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Chapitre 1 - Etat de l’art de la simulation des dommages à l’ADN

1.2 L’ADN et les dommages radio-induits

1.2.2 Dommages à l’ADN induits par les rayonnements ionisants

À partir du dépôt d’énergie initial, plusieurs évènements se suivent sur une échelle de temps et conduisent aux effets biologiques sur l’ADN. Ces évènements sont généralement regroupés en étapes temporellement distinctes [TURNER, 2007] comme représenté sur la figure 1.12.

Figure 1.12 : Chronologie des évènements conduisant aux effets biologiques : étapes physique, physico-chimique, chimique, biochimique et biologique.

Le dépôt d’énergie, à proprement parler, est connu sous le nom d’étape physique (entre 10-18 s et 10 -15 s) [TURNER, 2007] et comprend les interactions physiques (élastiques et inélastiques) avec les molécules du milieu. Lors de cette phase a lieu l’ionisation ou l’excitation des molécules d’eau causée par les dépôts d’énergie issus des particules ionisantes. Lorsque l’énergie cinétique d’un électron atteint 25 meV, c’est-à-dire lors de sa thermalisation, il peut alors être « capturé » par des molécules d’eau formant ainsi un électron solvaté, e

-aq [HART et BOAG, 1962].

S’en suit l’étape physico-chimique (entre 10-15 s et 10-12 s) [TURNER, 2007] avec la radiolyse de l’eau entraînant la dissociation ou la recombinaison des molécules d’eau ionisées ou excitées. Cela a pour conséquence la génération d’espèces chimiques instables appelées produits radiolytiques dont font partie les radicaux libres. Ces radicaux libres sont hautement réactifs du fait que leurs cortèges électroniques possèdent un ou plusieurs électrons de valence non appariés. Ils ont donc une durée de vie très courte inférieure à la microseconde. Les molécules d’eau ionisées ou excitées peuvent se recombiner ou se dissocier en de nouvelles espèces chimiques comme H2, H3O+, e

-aq, OH, H comme indiqué sur la figure 1.13.

Figure 1.13 : Schéma illustrant la radiolyse de l’eau. Après le passage d’un rayonnement ionisant, la molécule d’eau devient excitée ou ionisée (jusqu’à 10-15 s). Elle se dissocie ou se recombine ensuite en d’autres espèces chimiques durant l’étape physico-chimique (10-15 s à 10-12 s). Puis, les radicaux libres diffusent et réagissent entre eux ou avec le milieu durant l’étape chimique (10-12 s à 10-6 s) (source : https://www.pnnl.gov/main/publications/external/technical_reports/PNNL-21554.pdf). Il en découle l’étape chimique (entre 10-12 s et 10-6 s) [TURNER, 2007] au cours de laquelle, les radicaux diffusent et peuvent régir entre eux ou avec les molécules du milieu.

Lorsque nous nous intéressons particulièrement aux dommages biologiques radio-induits sur la molécule d’ADN, sont distingués les dommages directs, produits lors de l’étape physique par un dépôt d’énergie qui a lieu entre le rayonnement ionisant et l’ADN, des dommages indirects issus de l’étape chimique et résultant de l’altération de la structure chimique de l’ADN par les radicaux libres.

1.2.2.1 Types de dommages des brins de l’ADN

Parmi les dommages à l’ADN, nous pouvons citer en particulier les lésions de type cassure simple brin (plus communément appelé « Single-Strand Break » ou SSB) qui surviennent lorsqu’un seul des deux brins de l’ADN est cassé et les lésions de type cassure double brins (plus communément appelé « Double-Strand Break » ou DSB) lorsque la lésion apparaît sur les deux brins et que ces cassures sont suffisamment proches [SCHIPLER et ILIAKIS, 2013].

Les cassures des brins de l’ADN interviennent au niveau du squelette de l’ADN et plus particulièrement dans la liaison phosphodiester entre le phosphate et le désoxyribose. La plupart des SSBs sont réparables et n’entraînent pas de dommages critiques [DIKOMEY et al. 1998], tandis que les DSBs sont plus difficilement réparés et sont de ce fait, considérés comme des lésions majeures [VIGNARD et al.,

2013]. En effet, ces DSBs entraînent la rupture de la double hélice de l’ADN et sont donc plus délétères pour le génome.

D’autres formes de dommages sont également possibles tels que les dommages de bases et les pontages protéine-ADN ou ADN-ADN. Les dommages de bases nucléotidiques ont le plus souvent lieu par attaque des radicaux libres sur les bases pouvant les rendre instables et entraîner leur décomposition ou leur réaction avec d’autres molécules du milieu. Les radicaux libres peuvent également entraîner la formation de pontages au sein de la même chaîne d’ADN (intra-chaîne), entre deux chaînes d’ADN différentes (inter-chaîne) ou bien entre l’ADN et les protéines environnantes. Précisons que différents types de dommages à l’ADN comme les SSB, les DSB et les dommages aux bases peuvent être « combinés » lorsqu’ils se trouvent très proches spatialement ce qui a pour conséquence, l’apparition de dommages « complexes ». Plus la complexité des dommages est importante, plus la réparation est difficile.

Il est à préciser que, lors des calculs des dommages à l’ADN, la classification des dommages ainsi que leur complexité reste propre à chaque code de calcul. Par exemple, une des classifications possibles des dommages selon leur complexité [TALEEI et al., 2013] est représentée sur la figure 1.14.

Figure 1.14 : Schéma illustrant une classification possible des dommages selon leur complexité [TALEEI et al., 2013].

