60 et 80ans était comprise entre 18% et 38% en 1990, alors qu’en 2010, elle se situait entre 10 et 20% sur la moyenne mondiale.

La diminution de la prévalence concerne donc aussi les catégories de personnes les plus âgées.

Figure 1 : Distribution des prévalences en 1990 et en 2010 par catégorie d’âge pour la population mondiale

Source : Kassebaum et al., « Global burden of severe tooth loss »,2014.

4 Blanpain et Buisson, « Projections de population à l’horizon 2070 ».

1990

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1.1.4. Prévalence de l’édentement chez les personnes âgées dépendantes

Si la prévalence de l’édentement est bien décroissante parmi l’ensemble des personnes âgées ce n’est pas forcément le cas de toutes les catégories de personnes âgées. Les personnes âgées dépendantes semblent être plus atteintes que la population générale.

En effet la prévalence de l’édentement chez les personnes en institution, majoritairement des personnes dépendantes, reste très élevée comme le révèle les différentes études qui sont présentées dans cet exposé.

Cependant comme la plupart de ces études portent précisément sur l’édentement, ses conséquences et son traitement, il est quasiment impossible d’échapper à un ou plusieurs biais de sélection. Il n’y a donc aucune certitude que les prévalences figurant dans ces études soient représentatives de l’ensemble des personnes âgées dépendantes.

C’est pouquoi il a été nécessaire d’en faire l’évaluation à partir d’une recherche spécifique, ciblée sur la thématique de prévalence de l’édentement des personnes âgées dépendantes.

Cette recherche a permis d’identifier 12 études où la notion de prévalence de l’édentement paraissait indépendante des critères de l’étude ou des paramêtres étudiés.

(La liste de ces études figure dans le tableau A figurant en annexe page 96)

Les prévalences relevées dans les différents articles sont majoritairement élevées, proches de 40 % en moyenne.

Comment expliquer ces prévalences élevées ? Y aurait-il un effet « institution » ?

Eustaqio-Raga et al5 font remarquer que le risque relatif d’être édenté est 2,88 plus important si l’on vit en institution.

En fait il ne faut pas voir de relation causale entre le taux d’édentement et le fait de vivre en institution, mais une association de circonstances. Cette corrélation entre édentement et vie en institution peut très bien s’expliquer par la fréquence des déficiences motrices, sensorielles, cognitives qui constituent la véritable raison d’entrée en institution et le fait que ces mêmes déficiences soient à l’origine d’une hygiène bucco-dentaire défaillante et d’une difficulté d’accès aux soins et par suite d’une dégradation de l’état bucco-dentaire puis d’édentement.

Par ailleurs il faut aussi voir à travers ce pseudo effet « institution » l’intervention du facteur âge. En effet la moyenne d’âge des patients vivant en institution est proche de 80 ans pour les pays développés. Or il est acquis que plus l’âge est élevé, plus la proportion de personnes édentées est

5 Eustaquio-Raga, Montiel-Company, et Almerich-Silla, « Factors associated with edentulousness in an elderly

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élevée6. L’édentement est en effet le résultat cumulatif des pathologies carieuses et parodontales ayant agit tout au long de la vie du patient.

Donc ce que l’on voit dans ces résultats de prévalences doit plutôt être interprété comme une combinaison d’effets liés aux pathologies bucco-dentaires, à l’âge, et aux déficiences physiques et cognitives.