Sur la figure 1.14, la double hélice d’ADN est représentée par quatre lignes. Les lignes en trait plein représentent le squelette de l’ADN (sucre-phosphate) et les lignes en pointillé représentent les bases de l’ADN. A gauche, les dommages concernent exclusivement le squelette de l’ADN tandis qu’à droite, sont représentés les dommages aux bases seuls ou avec addition de cassures de brins.

Etant donné que les codes de calcul possèdent leurs propres hypothèses et classification des dommages à l’ADN, un nouveau standard pour le calcul des dommages à l’ADN (« SDD ») a été proposé afin de faciliter les comparaisons entre les différents codes. Ce standard vise également à établir le lien entre les dommages à l’ADN des différents codes et les différents modèles de réparation cellulaire [Schuemann et al., 2019]. En effet, de nombreux codes Monte-Carlo ont été développés pour simuler les dommages à l’échelle de l’ADN. Parallèlement, plusieurs modèles décrivant la réparation des dommages à l’ADN ont été développés. Cependant, ces derniers sont intrinsèquement liés à la méthode de calcul des dommages employée. De ce fait, le « SDD » permettra d’unifier l’interface entre la simulation des dommages à l’ADN et la modélisation des processus de réparation de l’ADN mais également, d’évaluer l’influence des hypothèses adoptées par chaque code.

Suite aux dommages à l’ADN engendrés par les rayonnements ionisants, la cellule va mettre en place différents processus de réparation de ces dommages impliquant de multiples réactions enzymatiques. Cela définit l’étape biochimique qui a lieu entre 10-6 s et 1s-1h. Enfin, à la fin de cette étape de réponse biologique, des effets biologiques tels que les aberrations chromosomiques, les mutations ou la mort cellulaire, entre autres, peuvent être constatés lors d’une mauvaise ou non réparation des dommages voire même l’apparition d’un cancer de façon plus tardive.

1.2.2.2 Détection des cassures double brins de l’ADN

En général, parmi les différents types de dommages, les cassures double brins de l’ADN sont le plus souvent investiguées car ce sont les plus létales. Lors de l’induction d’un DSB, le déclenchement d’une cascade de signalisations apparaît. Dès lors, plusieurs protéines sont mobilisées et co-localisées au niveau du site du DSB. Comme mentionné précédemment, l’ADN est enroulé autour d’octamères d’histones (H2A, H2B, H3 et H4). Sur le site du DSB, le variant de l’histone H2A (H2AX) est phosphorylé (γ-H2AX) au niveau de la sérine 139 en particulier, par une protéine de réponse aux dommages nommée ATM (Ataxia Telangiectasia Mutated). Cela constitue notamment, l’une des premières étapes dans le recrutement et la localisation des protéines de réparation. La détection des γ-H2AX, qui se fait habituellement par immunofluorescence, traduit de manière indirecte les DSBs sous forme de foyers d’où le nom de foyers γ-H2AX [KUO et YANG, 2008]. La technique d’immunofluorescence consiste à utiliser des anticorps primaires spécifiques à la protéine de signalisation d’intérêt conjointement avec des anticorps secondaires couplés à un fluorochrome et dirigés contre les anticorps primaires. La détection des foyers dans un noyau cellulaire après irradiation peut s’effectuer par microscopie à fluorescence entre autres, comme nous pouvons le voir sur la figure 1.15.

Figure 1.15 : Image par microscopie confocale montrant le nombre de foyers γ-H2AX (spots verts) dans un noyau cellulaire irradié (en bleu) [GRUEL et al., 2016].

D’autres méthodes peuvent être employées pour détecter les DSBs comme l’électrophorèse et le test des comètes (« comet assay »). Effectivement, la fréquence des DSBs augmente avec la dose d’irradiation ce qui va entraîner une augmentation du nombre de fragments de l’ADN ainsi qu’une diminution de leur taille. Une mesure de cette fragmentation de l’ADN permettrait donc de quantifier de façon indirecte les DSBs.

Dans la méthode de l’électrophorèse, les fragments d’ADN sont disposés dans un gel d’agarose ou de polyacrylamide puis soumis à un champ électrique. Les fragments d’ADN étant chargés négativement, vont migrer vers l’anode en fonction de leur taille. Lorsque l’ADN présente beaucoup de DSBs, les fragments seront de petite taille et migreront donc loin contrairement aux fragments de grande taille qui seront freinés. Cependant, cette technique nécessite une quantité importante d’ADN pour observer et quantifier la fragmentation et de ce fait, est réalisée sur de l’ADN provenant de plusieurs milliers de cellules.

Le test des comètes emploie également la technique de l’électrophorèse sur gel d’agarose. Lorsque l’ADN n’a pas été endommagé, il reste sous une forme super enroulée et sera révélé sous la forme d’une sphère compacte. Au contraire, si l’ADN a été endommagé, les fragments résultants vont migrer à côté du noyau et former une traînée assimilable à la queue d’une comète. Ce test permet d’évaluer les cassures d’ADN sur des cellules individualisées.

Cependant, pour obtenir des fragments d’ADN, il est nécessaire d’appliquer des doses d’irradiations élevées correspondant à plusieurs dizaines de Gy. Ces deux méthodes, étant basées sur la fragmentation de l’ADN, sont donc peu sensibles et pas adaptées lorsque l’on veut étudier les DSB à des doses plus faibles.

1.3 Les méthodes de Monte-Carlo appliquées à la